Abord

Tout le monde reconnait la réalité du mouvement social que connaît le Maroc ces derniers temps ; particulièrement à Al Hoceima, mais aussi partout ailleurs.

Une insuffisance patente dans les politiques publiques sociales, un déficit de gouvernance des pouvoirs publics et une absence de l’intermédiation institutionnelle pour résoudre les conflits dés leur apparition. Il faudrait aussi souligner qu’avec les libertés acquises, même dans leur relativité, l’espace public est devenu de plus en plus un lieu privilégié de l’expression des attentes sociales, celle des revendications corporatistes ou des manifestations de solidarité.

Cette mobilisation protestataire montre aussi l’indigence des organisations partisanes et syndicales dans l’encadrement des populations ainsi que l’échec des notables coutumiers ou nouvellement établis pour donner à la démocratie représentative la légitimation nécessaire assurant l’implication de l’ensemble, ou tout au moins du plus grand nombre, dans le processus démocratique.

Le marasme qui a marqué le champ politique, particulièrement après le scrutin du sept octobre 2016, a permis la fixation du dossier revendicatif d’Al Hoceima autour d’une individualité  qui, à l’écouter, se cherche à travers les méandres du vécu rifain. Sa faconde traduit, beaucoup plus qu’autre chose, un ressenti alimenté par la chaleur communicative des échos du mouvement à l’extérieur du pays. Aucun horizon n’était envisagé clairement pour mettre fin à ces manifestations qui devenaient de plus en plus «un bras de fer» avec les autorités territoriales. L’apparition de gorilles habillés en noir aux côtés de l’enfant prodige donnait à la scène qui se déroulait sa solennité dramatique. Du leitmotiv de la satisfaction des aspirations à une vie meilleure de la population, le discours glissait vers la revendication du martyr. Le leader de la contestation populaire au Maroc, comme il est présenté par certains médias outre-méditerranée, se mettait ainsi sur une trajectoire de chute libre, à défaut de mener et de faire aboutir des négociations au profit des populations et du territoire. Dans sa logique de zaim, il se devait de rétablir les propos d’un imam en plein prêche du vendredi. Il trébucha ; le sécuritaire s’en occupa en toute légalité.

Ce scénario de mauvaise facture rappelle ce qui s’est passé au Maroc et ailleurs au siècle dernier. On trouvera dans les rapports de la Commission nationale pour la vérité, l’équité et la réconciliation la description des atrocités vécues et les recommandations préconisées pour «garantir la non répétition des violations, d’effacer leurs séquelles, de restaurer et de renforcer la confiance dans les institutions et le respect de la règle de droit et des droits de l’Homme».

Le royaume a été préservé des soubresauts émeutiers grâce à la mise en œuvre d’un processus démocratique dont le champ semble se rétrécir suite à des manipulations non innocentes. A lire une personnalité qui semble connaitre des faits que le marocain lambda ignore, l’approche par « le passe » a menée à l’impasse, si l’on peut dire. Il est temps de revenir à une politique non normative pour réussir la transition démocratique dans le cadre de la consolidation de l’Etat national démocratique et moderne.

Les conclusions du rapport du Cinquantenaire sont encore pertinentes dans leur grande majorité et les recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation sont adéquates pour éviter tout dérapage par l’instauration  du dialogue et la recherche de consensus conduisant au dépassement des situations de crise.  La maturation de la méthodologie démocratique devra permettre aux politiques d’agir sur eux-mêmes pour sortir de la culture de la dénonciation prônée dans une posture de radicalité conduisant au nihilisme. C’est par l’intermédiaire des partis politiques que la population s’exprime et c’est eux qui accordent leurs accréditations aux élections. Dans ce cadre, la reddition des comptes doit permettre l’assainissement du champ politique et sa moralisation et non la domestication d’organisations dont l’existence et le rôle sont définis clairement par la constitution.

Les efforts entrepris doivent aboutir aussi bien à l’acquisition des infrastructures nécessaires à l’émergence du pays qu’à la transformation de sa société en comblant tous les déficits enregistrés dans les politiques sociales au niveau des populations et des territoires. La citoyenneté est politique, économique, sociale et culturelle. Elle se construit dans une dynamique démocratique qui donne le temps au temps sans perdre du temps, dans le calme et la stabilité.

Related posts

Top