Conceptualisation

Par : Abdeslam Seddiki

A l’heure où il est question de mettre en place un «nouveau modèle de développement», nous pensons qu’il serait utile de clarifier les choses pour savoir au juste de quoi  on parle et cadrer le débat sur le plan conceptuel.  Car les termes et les concepts ont bien un sens et une portée. Et c’est en respectant le sens des  termes  utilisés qu’on arrive à communiquer et à s’entendre. Dans le cas contraire, on vire vers un «dialogue de sourds» si ce n’est  vers un monologue!

En effet, un modèle de développement ne peut se réduire ni à un modèle de croissance, ni à un programme gouvernemental (ou plan d’action). Le développement est un concept beaucoup plus large que la notion de croissance. Alors que celle-ci se mesure par l’évolution du seul agrégat du Produit Intérieur  Brut (PIB), le développement, par contre, intègre d’autres variables relatives à la répartition de la richesse  produite, à l’amélioration des conditions de vie de la population, aux modifications de structures qu’il induit… On dira avec Aziz Belal que le développement  est «un processus cumulatif socialement maîtrisé et continu de croissance des forces productives, englobant l’ensemble de l’économie et de la population, à la suite de mutations structurelles profondes permettant la mise à jour de forces et de mécanismes internes d’accumulation et de progrès». D’une façon plus concrète, le PNUD, en élaborant son indice de développement humain, considère que le développement est composé de trois paramètres : une vie longue et saine, une éducation utile et un niveau de vie digne.

On le voit, un pays peut enregistrer des taux de croissance les plus élevés au monde sans réaliser pour autant son développement.  Ce qui nous laisse croire que le Maroc, n’a pas connu depuis  l’indépendance de «modèle de développement» stricto sensu, du moins dans sa forme élaborée. Les différents «plans de développement» qui se sont succédé depuis l’indépendance  (plan biennal 1958-1959; plan  1960-1964; plan triennal 1965-1967; plan  1968-1972; plan1973-1977; plan triennal  1978-198O et plan 1981-1985) ne traduisaient pas une conception donnée de développement et ne s’inséraient pas dans un modèle de développement. Ils rassemblaient un catalogue de mesures élaborées par des technocrates  sans aucune prise sur la réalité.  Leur échec était garanti d’avance ! D’ailleurs, le plan 1981-1985 fut abandonné au milieu du parcours suite  aux  fourches caudines du FMI. Malheureusement, le  plan de développement préparé par le gouvernement d’alternance, couvrant la période 2000-2004 et qui a fait l’objet d’un véritable débat national est resté à son tour lettre morte pour des raisons qui demeurent jusqu’à présent obscures. On lui a préféré des programmes sectoriels sans convergence et sans âme!

Le modèle de développement ne peut être envisagé plus qu’une vision sur la société de demain, un choix pour bâtir un type de société, une philosophie d’avenir. Bref, un cadre de référence pour élaborer les politiques publiques d’un pays.  A ce titre, il peut exister une multitude de modèles à tel point que chaque pays peut se targuer de disposer de  son «propre modèle». Ne parle-t-on pas d’ailleurs de «modèle chinois», de «modèle français» de «modèle russe», de  «modèle ivoirien» et que sais-je encore ? On peut multiplier les exemples à volonté. Ce qui revient à dire que nous devons mettre en place notre propre modèle de développement, celui qui convient le mieux à notre peuple, qui répond le plus à ses attentes légitimes, qui prend en considération nos spécificités culturelles  et historiques, qui utilise au mieux les ressources disponibles et potentielles, qui cimente notre unité nationale et notre sentiment d’appartenance à  cette maison commune qu’est la patrie.

Nous sommes donc appelés à répondre aux questions fondamentales suivantes : Quelle (s) finalité(s) du processus de développement et quelle place accorder au citoyen marocain ? Quels rôles pour les différents acteurs : Etat, secteur privé, société civile ? Quel système de production,  quelles priorités sectorielles et quel type d’organisation du travail ? Quel mode de régulation et quelles formes de gouvernance à mettre en place ? Comment intégrer les facteurs non-économiques (culture, valeurs nationales,…) dans le développement ? Quelle articulation entre démocratie et développement ? Quelles formes d’intégration dans le système mondial  et la nouvelle division internationale du travail?

Les réponses consensuelles à ces questions constitueront le socle du «nouveau modèle de développement dans ses multiples dimensions : politique, économique, sociale, culturelle voire écologique, et la quintessence d’un nouveau compromis historique en phase avec l’esprit de la constitution 2011. Pour le reste, la concurrence restera ouverte entre les principaux acteurs et les forces politiques. Les règles du jeu seront désormais claires et acceptées par tous. Que le meilleur gagne !En dernière instance  c’est le pays dans son ensemble qui gagnera. C’est la démocratie  qui s’en sortira renforcée.

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