Colgate Palmolive: une nouvelle stratégie pour le Maroc?

Alors que la marque emblématique de shampoing du groupe américain, Cadum, règne encore en «maître contesté» sur le marché vu la vive concurrence qui sévit sur ce marché, Colgate Palmolive amorce un nouveau virage après 60 années d’activités au Maroc.

Depuis septembre dernier, c’est un nouveau directeur général qui est aux commandes de Colgate Palmolive. Didier Cayrou a pris la succession de Nikos Skourletis, et a annoncé par la même occasion la mise ne place d’une nouvelle stratégie pour sa gamme phare de shampoing Cadum, qui jusqu’en 2006 représentait 40% de part de marché. Quelque peu bousculé par les majors du secteur de l’hygiène, le groupe détient aujourd’hui une part de marché de 18%, avec une perspective de croissance de 5% par an, alors que le marché des shampoings est baisse de 2%. «Il est vrai que le marché est très difficile actuellent, simplement n’oublions pas que Colgate Palmolive a une présence historique au Maroc et que le groupe a toujours su se réinventer», confie un spécialiste de la grande distribution.

Il faut dire que Colgate-Palmolive existe au Maroc depuis le début du 20èmesiècle à travers une représentation commerciale. Mais le groupe ne s’est implanté  en tant que Colgate Palmolive à proprement parler qu’en 1957. C’est donc dans les années 60 que Colgate Palmolive a eu sonusine et qu’il a commencé à produire ses propres marques. Au départ, l’usine fabriquait du shampoing, mais aussi du dentifrice (Tonigencyl et Colgate) et du savon. Ce n’est que dans les années 90 que les produits nettoyants ont démarré (Soupline, Ajax et Palmolive Vaisselle).

Au Maroc, une usine dédiée aux liquides

Depuis, la stratégie industrielle de Colgate s’est orientée vers des usines dédiées à la fabrication d’une gamme unique. On trouve dans le groupe des usines de brosses à dents, d’autres de dentifrices, d’autres encore qui font des savons … Cette stratégie, qui consiste à grouper plusieurs volumes d’un même produit au sein d’une même usine, permet de réaliser des économies d’échelle et donc de produire à plus bas coûts. Résultat: Colgate Palmolive peut faire appel à des technologies plus innovantes, avoir plus de réactivité et de flexibilité grâce à l’effet volume. L’usine du Maroc produit du shampoing (Cadum, Palmolive), mais aussi des produits liquides pour l’entretien de la maison (Soupline, Ajax, Ajax Vitres, Palmolive Vaisselle). En d’autres termes, l’unité marocaine est devenue une usine dédiée aux liquides. Les anciennes productions de savons et de dentifrices ont été arrêtées depuis 2005.

Grâce à cette spécialisation, les usines groupe américain mais aussi l’unité marocaine ont atteint une très bonne productivité. « Colgate Maroc a ainsi pu en sus développer ses volumes et exporter vers l’ensemble de la zone Maghreb et Moyen-Orient soit 40% de sa production de shampooing, le reste étant destiné au marché local », affirme un grand distributeur de la place.

Un repositionnement en douceur…

Il faut dire que Colgate Palmolive revient de loin. «Au début des années 2000, le groupe américain venait de passer par des années difficiles à tous points de vue, notamment en raison de l’arrivée de nouveaux concurrents. Par exemple, pour son produit-phare Cadum, le marché est passé d’une situation où il y avait très peu de marques de shampoing et où Cadum était très présent, à un marché avec une avalanche de concurrents», indique la même source. Avant d’ajouter : «La situation était devenue très délicate pour le groupe sur le marché des shampooings, notamment avec le déboulement en force des produits Procter, Unilever, Beiersdorf,….». Depuis, et sur de nombreux points, le Colgate Palmolive Maroc d’aujourd’hui est beaucoup plus solide et performant qu’alors. Par exemple, entre 2003 et 2011, la production de shampooing de notre usine a été augmentée de 45%, pour atteindre 8.000 tonnes. De plus, ses productions sont maintenant exportées dans la région (Algérie, Jordanie, Egypte, Tunisie… et quelques pays d’Afrique de l’Ouest). En termes de chiffre d’affaires, la croissance a aussi dépassé les 45% depuis 2003, avec des progressions régulières de 5 à 6% par an.

