Carthage  aime le documentaire, Zaineb n’aime pas la neige

Depuis «Making Of» de Nouri Bouzid en 2006, la Tunisie n’avait pas remporté de Tanit D’or des longs métrages aux Journées Cinématographiques de Carthage (JCC). Cette année, la participation avec trois fictions tunisiennes à la compétition longs métrages, a valu le Prix au seul «Zaineb N’aime pas la neige» deKaouther Ben Hania.

L’innovation radicale de cette 27ème édition des JCC, qui fêtent cette fois-ci sous la houlette d’Ibrahim Letaief, Directeur Délégué du Festival, leur 50ème anniversaire, c’est que «documentaires» et «fictions» ne sont plus séparés.

«Un film magnifique, simple et touchant» : c’est ainsi qu’Abderrahmane Sissako, président du jury de la compétition longs métrages, a désigné le lauréat 2016 du Tanit d’or : Zaineb n’aime pas la neige, de Kaouther Ben Hania. C’est ainsi qu’on peut parler de ce documentaire qui suit une famille sur six années : Zaineb a six ans en 2009 et nous la suivons par tranches jusqu’en 2015. Après le décès du père, la mère de Zaineb se rapproche de Maher qui a lui-même une fille, Widjeneb, et vit au Canada. Zaineb refuse d’abord cette liberté de sa mère mais devra bien la suivre dans ce grand déplacement et partager la chambre de Widjeneb…

La réalisatrice est proche de cette famille et cela se sent : elle n’est pas présente à l’écran mais on la regarde, on s’adresse à elle, elle répond. Du coup, on ajuste sa robe en pleine conscience de la caméra mais on ne fait pas semblant, on ne compose pas un personnage, on est soi-même. Quand Zaineb s’adresse à Kaouther Ben Hania, sa cousine, ce n’est pas à une observatrice qu’elle parle mais à une confidente.

Cette proximité est ainsi pour beaucoup dans la réussite du film et dans l’intense émotion qu’il suscite. Le cadre autant que le montage, baziniens, ne dissimulent pas, ne trichent pas avec la réalité : ils saisissent le quotidien dans sa simplicité, voire même sa banalité, et ne s’embarrassent pas d’un esthétisme distancié. Cependant, à travers Zaineb et sa famille recomposée, c’est l’intimité d’un peuple que l’on perçoit, qui se pose la question de l’exil et comment il le vit lorsque le voyage est possible.

La forme documentaire prend dès lors la mesure des tiraillements culturels, de la remise en cause des coutumes et des croyances, de l’adaptation à l’inconnu et à l’incertitude, des frustrations et des solitudes. Avec le temps, Zaineb s’américanise, prend l’accent québécois, mais son histoire et sa part tunisienne continuent de vivre en elle comme une interrogation.

O.B

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