2024
Kaoutar khennach
En 2024, Bank Al-Maghrib (BAM) a pris plusieurs décisions clés en réponse à l’évolution économique et monétaire du pays, marquées par une inflation en baisse et une reprise économique modérée. Ces décisions ont été orientées par une analyse approfondie de la situation économique nationale et internationale.
L’une des mesures les plus marquantes a été la réduction de son taux directeur de 25 points de base, le ramenant à 2,50% lors de la réunion du 17 décembre. Cette baisse du taux directeur s’inscrit dans un contexte où l’inflation, bien qu’encore présente, est restée sous contrôle, se stabilisant autour de 1% en 2024, contre 6,1% en 2023. Les projections de BAM laissent entrevoir une inflation modérée à moyen terme, avec des prévisions de 2,4% en 2025 et de 1,8% en 2026. Le Conseil de BAM a souligné que cette réduction vise à soutenir la reprise économique tout en maintenant la stabilité des prix. L’inflation sous-jacente, excluant les produits alimentaires et énergétiques volatils, a également montré une tendance à la décélération, passant de 5,6% en 2023 à 2,1% en 2024, puis à 2% en 2025. Ce resserrement progressif de la politique monétaire contribue à renforcer les anticipations d’inflation, qui restent solidement ancrées au sein du secteur financier.
Une dynamique économique contrastée
L’économie marocaine en 2024 présente une dynamique contrastée. Sur le plan des activités non agricoles, BAM prévoit une croissance de 3,5% en 2024, soutenue par les investissements dans divers projets d’envergure ainsi que par la reprise du secteur touristique et la consommation des ménages. Toutefois, cette croissance reste partiellement freinée par l’incertitude des conditions climatiques, qui continuent d’impacter la production agricole. La valeur ajoutée agricole devrait enregistrer une contraction de -4,6% en 2024, avant un rebond de 5,7% en 2025, sous l’hypothèse d’une récolte céréalière moyenne. Malgré ce ralentissement agricole, la croissance totale de l’économie devrait se limiter à 2,6% en 2024, mais devrait rebondir à 3,9% en 2025 et 2026, soutenue par des efforts de relance dans le secteur non agricole.
Bank Al-Maghrib a également observé une évolution positive du crédit au secteur non financier, avec une progression attendue de 3,8% en 2024, passant à 5,5% d’ici 2026. Cette accélération du crédit constitue un moteur important pour soutenir la reprise économique. En ce qui concerne les finances extérieures, les prévisions de BAM tablent sur un déficit du compte courant contenu à 1% du PIB en 2024, avec une perspective de maintien en deçà de 2% du PIB dans les années à venir.
Maîtrise des finances publiques et incertitudes externes
Concernant les finances publiques, BAM prévoit que le déficit budgétaire (hors produit de cession des participations de l’État) devrait se stabiliser à 4,5% du PIB en 2024, avant de se réduire progressivement à 4,2% en 2025 et à 3,9% en 2026. Ces prévisions témoignent d’une maîtrise progressive des finances publiques, soutenant les efforts de redressement économique. Cependant, la Banque centrale met en garde contre les incertitudes géopolitiques mondiales et les tensions qui pourraient affecter l’économie, notamment via des pressions sur les prix de l’énergie et des matières premières. L’impact des politiques monétaires dans les grandes économies mondiales, comme les États-Unis et la zone euro, a également influencé les décisions de BAM, qui a ajusté sa politique monétaire avec prudence, en tenant compte des facteurs externes. De plus, les tensions sociales et les choix budgétaires à venir pourraient influencer l’évolution de la demande et des prix au niveau national.
L’engagement de Bank Al-Maghrib face aux enjeux climatiques
Le changement climatique représente un défi majeur pour l’économie et la finance au Maroc, menaçant d’impacter durablement de nombreux secteurs clés. Consciente de ces enjeux, Bank Al-Maghrib a pris l’initiative d’accélérer l’intégration des préoccupations climatiques dans l’écosystème financier marocain. L’atténuation des impacts climatiques requiert une mobilisation de financements colossaux, un défi d’autant plus complexe dans un contexte mondial marqué par des niveaux d’endettement public et privé élevés et des marges budgétaires de plus en plus limitées. La Banque mondiale estime que les besoins d’investissements pour lutter contre le changement climatique entre 2022 et 2050 s’élèvent à environ 78 milliards de dollars pour le Maroc. Ce montant considérable exige une approche financière robuste et coordonnée.
