Appel au renforcement des garanties des Droits de l’Homme

Mémorandums du CNDH au gouvernement

Le président du Conseil national des droits de l’homme Driss El Yazami, a affirmé mercredi lors d’une conférence de presse à Rabat que le Conseil a adressé au Chef du gouvernement en novembre dernier deux mémorandums sur les rassemblements publics et la liberté associative appelant à renforcer davantage les garanties du droit de réunion, de rassemblement et de manifestation ainsi que la liberté associative.

Présentant les deux documents, il a rappelé qu’ils s’inscrivent dans le cadre de l’exercice par le Conseil de ses prérogatives en matière de promotion et de protection des droits de l’Homme, et de sa contribution à la mise en œuvre des dispositions de la constitution, notamment dans le domaine des libertés publiques.

Mémorandum sur les rassemblements publics

Intitulé « Rassemblements publics : pour le renforcement des garanties du droit de réunion, de rassemblement et de manifestation », le mémorandum sur les rassemblements publics renferme des propositions concernant la révision du Dahir n°1-58-377 du Joumada I 1378 (15 novembre 1958) relatif aux rassemblements publics.

Quant aux recommandations émises dans ce mémorandum, elles portent sur certaines dispositions communes aux réunions et aux rassemblements publics, sur certains articles du Dahir du 15 novembre 1958 et sur les principes de l’utilisation de la force.

Comme propositions communes aux réunions et aux rassemblements, le CNDH recommande en effet d’ajouter systématiquement le terme «carte de résidence» à côté de la carte d’identité nationale.

Il propose aussi d’abroger les peines privatives de liberté tout en maintenant les amendes prévues à l’article 9 pour les infractions du livre premier sur les réunions publiques et celles prévues à l’article 14 pour les infractions du livre deux relatif aux manifestations sur la voie publique.

Dans le cadre de la dématérialisation des procédures, le Conseil propose d’introduire dans les articles 3 et 11 la possibilité d’effectuer la déclaration préalable par voie électronique.

A propos de l’article premier du Dahir à réviser, le CNDH propose d’ajouter au principe de liberté des réunions publiques le principe de présomption de légalité des réunions jusqu’à preuve du contraire.

Dans le cadre du même article, le Conseil propose de remplacer la définition actuelle de la réunion publique par une définition plus générale selon laquelle le terme « réunion publique » désigne la présence intentionnelle et temporaire de plusieurs personnes souhaitant exprimer un point de vue commun dans un espace public.

Le Conseil recommande également que l’article premier consacre l’obligation positive des autorités publiques de faciliter et de protéger les réunions pacifiques.

Au sujet de l’Article 3, le CNDH propose de remplacer les copies certifiées des cartes nationale d’identité, ou le cas échéant la carte de résident par la simple mention du numéro des dites cartes.

Il recommande par ailleurs de dispenser les associations légalement constituées, les partis politiques, les formations syndicales et les organismes professionnels de la déclaration préalable en vue de tenir des réunions publiques.

Le CNDH propose aussi d’ajouter à l’article 6 une disposition qui accorde aux organisateurs de la réunion, la possibilité de déployer un service d’ordre clairement identifiable, de manière à faciliter l’événement et à garantir le respect de toute restriction notifiée selon les voies légales, tout en précisant que ce service d’ordre ne dispose pas des pouvoirs conférés aux responsables des forces de l’ordre et ne devrait pas avoir recours à la force, mais s’efforcer d’obtenir la coopération des participants. Le Conseil estime que cette recommandation encouragera l’auto-organisation des réunions.

Le Conseil recommande d’introduire au niveau du même article un alinéa qui accorde aux associations, partis politiques, syndicats et aux autres groupes de fait, la possibilité d’utiliser des salles publiques sur leur demande, et selon des modalités à fixer par voie réglementaire.

A propos de l’article 11 du Dahir de 1958 régissant les manifestations sur la voie publique, le CNDH constate que la pratique a largement dépassé cet article. Depuis deux décennies, les manifestations sur la voie publique sont exercées par des groupes de fait (coordinations, associations de fait, coalitions territoriales et thématiques, unions des diplômés chômeurs, etc.) autres que ceux prévus par l’article 11 (associations, partis, syndicats, organismes professionnels). L’évolution de la pratique justifie de l’avis du conseil l’urgence de réviser cet article en accordant le droit d’organiser des manifestations sur la voie publique aux personnes physiques et morales.

Le CNDH propose aussi d’introduire dans l’article 13 une disposition qui permet aux signataires de la déclaration d’introduire un recours contre la décision d’interdiction auprès du tribunal administratif compétent, qui statue en référé et donne une ordonnance de référé à cet effet.

