Elections en Gambie: Yahya Jammeh, candidat à sa succession

Et de cinq ! Le Président gambien Yahya Jammeh, 51 ans, qui n’est pas prêt de plier bagages, rempile pour un cinquième mandat ; oui, c’est bien çà : une cinquième « législature » si tant est que l’on peut encore l’appeler ainsi avec ce cinquième scrutin auquel ont été appelés 880.000 électeurs gambiens ce 1er Décembre 2016.

Faisant fi des critiques qui fusent de partout, Yahya Jammeh avait, sans aucune gêne, déposé le 10 Novembre dernier son dossier de candidature au-devant de la Commission Electorale Indépendante (CEI) en déclarant à qui voudrait bien l’entendre : «Peu importe ce que les gens disent de moi, je n’en suis pas touché». Et celui-ci d’ajouter : «Je n’écoute personne parce que je sais ce qui est important. C’est entre moi et Dieu. On veut écouter tout le monde et satisfaire tout le monde et on finit par satisfaire des méchants. Faites ce qui est juste, assurez-vous de ne satisfaire que Dieu le Tout-Puissant».

Parvenu au pouvoir à l’issue d’un coup d’Etat en 1994, il avait été élu une première fois en 1996 puis constamment reconduit en dirigeant, depuis lors et d’une main de fer, ce petit état anglophone de l’Afrique de l’Ouest qu’est la Gambie alors même que son régime est violemment critiqué par de nombreuses ONG ainsi que par le Département d’Etat  américain qui lui reprochent des disparitions forcées ainsi qu’un harcèlement de la presse et des défenseurs des droits humains.

Mais la nouveauté de ce scrutin du 1er Décembre 2016, c’est qu’il a en face deux lui deux prétendants «sérieux», à savoir, Adama Barrow pour le Parti de l’Unité Démocratique choisi pour représenter l’ensemble de l’opposition et Mamma Kandeh agissant au nom du Congrès Démocratique de Gambie, récemment crée.

Une autre nouveauté malheureusement est que le réseau internet a été coupé mercredi soir sans aucun préavis quelques heures avant l’ouverture des bureaux de vote et que le jour du scrutin les gambiens ne pouvaient plus communiquer que par téléphone puisque les SMS et les MMS avaient été bloqués à leur tour ; ce qui tranche nettement « avec la liberté d’expression et de manifestation accordée à la population tout au long de la campagne électorale » dira un électeur.

«Couper internet est une entrave aux libertés de communication et d’expression. Ils font ça parce qu’ils ont peur du résultat qui sortira des urnes » affirme, de son coté, Moustapha un jeune électeur déclarant avoir voté pour le candidat de la coalition de l’opposition.

«C’est la première fois que cela arrive car Jammeh sait que quelque chose est en train de changer par rapport aux élections précédentes» dira un autre électeur alors qu’interrogé par «Jeune Afrique» Stephen Cockburn, Directeur Adjoint Régional d’Amnesty International, dira, de son côté : «C’est une mesure très négative et répressive. Nous venons de vivre deux semaines remarquables durant lesquelles les Gambiens se sont exprimés et se sont mobilisés pacifiquement dans les rues. C’est très dommage de constater ce genre de limitations. Nous appelons donc les autorités gambiennes à arrêter ce blocage pour permettre aux populations de communiquer en toute liberté ».

A l’issue du dépouillement des bulletins de vote effectué dans 17 localités, Adama Barrow, le candidat de la coalition de l’opposition serait en tête. Ainsi, il semblerait donc, selon les premières estimations, que Yahya Jammeh ne serait pas prêt de savourer un cinquième mandat ; ce qui, en soi, serait une victoire et un pas – si petit soit-il – vers la démocratie dans ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest.

Nabil Bousaadi

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