Par Mohamed Khoukhchani
Une centaine de jours vont bientôt s’écouler depuis que Maître Chaouki Bousfiha, avocat au barreau de Meknès depuis le début des années 70, nous a subitement quittés, et à jamais, suite à une attaque cardiaque qui n’a laissé aux disciples d’Hypocrate aucune chance de le sauver.
Bousfiha, le père de famille, a quitté, d’abord, les siens et particulièrement son épouse avec qui il était uni depuis 1974 pour le meilleur et pour le pire et ses bien aimées filles Imane, Salma, Safia et Soukaina qui, toutes les quatre, lui dévouaient une grande affection et une immense reconnaissance pour avoir été ce père idéal qui a tout mis à leur disposition pour qu’elles ne manque de rien; Bousfiha, l’avocat, a quitté également le monde de la justice, toutes composantes comprises, qui l’a entouré de beaucoup de respect, et finalement Bousfiha, l’homme doté de diverses qualités humaines, a quitté ses amis et camarades qui l’ont aimé inconditionnellement et avec qui il partageait le souci de voir le Maroc se développer, comme il se doit, politiquement, économiquement et socialement pour se retrouver au premier rang des États démocratiques.
* Natif de la médina de Meknès en 1946 au sein d’une famille, méknassi de souche, composée, outre les parents, d’un frère et d’une sœur, l’enfant Chaouki a poursuivi ses études primaires à l’école Sekkat avant d’entamer des études secondaires du premier et second cycle au lycée Moulay Ismail où il a décroché son baccalauréat, Lettres modernes, en 1964.
Viennent ensuite les études universitaires à Rabat dans les arcades de la faculté des sciences politiques, économiques et juridiques, plus connue aujourd’hui sous le nom de faculté de droit et sciences économiques. Lesquelles études supérieures allaient se couronner par l’obtention de la licence ès droit privé en 1968 malgré leur déroulement dans des circonstances difficiles dues à l’oppression dont souffrait pendant les fameuses années de plomb la quasi totalité du peuple marocain et particulièrement les étudiants ayant combattu le pouvoir absolu et lutté pour les droits humains, la liberté d’expression, la justice sociale et la démocratisation de la vie politique.
Parallèlement aux études supérieures effectuées à Rabat, Chaouki Bousfiha choisit en son âme et conscience de militer au sein du Parti Communiste Marocain (PCM) qui était à l’époque frappé d’interdiction depuis 1959 par le gouvernement Abdellah Ibrahim.
C’était l’occasion pour le jeune étudiant de droit qu’il était de se forger une personnalité forte et un caractère solide dont il aurait bien besoin plus tard durant sa vie professionnelle et son parcours de militant progressiste. C’était l’occasion de se former pour plaider les bonnes causes au profit des victimes des injustices, toutes formes comprises, et de la terrible oppression qui sévissaient lors des années de braises. Et c’était l’occasion de se préparer à la noble profession d’avocat qu’il allait exercer à partir de 1971.
Quarante-huit années durant, Maître Chaouki Bousfiha a su trouver les mots justes, les arguments les plus percutants, l’éloquence la meilleure et les textes juridiques adéquats pour défendre les justiciables assoiffés de justice dont les nombreux militants de son parti ou autres arrêtés de façon arbitraire pour avoir osé dire non aux injustices sociales en se soulevant contre les décisions arbitraires voire impopulaires prises par les pouvoirs publics au détriment de l’intérêt général de la population marocaine et des attentes des couches sociales les plus défavorisées.
De par le métier qu’il a exercé presque un demi siècle durant, Maître Bousfiha a opté pour le camp des militants pour un État de droit tant au niveau du barreau de Meknès où il jouissait de respect aussi bien auprès des juges que des avocats qu’au niveau de l’élite politique meknassie dont il était membre à part entière.
Le camarade Chaouki Bousfiha est resté fidèle au PCM-PLS-PPS depuis son adhésion au parti durant les années de plomb alors qu’il était encore étudiant en droit jusqu’à la fin de sa vie qui s’est achevée en apothéose en tant qu’avocat chevronné dont la célébrité a dépassé les frontières de sa patrie, le Maroc. En témoignent les diverses épreuves importantes auxquelles son parti a eu à faire face et où il était parfois directement et personnellement impliqué puisqu’il a failli être condamné à 18 mois d’incarcération lorsque, lors de la distribution des tracts à Meknès, il n’a pu échapper à l’arrestation que grâce à l’idée géniale et risquée qu’il a eue spontanément en grimpant à un poteau électrique lors de sa poursuite par les forces de l’ordre. D’autant plus, le mérite revient au défunt Chaouki Bousfiha pour l’octroi du local du parti situé dans l’immeuble ayant pignon sur le boulevard Allal Ben Abdellah à Meknès.
Au fait, chaque fois que le PPS faisait appel à notre regretté Chaouki, celui-ci, sans la moindre hésitation, répondait présent pour défendre corps et âme, auprès des tribunaux, soit les militants PPS, soit ceux issus d’autres organisations politiques ou syndicales qui étaient en état d’arrestation. Il exigeait toujours pendant ses plaidoiries leur libération inconditionnelle. C’était le cas lors des différentes attestations dont avaient fait l’objet les militants du PPS tels que Mustapha Azzaoui, ex membre du Comité Central et ex Premier Secrétaire du parti au niveau de la Région de Meknès. C’était encore Maître BOUSFIHA qui a volé au secours des camarades d’Azrou arrêtés de manière abusive et injuste dans les années 80 ainsi que des détenus politiques de Ksar-Essouk tout comme d’autres militants issus d’autres forces démocratiques à Meknès et ailleurs.
Encore faut-il rappeler que Maître Chaouki Bousfiha n’a ménagé nul effort auprès du Parquet de Meknès lors de la poursuite judiciaire en 2008 d’Ahmed Tahiri, député PPS à la Chambre des Conseillers et Président de la Chambre du Commerce, de l’Industrie et de Services de Meknès.
Il est à noter également que feu Chaouki, de son vivant, a largement contribué et intellectuellement et financièrement aux activités locales ou nationales chaque fois que le devoir l’appelait et que les circonstances par lesquelles passe le parti exigeaient sa mobilisation. Notre regretté camarade a été élu à plusieurs reprises comme congressiste à l’occasion de la tenue des congrès du PPS soit à l’échelon local ou à l’échelle nationale. D’ailleurs en 1995, lors de la cinquième édition du Congrès National du PPS, notre regretté camarade était élu par les congressistes comme membre de la Commission de Candidatures au Comité Central du parti de la classe laborieuse.
Si aujourd’hui le PPS a pu s’octroyer une bonne place au soleil au sein de la scène politique nationale, régionale et internationale, c’est grâce essentiellement à la contribution de milliers de militantes et de militants semblables à notre regretté et humble camarade Chaouki Bousfiha. Ce n’est que justice faite que de lui rendre quoique de façon posthume, à défaut de mieux, cet hommage modeste.
QUE SON ÂME REPOSE EN PAIX EN CE MOIS SACRÉ DE RAMADAN ET QUE LE TOUT PUISSANT PUISSE LUI PROCURER CLÉMENCE ET MISÉRICORDE!
« Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée; entre donc parmi Mes serviteurs, et entre dans Mon Paradis ».