Il recommande en outre de modifier l’article 14 en abrogeant toute sanction contre les personnes qui ont participé à une manifestation non déclarée et dans le but de la facilitation des manifestations spontanées de la part des autorités publiques en matière de protection de l’exercice des libertés

Le CNDH propose par ailleurs dans le cadre de l’utilisation de la force, d’introduire au niveau de l’article 21 une disposition permettant au responsable des forces de l’ordre ou toute autre personne habilitée par lui de mener une tentative de négociation-médiation avant de procéder aux sommations.

Dans le même cadre, le CNDH recommande d’introduire entre les articles 25 et 26 une nouvelle disposition qui consacre explicitement deux principes qui doivent régir le recours à la force à savoir la nécessité et la proportionnalité. Des textes réglementaires doivent définir, de l’avis du Conseil, les modes opératoires concernant le recours à la force sur la base de ces deux principes précités.

Le CNDH recommande également que cette nouvelle disposition prévoie que toute opération de recours à la force doit être effectuée sous le contrôle du procureur du Roi près le tribunal de première instance.

Enfin, le CNDH rappelle dans le même cadre que les dispositions proposées doivent également garantir explicitement la sécurité des journalistes et des professionnels des médias qui couvrent les manifestations pacifiques.

Mémorandum sur la liberté associative

Dans ce mémorandum sur la liberté associative, le CNDH a émis des recommandations concernant le cadre juridique, financier et fiscal des associations, le renforcement des capacités du tissu associatif national, les mesures spécifiques destinées à certaines catégories d’associations ainsi que des recommandations relatives au partenariat Etat-associations

Au niveau du cadre juridique, le CNDH recommande notamment au législateur de procéder à la révision du Dahir n°1-58-376 du 3 joumada I 1378 (15 novembre 1958) réglementant le droit d’association dans le sens libéral de 1958 en Remplaçant les peines privatives de liberté, prévues par le Dahir réglementant le droit d’association par des amendes, en Accordant aux enfants âgés de 15 à 18 le droit de constituer leurs propres associations en vue de garantir l’effectivité du droit des enfants à la participation, en Alignant le statut juridique des associations étrangères sur celui des associations nationales dans une perspective d’égalité de droits, conformément à la Constitution et à la nouvelle politique migratoire du Royaume, en Prévoyant, dans l’article 5 du Dahir, la possibilité de déposer par voie électronique la déclaration de constitution des associations ou de renouvellement de leurs organes dirigeants, dans le cadre de la dématérialisation des procédures relatives aux actes de la vie associative et en Exonérant les déclarations de constitution des associations et de renouvellement de leurs organes dirigeants des frais du timbre de dimension prévu à l’article 5 du Dahir.

Le CNDH recommande en outre d’adopter un statut légal particulier pour les fondations, clarifiant leurs spécificités, les modalités d’obtention de ce statut, leur financement et leur administration et de mettre en place un cadre juridique statutaire de l’action associative bénévole et volontaire. Ce cadre peut préciser notamment les droits et les obligations des bénévoles et des volontaires, les modalités d’évolution de cette catégorie de travailleurs associatifs au sein des associations, la contribution de l’Etat à la couverture des risques encourus par les bénévoles ainsi que les modalités de remboursement des frais engagés par eux dans le cadre de leurs activités.

Il recommande aussi d’amender l’article 7 du Code de procédure pénale afin de permettre à toutes les associations légalement constituées, et pas seulement celles ayant le statut de l’utilité publique, de se constituer, dans la limite de leur objet statutaire, en tant que partie civile dans toute action civile en réparation du dommage directement causé par un crime, un délit ou une contravention, d’amender l’article 4 du Dahir N° 1-02-212 du 22 joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (tel que modifié et complété) afin d’élargir le droit de saisine de la HACA à toutes les associations légalement constituées, leur permettant ainsi de lui adresser des plaintes relatives à des violations, par les organes de communication audiovisuelle, des lois ou règlements applicables au secteur de la communication audiovisuelle.

Le mémorandum propose aussi en détail des recommandations concernant les textes particuliers régissant certaines catégories d’associations, des recommandations concernant le statut de l’utilité publique et autres recommandations d’ordre réglementaire.

Il comporte aussi une série de recommandations concernant des exonérations fiscales et d’autres soutiens aux associations dans le but de développer les ressources du tissu associatif.

Sont également exposées en détail dans le mémorandum des recommandations diverses invitant les associations à exercer les libertés associatives conformément à la lettre et à l’esprit de l’article 37 de la Constitution et d’observer dans leur action les standards de la bonne gouvernance associative tels qu’ils sont consacrés par la Constitution et universellement reconnus.

M’BarekTafsi

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