La Grotte, un réservoir d’art et d’humanisme

A observer ces toiles pariétales de Moubarak Ammane, nul observateur ne peut s’empêcher d’envoyer son corps et son esprit en voyage à la rencontre de l’homme primitif qui est en lui.

Cet  univers rupestre qui réfléchit le temps contribue aussi à un  resurgissement de la mémoire  effacée. Ammane produit par sa peinture une réduction de la généalogie humaine jusqu’à l’essence. Non seulement que l’homme primitif ou précisément, en termes freudiens, l’«intérieur primitif» constitue le miroir commun qui reflète tous les hommes  «l’intérieur primitif» exprime l’unité des esprits, du coup, l’universalité des idées. Mmais aussi qu’il s’agit d’exprimer un refus de l’histoire et de la modernité. De l’histoire d’abord, au regard de l’œuvre de l’artiste, l’observateur ne manque pas de questionner l’entretemps. Qu’est ce qui s’est passé entre ces débuts si immémoriaux et ce présent daté et circonscrit ? Faire abstraction de l’Histoire, de ses troubles et de ses tragédies suggère une dénonciation de la part de Moubarak Ammane de cette autorité entasseuse.

L’homme, en particulier l’artiste, se trouve face à une société qui, après avoir fait preuve de rationalisme et d’humanisme, assiste à un renversement des situations où il n’en reste que les apparences. L’homme est aliéné de son humanité. Ammane dit «l’homme moderne est plus sauvage que l’homme primitif». Ce dernier tel que le pense l’artiste est une existence qui se consacre à la chasse et à la création. Deux actes fondamentaux qui appellent invariablement l’usage de la main depuis l’homme primitif jusqu’à l’homme d’aujourd’hui.

Le traitement de la temporalité dans une œuvre d’art implique inévitablement de signifier une histoire. Autrement dit, l’image de l’époque telle que la reçoit la rétine de l’artiste contient nécessairement une perception narrative. La grotte de Moubarak Ammane représente  une dichotomie de poétique et de désenchantement. L’artiste absorbe son temps-espace contemporain par un regard qui, aussitôt, crypte ladite dichotomie en une image dérisoire et synthétique. Sa technique artistique interprète d’abord et chiffre ensuite l’émotion de l’artiste face à une réalité contenue dans une grotte. Le peintre spatialise l’essence primitive dans des scènes rupestres qui représentent la trace humaine, qui déconstruisent l’histoire et qui se déclarent être l’origine d’une histoire universelle et intemporelle.

L’art primitif, semble t-il, tel qu’il est repensé par Ammane, est non seulement une nécessité psychologique à l’aide de laquelle  l’Homme extériorise ses désirs enfouis mais aussi l’essence et l’apogée de l’art. Tout art produit hors de la grotte n’est qu’un «plus artistique».

L’œuvre de Moubarak se caractérise par une esthétique d’extériorisation du dedans. En représentant une grotte dans un espace infini, le peintre représente le dedans de la grotte dans un dehors. A sa sortie de sa caverne imaginaire,  Ammane retient les éléments créés par l’homme primitif et les extériorise afin de peupler la nature vide par des animaux en califourchon et des danses macabres qui donnent à ses compositions un air surréaliste qui fait penser aux surfaces plastiques de Salvador Dali. Ammane ne nous introduit pas à sa grotte mais il fait sortir les éléments créatifs. Aux claustrophobes de découvrir le dedans redoutable.

Majida Fettah

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