Alignement du secteur financier sur les objectifs climatiques mondiaux
Depuis la COP22 à Marrakech en 2016, Bank Al-Maghrib a fédéré les acteurs du secteur financier marocain autour d’une feuille de route pour la finance durable. Cette feuille de route vise à renforcer la contribution du secteur financier aux financements verts et climatiques, en identifiant les mesures nécessaires pour combler le déficit de financement et orienter les investissements vers des projets durables.
Une des initiatives phares de BAM dans ce domaine est l’élaboration d’une stratégie nationale de financement de la lutte contre le changement climatique, en collaboration avec le ministère des Finances et les autres régulateurs. Cette stratégie vise à évaluer les besoins de financement pour la finance verte et à mettre en place une taxonomie financière verte pour orienter les flux financiers et éviter le phénomène de « greenwashing » (utilisation trompeuse de labels écologiques).
Nouvelles directives et investissements durables
Dans un autre registre, Bank Al-Maghrib a introduit de nouvelles directives réglementaires pour guider les banques dans la gestion des risques climatiques. Ces directives visent à orienter les banques sur les données à collecter et les indicateurs à mettre en place pour mesurer les risques climatiques, notamment ceux émanant des grands emprunteurs. L’objectif est d’évaluer la part verte et durable des portefeuilles bancaires et de garantir une plus grande transparence en matière de durabilité, en ligne avec les normes internationales.
Par ailleurs, Bank Al-Maghrib a intégré le principe de durabilité dans ses décisions d’investissement. Actuellement, 7% de ses réserves de change sont investies dans des obligations vertes, sociales et durables, avec l’objectif d’atteindre 10% à terme. Cette approche vise à soutenir le financement d’initiatives environnementales à l’échelle internationale, tout en intégrant les critères durables dans la gestion des réserves du Maroc.
Sortie du Trésor à l’international : BAM réajuste son calendrier
Dans un contexte de volatilité des marchés financiers mondiaux, Bank Al-Maghrib (BAM) a annoncé un réajustement du calendrier pour une sortie internationale du Trésor marocain. Initialement prévue pour la fin de l’année 2024, cette opération a été reportée au premier trimestre de 2025. Ce report a été décidé afin de garantir des conditions de marché plus favorables, tant en termes de taux d’intérêt que de perception auprès des investisseurs internationaux.
Le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a souligné l’importance de choisir le bon moment pour cette opération. Selon lui, la gestion du timing est cruciale non seulement pour obtenir des conditions de taux optimales, mais aussi pour préserver la réputation du Maroc sur les marchés financiers internationaux. Jouahri a précisé que la question de la maturité des emprunts – qu’ils soient longs ou moyens – doit également être soigneusement évaluée pour garantir une souscription optimale.
Cette décision finale concernant l’émission d’emprunts internationaux revient au ministère de l’Économie et des Finances, avec lequel BAM collabore de manière étroite. Ensemble, ils mènent une analyse approfondie de l’évolution des marchés financiers mondiaux pour déterminer le moment le plus propice pour cette sortie, en veillant à ce que le Maroc tire pleinement parti des opportunités offertes par les marchés internationaux tout en minimisant les risques financiers.
Cette approche prudente témoigne de la volonté du Maroc de gérer ses finances publiques de manière responsable et de garantir la confiance des investisseurs étrangers dans l’économie marocaine.
Enfin, Bank Al-Maghrib a pris des décisions équilibrées, en 2024, pour faire face aux défis économiques internes et externes, en ajustant sa politique monétaire pour soutenir la reprise tout en maintenant un ancrage solide des anticipations d’inflation. En parallèle, la Banque centrale s’engage activement pour une finance durable, en intégrant les enjeux climatiques dans la régulation financière et dans la gestion de ses réserves de change. En adoptant une approche prudente et proactive face à l’évolution des conditions climatiques et des tensions géopolitiques, Bank Al-Maghrib témoigne de sa volonté d’adapter sa politique pour soutenir une croissance durable à moyen terme.
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Croissance : ce que prévoit BAM pour 2025 et 2026
La Banque centrale table sur croissance économique se limitant à 2,6% cette année, après 3,4% en 2023, mais s’accélèrerait à 3,9% au cours des deux prochaines années, selon ses projections. Dans le détail, l’Institut d’émission pronostique une quasi-stabilité de la croissance non agricole autour de 3,5% en 2024, avant une amélioration à 3,6% en 2025 et à 3,9% en 2026. Pour sa part, la valeur ajoutée agricole, pâtissant des conditions climatiques défavorables ayant prévalu lors de la précédente campagne, accuserait un repli de 4,6% en 2024, avant d’afficher, sous l’hypothèse de récoltes céréalières de 50 millions de quintaux équivalant à la moyenne des 5 dernières années, des progressions de 5,7% en 2025 et de 3,6% en 2026.