Zimbabwé: Trois morts après les heurts entre forces de l’ordre et manifestants

En organisant ce 30 Juillet des élections générales – les premières depuis près de quarante années, sans Robert Mugabe – le Zimbabwé a ouvert une nouvelle page de son histoire.

Mais en détrônant  le vieux «combattant de la liberté», les généraux et les caciques de la Zanu-PF avaient installé à la tête du pays un de leurs proches; à savoir le vice-président Emmerson Mnangagwa. Ce dernier, âgé de 75 ans et fort du soutien de l’armée, du parti au pouvoir et des médias de l’Etat  a eu face à lui, lors de ces premières élections de l’ère post-Mugabe, Nelson Chamisa, jeune avocat de 40 ans à la tête du Mouvement pour un Changement Démocratique (MCD), soucieux d’incarner le changement et la rupture totale avec l’ancien régime.

Les premiers résultats partiels publiés ce mercredi par la Commission électorale (ZEC) et concernant 153 des 210 circonscriptions du pays, ont révélé que la Zanu-PF, parti au pouvoir, a obtenu 110 sièges tandis que le MCD n’en aurait décroché que 41; des résultats qui contredisent ceux qui la veille avaient conféré la victoire au MCD.

Or, même si ni la Zanu-PF ni le MCD n’ont immédiatement réagi à ces premiers résultats partiels, Nelson Chamisa, le patron de la formation de l’opposition, ne s’est pas empêché de déclarer sur son compte Twitter que «les résultats de la présidentielle étaient en train d’être truqués» et que la ZEC, critiquée pour sa partialité durant l’ère Mugabe, cherche cette fois-ci «à publier des résultats pour gagner du temps et inverser la victoire du peuple à l’élection présidentielle; une stratégie destinée à préparer mentalement le Zimbabwé à accepter de faux résultats pour la présidentielle». Et le chef du MCD d’ajouter : «nous avons remporté le vote populaire et nous le défendrons».

Aussi, dés l’annonce de ces résultats partiels accordant la majorité absolue à l’assemblée nationale à la Zanu-PF, au pouvoir depuis 1980, des échauffourées ont opposé les forces de l’ordre à des centaines de partisans de l’opposition qui sont descendus dans la rue pour dénoncer les fraudes, les trucages et les falsifications dont se serait rendu coupable la Commission électorale.

Après avoir fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour disperser les manifestants massés devant les bureaux temporaires de la ZEC, les forces de l’ordre, à bord de chars et de camions,  auraient ouvert le feu à balles réelles sur la foule, selon un photographe de l’AFP, faisant au moins trois morts.

Lançant un appel au calme, le président Emmerson Mnangagwa a déclaré, sur son compte Twitter : «Le temps est venu de faire preuve de responsabilité et, par-dessus tout, le temps de la paix est venu. En cette période cruciale, j’appelle tout le monde à cesser de faire des déclarations provocatrices (…). Nous devons faire preuve de patience et de maturité».

Reconnaissant que «le climat politique se soit amélioré (et que) le vote s’est déroulé de manière pacifique», l’Union Européenne déplore, toutefois, dans un communiqué, le fait que «l’inégalité des chances (entre les candidats), les intimidations d’électeurs et le manque de confiance dans le processus électoral aient miné l’environnement pré-électoral».

L’ambassade des Etats-Unis à Harare, se disant «profondément inquiète», a appelé l’armée zimbabwéenne à apaiser les tensions et exhorté «les forces de défense à faire preuve de retenue quand elles dispersent les manifestants».

Le Zimbabwé vivra-t-il encore au rythme des fraudes et des tripatouillages même après l’éviction du vieux «combattant de la liberté» devenu «dictateur» et dont l’empreinte a fortement déteint sur les «institutions» du pays ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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