Quatre jours seulement après la signature à Doha, au Qatar, d’un «accord historique» entre les Etats-Unis et les Talibans aux termes duquel, d’une part, Washington s’était engagé à retirer progressivement les troupes étrangères d’Afghanistan sur une période de quatorze mois en échange d’une participation des Talibans, à compter du 10 mars 2020, à un dialogue inter-afghan portant sur l’avenir du pays et, d’autre part, les deux parties avaient convenu de cesser tout affrontement et d’échanger leurs prisonniers, l’aviation américaine a bombardé, ce mercredi, des positions talibans dans la province d’Helmand, dans le sud de l’Afghanistan.
Cette frappe, «défensive» aux dires de Sonny Leggett, le porte-parole des forces américaines, aurait eu pour objectif de stopper une attaque des Talibans contre un «barrage» des forces de sécurité afghanes.
Ainsi, si mardi après «une très bonne conversation» avec le Mollah Baradar, le principal négociateur du processus de Doha, le président américain Donald Trump avait reconnu que les Talibans «veulent mettre fin à la violence», force est de reconnaître que, sur le terrain, il en va autrement car, dès la signature de l’accord, les insurgés talibans mirent fin à la trêve qui, durant neuf jours, avait précédé sa signature et multiplièrent leurs attaques contre les forces afghanes.
Selon Safiullah Amiri, membre du conseil provincial de Kunduz (nord), «des combattants talibans ont attaqué au moins trois avant-postes de l’armée dans le district d’Imam Sahib à Kunduz, tuant au moins dix soldats et quatre policiers» alors que le porte-parole du gouverneur de la province d’Oruzgan (sud) signale, de son côté, que «six policiers ont été tués et que sept autres ont été blessés» à Tarinkot.
Ainsi, en l’espace de vingt-quatre heures, le ministère de l’Intérieur aurait dénombré 30 attaques dans 15 des 34 provinces du pays lesquelles se seraient soldées par la mort de 4 civils, 11 membres des forces de sécurité et 17 insurgés talibans.
Ce triste bilan ayant été confirmé par la police locale et par le ministère afghan de la Défense, le porte-parole des forces américaines rappellera, sur son compte Twitter, qu’après avoir « promis à la communauté internationale qu’ils réduiraient la violence » les insurgés Talibans l’ont «augmenté».
Cette détérioration de la situation rend donc très hypothétique le dialogue inter-afghan supposé réunir, autour d’une même table, le gouvernement de Kaboul, les insurgés afghans, l’opposition et la société civile du moment que, d’une part, les Talibans refusent toujours de reconnaître les autorités de Kaboul qu’elles qualifient de «marionnettes» entre les mains de Washington et que, d’autre part, le président afghan, Ashraf Ghani, rejette fermement un des principaux points de l’accord de Doha lequel porte sur l’échange de près de 5.000 prisonniers talibans contre 1.000 membres des forces afghanes détenus par les insurgés.
Or, cet échange constitue, pour les Talibans, un préalable au démarrage des discussions inter-afghanes que la communauté internationale appelle de tous ses vœux mais qui semblent être de plus en plus compromises. Au vu de tout cela, Atta Noori, analyste politique basé à Kaboul, affirme que les américains «ont échoué à convaincre les talibans – qui se considèrent comme étant les vainqueurs – à s’asseoir à la table des négociations avec le gouvernement afghan».
Est-ce à dire que le fameux accord historique de Doha n’a constitué, en somme, qu’une tempête dans un verre d’eau ? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi