Finance participative: Hausse des financements, mais très focalisés sur le particulier.

Said Amaghdir, président de la Commission financement, investissement et accompagnement des TPE-PME au sein du Club des Dirigeants

Said Amaghdir, président de la Commission financement, investissement et accompagnement des TPE-PME au sein du Club des Dirigeants, dresse, dans une interview accordée à la MAP, l’état des lieux de la finance participative au Maroc et explique les spécificités de l’assurance Takaful et son potentiel.

1. Où en est-on réellement pour la finance participative au Maroc

Au terme du mois de novembre 2020, les financements accordés par le secteur frôlent, selon les derniers chiffres de Bank Al Maghrib (BAM), les 13 milliards de dirhams (MMDH), précisément 12,887 MMDH, soit une progression de 50,3% par rapport à la même période de 2019.

A l’instar des banques conventionnelles, le gros de ce financement est concentré par la Mourabaha immobilière avec près de 11 MMDH (dont 10,5 MMDH à l’habitat). Le financement à la consommation vient en deuxième position avec 947 millions de dirhams (MDH), tandis que le financement à l’équipement se chiffre à 820 MDH.

Sur les comptes chèques et comptes courants, nous sommes à 3,663 MMDH alors que les dépôts d’investissement sont évalués à environ 712 MDH.

Les dépôts sont vraiment inférieurs aux financements. Le gap est comblé essentiellement par la « Wakala Bil Istithmar », qui est un contrat signé entre la banque participative et la banque conventionnelle aux termes duquel la banque conventionnelle alimente la banque participative en cash pour satisfaire les demandes de financements. Les plus-values dégagées des financements réalisés sont partagées entre les deux banques.

Certes, pour l’instant c’est déséquilibré, mais nous avons constaté que malgré la crise Covid-19, ces banques sont restées opérationnelles à servir leurs clients et ont réalisé un niveau très honorable.

Sur ce volet il n’y a pas d’inquiétudes. Toutefois, nous sommes très inquiets par rapport à la lourdeur dans le lancement de nouveaux produits. Nous sommes restés, à ce jour, très focalisés sur le particulier.

Sur l’entreprise, une seule banque participative qui commercialise aujourd’hui le « Salam », qui est un produit de financement de besoin en fonds de roulement pour les TPE/PME. Les autres attendent, peut-être, plus de visibilité pour qu’elles puissent embarquer ces entités.

Ce volet est appelé à se développer, mais bien sûr d’une manière graduelle et réfléchie. Toutefois, cela n’empêche pas qu’on accélère la cadence pour avoir au moins les mêmes produits/services que le conventionnel.

2. Quelles solutions préconisez-vous dans ce sens?

Il ne faut pas rester seulement sur le segment particulier. La vraie valeur ajoutée des banques participatives se trouve plus dans les TPE et les PME. Il faut développer ce volet afin de pouvoir réaliser les objectifs nationaux en termes de développement de l’entrepreneuriat, et par la suite, de la création de richesse et surtout de l’emploi pour nos jeunes.

Il faut que les différents intervenants, banques, marchés des capitaux et assurance soient sur la même longueur d’ondes pour créer une synergie dynamique, et doivent aussi s’organiser de telle manière à travailler en parallèle sur plusieurs produits. Il y a pas mal d’éléments sur lesquels la banque participative doit accélérer la cadence pour qu’elle soit considérée comme banque universelle.

Je cite aussi un important point dans ce sens, qui est celui des facilités pour les particuliers. Aujourd’hui les banques conventionnelles travaillent sur cet élément très important. Pour les banques participatives, la notion de découvert avec intérêt n’existe pas.

Par contre, il faut que la banque pense à une facilité juste pour permettre à des personnes où il y a un retard au niveau des salaires, ou un engagement particulier d’avoir une avance sans intérêts afin de faire face à ces imprévus. Bien sûr il ne faut absolument pas qu’elle soit comme le conventionnel avec des intérêts parce que c’est prohibé dans la finance participative.