Cadum encore et toujours!

Aujourd’hui, Colgate Palmolive commercialise trois familles de produits. Tout d’abord, les produits d’hygiène bucco-dentaire, qui comportent le dentifrice Colgate, mais aussi les brosses à dents, les bains de bouche, le fil dentaire et toute une gamme en pharmacie lancée en 2009. Sur cette gamme, Colgate qui était à 20 points de parts de marchés en dentifrice dans les années 2000 se situe aujourd’hui au-delà des 40%. Et sur les brosses à dents, où la marque n’existait pas dans les années 2000, Colgate est devenu maintenant leader en volume et en part de marché avec 35%.Ce qui veut dire que la brosse à dents la plus utilisée par les Marocains est une Colgate. La seconde catégorie de produits commercialisée est celle des soins du corps, qui est constituée du shampoing Cadum, du savon Palmolive, ainsi que des gels douche Palmolive et Tahiti. Cadum a toujours été et reste la marque numéro 1 du marché. En revanche la part de marché est restée plus ou moins stable, voire en baisse, car le marché des shampoings est plus en plus fragmenté. Mais le management reste plutôt confiant car la marque parvient à maintenir le leadership avec une part de marché considérable, ce qui est considéré comme encourageant pour le futur de Cadum. Il faut dire que la marque possède un patrimoine exceptionnel vis-à-vis des consommateurs marocains, et que le groupe continue à investir et à développer ce petit bijou.

Enfin, la troisième famille de produits commercialisée est celle des produits nettoyants. Colgate Plamolive est présent dans les assouplisseurs (Soupline), le liquide vaisselle (Palmolive Vaisselle) et dans les nettoyants avec Ajax. «Une gamme qui représente une faible part de leur activité mais recèle à vrai dire un potentiel très fort», affirme un opérateur du secteur des produits nettoyant.

Préserver et confirmer son leadership

Depuis plus de cinq ans maintenant, la stratégie de Golgate Palmolive vise à acquérir le leadership en construisant des marques fortes et différenciées, avec des offres pertinentes pour les consommateurs marocains. Autrement dit, être présent dans un nombre limité de catégories, mais être fort dans chacune de ces catégories. Aujourd’hui, la nouvelle stratégie adoptée notamment pour Cadum s’inscrit en réalité dans la continuité de la rupture amorcée vers le milieu des années 2000. Désormais la marque veut cibler les jeunes femmes de 18 à 44 ans, une catégorie de consommatrices aujourd’hui plus averties et avides de nouveautés : nouveau packaging, gamme plus étoffée et des prix toujours aussi agressif.

Une stratégie qui épouse celle adoptée pour les autres marques du groupe vendue au Maroc.D’ailleurs, le groupe ne commercialise que les principales marques de Colgate Palmolive. «Nous essayons davantage de capitaliser sur des marques mondiales, en innovant au sein même de ces marques. Car pour un marché comme le marché marocain, nous ne visons pas une diversification en termes de nombres de marques, mais nous souhaitons rendre plus forte des marques par l’ajout de produits stratégiques qui ont du potentiel», déclarait un ancien directeur général de la filiale marocaine au moment du redécollage de la marque. Au Maroc, le géant américain ne commercialise que Cadum dans le marché des shampooings, car historiquement c’est une marque qui a toujours été très forte depuis son lancement dans les années 70. Cadum a beaucoup évolué et garde un positionnement singulier: c’est une marque entrée de gamme, avec un bon «rapport qualité- prix», mais qui a su se construire une certaine dimension cosmétique. Cadum est incontestablement le shampooing le plus vendu au Maroc. Reste à savoir si  cette nouvelle stratégie a pour objectif de mettre un terme à l’érosion de la part de marché de la marque, ou plutôt de lui redonner son lustre et sa part de marché  d’antan qui flirtait avec les 60%, si tant est que ce soit encore possible dans un marché aussi concurrentiel.

Soumayya Douieb

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