Dr Bounhir Boumehdi, médecin radiologue

Propos recueillis par Dr Anwar CHERKAOUI

 Dr Anwar CHERKAOUI : Dr Bounhir BOUMEHDI, nous nous approchons d’événements majeurs pour le Maroc : la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et la Coupe du Monde en 2030 de Football.

L’afflux massif de spectateurs et de délégations va mettre à l’épreuve notre système de santé, notamment en matière de radiologie d’urgence. Comment voyez-vous la structuration des services d’imagerie médicale pour ces événements ?

 Dr Bounhir BOUMEHDI : Effectivement, ces compétitions nécessitent une anticipation rigoureuse.

La première étape est de décentraliser les centres d’imagerie pour éviter l’engorgement des hôpitaux de référence.

Nous devons renforcer les capacités des établissements situés à proximité des stades en leur fournissant des équipements de pointe comme des IRM, scanners et échographes.

Ensuite, les cliniques privées et les centres de radiologie libéraux doivent être intégrés au dispositif à travers des conventions temporaires, permettant une répartition plus efficace des patients.

Enfin, des unités mobiles de radiologie, équipées pour les examens rapides (radiologie standard et échographie), seront déployées aux abords des stades et des fan zones pour prendre en charge  immédiatement les blessures légères.

Cette approche décentralisée est essentielle. Mais une fois les structures en place, il faut optimiser les flux de patients pour éviter les retards. Quelles solutions proposez-vous pour assurer une prise en charge rapide ?

BOUMEHDI : La mise en place d’un Système d’Orientation et de Triage Médical (SOTM) est capitale.

Chaque site de compétition doit avoir un système de triage efficace avec des radiologues référents en téléconsultation, publics et privés.

Ensuite, nous devons créer des circuits prioritaires pour les urgences radiologiques dans les établissements hospitaliers et privés partenaires.

Cela signifie qu’un patient suspecté d’une fracture ou d’un traumatisme crânien doit pouvoir bénéficier d’un examen radiologique dans les 30 premières minutes suivant son admission.

Enfin, la numérisation des dossiers médicaux via un réseau interconnecté permettra aux médecins d’accéder instantanément aux antécédents des patients, peu importe le centre où ils sont pris en charge.

 Question : Une telle organisation nécessite une forte collaboration entre le public et le privé. Comment garantir cette coopération sans provoquer de conflits d’intérêts ?

 Dr Bounhir BOUMEHDI : L’intégration des centres privés dans le réseau officiel des urgences est une priorité, mais cela doit être régulé de manière transparente pour éviter toute dérive.

Une cellule de coordination centralisée doit être mise en place pour répartir les patients selon la gravité de leur état et la disponibilité des équipements.

De plus, nous devons exploiter l’intelligence artificielle pour accélérer le diagnostic.

Des algorithmes peuvent analyser les radiographies en quelques secondes et aider les radiologues à détecter rapidement les fractures ou les hémorragies internes.

La téléradiologie 24/7, connectant les services d’urgence aux spécialistes, garantira un accès constant à des avis médicaux experts. Mais la réussite de ce dispositif repose aussi sur la formation des équipes médicales ?

Une formation accélérée est indispensable. Nous devons organiser des simulations de scénarios d’urgence radiologique avant les compétitions.

Les urgentistes, manipulateurs radio et techniciens devront être préparés aux pathologies les plus fréquentes en milieu sportif : fractures, lésions ligamentaires, traumatismes crâniens, etc.

Par ailleurs, il est crucial de coordonner nos efforts avec les équipes médicales des délégations étrangères.

Chaque sélection nationale vient avec son propre staff médical, et il faut harmoniser les protocoles pour assurer une prise en charge fluide et efficace.

Parlons maintenant des situations extrêmes. Que faire en cas d’accident de grande ampleur, comme un mouvement de foule ou un effondrement de tribune ?

 Dr Bounhir BOUMEHDI : Nous devons anticiper ces crises en mettant en place un plan de riposte d’urgence.

Cela implique une collaboration étroite avec la Protection Civile et le SAMU, ainsi que la mise en place d’un réseau de transport médicalisé rapide vers les centres d’imagerie les mieux équipés.

Les forces de sécurité doivent aussi être impliquées pour assurer des accès prioritaires aux ambulances.

Il serait également pertinent de prévoir des scanners mobiles sur les sites à risque, permettant d’évaluer immédiatement les blessés en cas de catastrophe.

L’un des grands enjeux des années à venir est l’intégration des nouvelles technologies en médecine. Comment peuvent-elles améliorer la gestion des urgences radiologiques ?

 Dr Bounhir BOUMEHDI : L’intelligence artificielle jouera un rôle clé dans l’interprétation rapide des images.

Certains logiciels sont déjà capables d’identifier des anomalies en quelques secondes, réduisant ainsi le délai de diagnostic. L’imagerie médicale  portable connectée sera aussi une révolution.

Avec des appareils d’échographie sans fil et des radiographies numériques instantanées, les médecins pourront poser un diagnostic sur place et envoyer les images en temps réel aux spécialistes.

Enfin, nous devons créer un cloud sécurisé de partage des images médicales, permettant aux radiologues, urgentistes et médecins du sport d’accéder aux examens où qu’ils soient, sans perte de temps.

En résumé, une organisation efficace des urgences radiologiques pour la CAN 2025 et la Coupe du Monde 2030 de football passe par une coordination rigoureuse, une modernisation des infrastructures et une collaboration étroite entre les acteurs de la santé. Quel serait, selon vous, le point clé à retenir ?

 Dr Bounhir BOUMEHDI : L’anticipation. Nous devons tester tous ces dispositifs en réalisant des simulations grandeur nature avant les événements. Cela nous permettra d’identifier les failles et d’ajuster les procédures en amont, garantissant ainsi une prise en charge rapide et de qualité lors de

Le Maroc a une opportunité unique de démontrer son excellence médicale et organisationnelle à travers ces événements, et votre expertise sera précieuse pour relever ce défi.

Les radiologues du secteur libérale du Royaume sont tous disposés pour être des acteurs clés dans la réussite de la CAN 2025 et la Coupe du Monde football 2030