Le président turc Recep Tayyip Erdogan a reçu, ce lundi à Ankara, son homologue russe Vladimir Poutine et le chef de l’Etat iranien Hassan Rohani à l’effet d’arrêter une position commune visant la résolution rapide du conflit syrien.
Au cours de la conférence de presse conjointe donnée à l’issue de leurs entretiens, les trois dirigeants ont annoncé avoir convenu de la mise en place d’un «Conseil constitutionnel» qui sera chargé de la rédaction de la nouvelle constitution syrienne et dont les membres pourraient, incessamment, commencer leur travail à Genève (Suisse).
Pour rappel, si la création de ce «Conseil constitutionnel» avait été décidée par les trois chefs d’Etat lors de leur rencontre à Sotchi (Russie) en Janvier 2018, force est de reconnaître, toutefois, que ces derniers s’étaient longtemps opposé sur sa composition avant de convenir qu’il devra comprendre 50 membres choisis par le pouvoir, 50 désignés par l’opposition alors que les 50 autres seront des «délégués indépendants» représentant la société civile à choisir par l’émissaire de l’ONU.
Les trois chefs d’Etat ont souligné, par ailleurs, «la nécessité de faire respecter le calme sur le terrain avec la pleine mise en œuvre de tous les accords relatifs à Idleb» principalement celui qui avait permis à la Russie et à la Turquie d’éviter «l’assaut final» que les forces de Bachar Al-Assad, appuyées par Moscou, entendaient lancer sur la province.
Craignant, néanmoins, une nouvelle détérioration de la situation humanitaire dans la région et ne cachant point leur «sérieuse préoccupation» face à la «présence accrue» du groupe «Hayat Tahrir Al-Sham» (HTS), l’ancienne branche syrienne d’Al Qaïda, les trois dirigeants ont convenu de «prendre des mesures concrètes afin de réduire les violations» et «d’éliminer» le groupe terroriste précité.
Mais malgré l’apparente convergence de leurs points de vue, les trois dirigeants n’appréhendent pas de la même manière la présence des troupes américaines dans la région. Si pour la Russie et l’Iran, l’Etat syrien ne pourra pas retrouver sa pleine souveraineté et son intégrité territoriale avant le désengagement total des troupes américaines qui n’ont ni mandat onusien ni autorisation des autorités de Damas pour intervenir en Syrie mais dont le retrait avait, tout de même, été envisagé en décembre 2018 par le président Donald Trump à la faveur de «sa victoire» sur le groupe Etat islamique, la position turque reste très ambigüe du fait même de la présence des troupes d’Ankara au sein de l’OTAN.
Aussi, en pointant du doigt l’«influence délétère» de Washington, le président iranien Hassan Rohani a notamment déclaré : «Nous nous prononçons contre la présence de puissances étrangères (qui n’ont pas) été invitées par les autorités syriennes. Il s’agit notamment des Américains qui, tout au long de cette crise syrienne, n’ont pas contribué à sa résolution. Bien au contraire, ils ont une influence particulièrement délétère sur la situation. Cela contribue à diviser encore plus (la Syrie). Et nos trois pays considèrent cela comme inacceptable. Les mauvaises intentions des Américains sont évidentes».
En qualifiant d’«illégale» la présence américaine en Syrie et en considérant qu’il va falloir poursuivre «une lutte sans compromis contre les terroristes en Syrie», Vladimir Poutine a, de son côté, déclaré que cette «rencontre a été très productive et s’est soldée par un succès» et formulé le souhait de voir Donald Trump appliquer sa promesse relative au retrait des forces américaines de Syrie.
Enfin, au moment où la victoire de Bachar Al-Assad semble imminente, la priorité pour Erdogan est, bien entendu, de se prémunir d’un nouvel afflux massif de réfugiés en provenance d’Idleb. Aussi, espère-t-il percevoir davantage de moyens financiers de la part de l’UE ainsi que la rapide mise en place, par les Etats-Unis, de la fameuse «zone de sécurité» large d’une trentaine de kilomètres que le Président Trump avait cherché, en 2016, à établir au nord-ouest de la Syrie pour la mettre sous le contrôle d’Ankara qui escompte y réinstaller au moins le tiers des réfugiés syriens présents sur le sol turc.
S’achemine-t-on vraiment, cette fois-ci, vers la fin d’un conflit qui, en huit années, a fait plus de 560.000 morts, 7 millions de déplacés et 6 millions de réfugiés ? Il n’est pas interdit d’espérer mais attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi