Elisabeth Borne veut huiler le moteur franco-allemand

Pour dissiper les nuages entre Berlin et Paris

La Première ministre française Elisabeth Borne se rend à Berlin vendredi pour huiler le moteur franco-allemand, grippé sur la défense et l’énergie, après plusieurs rencontres ministérielles cette semaine qui ont permis d’afficher une entente préservée, à défaut de conclure des accords concrets.
Lors de cette visite, prévue en septembre mais reportée pour cause de Covid côté allemand, Mme Borne rencontrera le chancelier allemand Olaf Scholz, avec qui elle tiendra une conférence de presse.
Ce déplacement s’inscrit à la suite de la venue, le 26 octobre à Paris, de M. Scholz qui avait affiché avec le président français Emmanuel Macron la volonté de donner un nouvel élan au tandem franco-allemand.
La Première ministre s’entretiendra également avec Robert Habeck, vice-chancelier en charge de l’Economie et du climat, qui a été reçu cette semaine à Paris par Emmanuel Macron ainsi que par son homologue français Bruno Le Maire, alors que la politique énergétique est source de tensions entre les deux pays.
Outre les divergences sur le plafonnement des prix du gaz, le plan d’aide de l’Allemagne de 200 milliards d’euros aux particuliers et entreprises face à l’envolée des prix de l’électricité avait provoqué incompréhension et crainte de distorsion de concurrence chez ses partenaires européens.
Les deux ministres de l’Economie ont souhaité à cet égard « veiller à ce que les aides aux entreprises » maintiennent « une équité de concurrence entre (les) deux pays », selon M. Le Maire.
Dans le contexte d’une raréfaction des importations russes de gaz pour cause de guerre en Ukraine, « la solidarité européenne est absolument essentielle », avait souligné M. Habeck, alors que Paris et Berlin pourraient marquer vendredi une solidarité accrue en matière de livraisons réciproques de gaz et d’électricité.
Mme Borne et M. Scholz discuteront aussi de la réponse européenne à apporter au plan massif d’investissements des Etats-Unis (Inflation Reduction Act, IRA), susceptible de fausser la concurrence.
Les crispations, révélées au grand jour par le report du conseil des ministres franco-allemand, ont permis cependant « de sortir des projets de l’impasse », souligne Alexandre Robinet-Borgomano, de l’Institut Montaigne, comme l’accord politique trouvé entre les industriels Dassault et Airbus sur le projet d’avion de combat européen (SCAF), même si aucune signature de contrats n’est prévue vendredi.
Dans le domaine spatial, alors que Paris et Berlin cherchent chacun de leur côté à développer des micro et minilanceurs spatiaux, la France, l’Allemagne et l’Italie se sont accordés mardi pour permettre à ces petites fusées d’être envoyées pour le compte de l’Agence spatiale européenne.
Mais le projet de bouclier anti-missile promu par Berlin, concurrent de celui de Paris et de Rome, sera lui abordé « dans un autre format de discussions ».
La ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a elle accueilli lundi pour la première fois son homologue allemande Annalena Baerbock, qui a aussi été reçue par M. Macron.
Jeudi, la ministre française de la Culture Rima Abdul Malak sera à Berlin quand le ministre allemand des Finances Christian Lindner sera à Paris.
« Plus on échange avec les Allemands et mieux on se comprend sur des modèles qui sont très différents, et plus on aura des possibilités de trouver des solutions ensemble », souligne une source gouvernementale.
Aucune date ne devrait pourtant être annoncée pour le prochain conseil des ministres franco-allemand alors que de grandes retrouvailles sont attendues le 22 janvier, jour du 60e anniversaire du Traité franco-allemand.
« La guerre en Ukraine a contraint l’Allemagne à revoir les bases de son modèle économique et géopolitique de façon radicale, et pendant ce temps-là elle n’a peut-être pas suffisamment soigné son lien avec la France », avance M. Robinet-Borgomano.
Mais la communication pourrait mieux passer avec Elisabeth Borne, la ministre « la plus allemande » du gouvernement français, estime-t-il. Son « sérieux », son « refus des effets de manche » et sa « discrétion » sont autant de « qualités valorisées en Allemagne ».
Hans Stark, conseiller à l’Institut français des relations internationales (Ifri), pense que « l’orage est passé » et que désormais « on essaie de mettre en avant ce qui fonctionne ».
La visite de Mme Borne vise à « instaurer un mode de travail » pour éviter d’apparaître divisés notamment face à la Russie, selon lui. Les deux pays réaffirmeront à cet égard leur « soutien sans faille » à l’Ukraine.

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