Symboles de l’éternité

La disparition d’un être cher est toujours cruelle. La nature est ainsi faite ; et sans la mort la vie ne serait rien.

Mustapha Azzaoui a été, et il le restera, une école dans l’école. Un militant aguerri et engagé pour bâtir la société de demain où l’exploitation de l’homme par l’homme aurait été un douloureux, mais lointain, souvenir. Exemple de modestie, il ne cherchait pas à se faire un fauteuil dans les structures dirigeantes pour que l’on reconnaisse ses mérites. Son abnégation et son dévouement  aux causes des démunis s’exprimaient par des actes et non par une recherche d’une quelconque investiture. La fidélité aux valeurs de son organisation politique n’a jamais fait défaut. Franc dans son approche comme dans son discours, il avait horreur des magouilles et des magouilleurs, ces faussaires hypocrites, arrivistes et comploteurs. Il avait ses idées et il en faisait part chaque fois que l’occasion se présentait.

Cela ne l’empêchait pas de souscrire à la dynamique de renouvellement et d’ouverture que connaît le parti. Militant syndicaliste, il était conséquent et désintéressé. Simple dans sa vie, il aimait rire et avait le sens de l’humour même si son sérieux imprégnait toujours son visage. Sa voix devenait rauque quant il voulait marteler sa conviction pour qu’elle imprègne son auditoire. Il cherchait à comprendre les faits en les soumettant à une analyse rigoureuse, loin de la subjectivité trompeuse des slogans médiatiques.

Kacem El Ghazoui est fils de la terre au sein de laquelle il se repose. Son franc-parler terrien l’aurait poussé à ironiser sur son sort qui l’empêche de continuer son œuvre de moderniste. Cette même ironie aurait ciblée «Tajaddor et Incihar» pour inciter les membres du parti à une politique de proximité structurante et plus efficiente. Kacem était moderne autant pour lui que pour les autres. Avec sa bonhomie qui lui permettait de dépasser la pudeur, il tenait à ce que chaque jeune fille puisse disposer d’une serviette hygiénique dans cette résidence institution dont il est l’initiateur et le parrain et qui permet à des centaines de jeunes filles du monde rural de poursuivre leurs études. Maitriser son corps en se débarrassant des hardes du conservatisme induisait l’émancipation et constituait le premier pas vers le développement dans la dignité et la liberté. C’était sa conviction. Kacem aimait la verdure dans tout et en tout sauf celle du papier.

Généreux, il en voulait à l’argent corrupteur, celui qui faussait la consolidation du processus démocratique ou ne permettait pas véritablement le renforcement des forces productives nationales. Sa ruralité ne se limitait pas au Gharb dont il connaissait les plaines et les collines ; il l’imposait là où il se trouvait, parfois avec une amitié complice ou simplement par sa connaissance profonde de l’espèce humaine.

Cela le rendait philosophe, adepte du matérialisme dialectique et du matérialisme historique. Il reconnaissait le savoir et le respectait quand il était utilisé à bon escient. Démocrate averti, il abhorrait la répression. Sa défense des démunis, des «damnés de la terre» le rendait avocat de toute manifestation revendicative pour l’élargissement des droits de la personne humaine et du respect de l’environnement.

Lotfi Akalay est allé rejoindre son frère Othmane. Lotfi prenait la vie toujours du bon côté. Caustique pour donner de l’éclat à la bêtise humaine, il en voulait à l’arrogance quelle qu’elle soit et d’où qu’elle provienne. Défendant sa propre liberté, il transcrit ses observations sur l’évolution de notre société dans ses chroniques humoristiques parues dans Al Bayane. Son talent reconnu, il devint un écrivain célèbre avec une production littéraire remarquée où Tanger, sa ville natale, n’était jamais absente d’une manière ou d’une autre. Dans une discussion imaginaire entre «le mouton et le chien», il fait dire au mouton «Le Maroc est passé du canin à l’ovin. Avant, les Marocains menaient une vie de chien, alors qu’à présent l’Etat se contente de les tondre comme des moutons»…

Mustapha Azzaoui, Kacem El Ghazoui, Lotfi Akalay, Mustapha Zaoui, Abdelaziz Farouki, Ahmed Serbouti, Nadir Yata, Abdelaziz Belal, Hadi Mesouak, Azzouz El Hachimi, Belhamed, Ali, Abdellah, Abdeslam, Chouaib, Simon, Abdelmjid, Dahir, Anik, Habriche, Rayss, Gharbaoui, Abdelali Soulaik… et bien d’autres resteront pour toujours des symboles éternels dans nos cœurs et nos esprits; nous nous retrouverons certainement un jour, dans la paix, la quiétude et le bien-être pour lesquels on lutte ici et ailleurs. Ad vitam aeternam.

Mustapha Labraimi

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