Sur un autre volet, l’assurance participative Takaful n’est toujours pas lancée ce qui met d’ailleurs en péril les 13 MMDH financés jusqu’ici. De même, le décès des bénéficiaires de financement participatif pourrait alourdir le panier des cas sociaux à gérer. Le contrat d’assurance pour le risque décès est parmi les produits les plus demandés, je dirai même urgent à mettre en place.

Nous devons également penser à mettre en place les produits d’épargne ( éducation retraite, Hajj, Omra, etc) et qui doivent venir compléter un peu les produits existants de la Mourabaha. De plus, il faut développer aussi un marché des capitaux avec des OPCI et OPCVM charia compliant, avec un indice boursier charia-compliant.

Tout cela doit normalement être fait avec un planning précis, très clair, avec des responsables en face chaque projet.

Ceci dit, nous sommes très sereins. Les banques avancent correctement, mais il faut juste compléter l’écosystème par l’assurance et les autres produits pour aider cette finance participative à s’imposer et à réaliser les objectifs qui lui ont été assignés au départ (augmenter le taux de bancarisation, le taux de pénétration de l’assurance, développer l’épargne, etc).

3. Vous avez évoqué un maillon important mais toujours manquant de l’écosystème de la finance participative au Maroc, à savoir le Takaful.En quoi consiste cette assurance et quel est son potentiel?

Concrètement, il s’agit d’un système économique d’assurance mutuelle qui s’appuie sur une logique d’entraide et donc bien sûr le droit au participant d’être indemnisé sur les sinistres subis. Elle a été conçue autour du concept de donation à un fonds commun, le fonds Takaful.

L’assurance Takaful se divise entre le « Takaful Family » qui est l’alternative à l’assurance vie conventionnelle et le « Takaful General » (Assurance non vie).

Les assurés/participants peuvent bénéficier de trois éléments importants: Ils deviennent copropriétaires du fonds Takaful, bénéficiant ainsi de la couverture (décès, invalidité, santé et habitat). Ils peuvent épargner pour eux-mêmes, leurs familles, etc. Ils peuvent aussi faire une épargne-capitalisation pour fructifier l’épargne collective. Ces contrats respectent les principes de la Charia.

La société de gestion Takaful gère ce fonds qui appartient, in fine, à tous les participants. Elle reçoit une commission sur ses tâches et le reste de la prime collectée revient au fonds. A l’inverse, dans le conventionnel, la prime revient à la compagnie (aux actionnaires).

La société de gestion Takaful devient une société de gestion qui va gerer le Fonds, qui appartient in fine à tous les participants. La société de gestion va recevoir une commission sur les travaux qu’ elle a mené pour le compte de Fonds, et le reste de la prime collecté revient dans le fonds.

Lorsque le Fonds Takaful est déficitaire, l’opérateur Takaful (la société d’assurance takaful) doit verser l’équivalent de ce déficit dans le fonds pour honorer ses engagements. Cela constitue la seule contrainte qu’a l’opérateur d’assurance Takaful. En outre, le Fonds a la personnalité morale et l’autonomie financière.

Il existe différents modèles de Takaful, mais celui qui a été retenu chez nous est le modèle Wakala.

En ce qui concerne le potentiel de cette assurance, l’Association marocaine pour les professionnels de la finance participative a mené, en collaboration avec la Bourse de Casablanca, une étude du marché sur l’attrait de l’assurance participative aux yeux des Marocains.

Réalisée fin 2018/début 2019 sur les 12 régions du Royaume (milieux urbain et rural), cette étude révèle que 25% des Marocains souscrivent au moins à un seul type d’assurance (14% chez les femmes et 36% chez les hommes). Les Marocains les plus assurés sont issus des classes supérieures, des hommes, âgés de 45 ans et plus, résidents du milieu urbain.

Par type d’assurance, l’auto vient en première position avec 13%, suivie de l’assurance maladie (9%), de l’épargne retraite (6%) et de l’épargne Moto (4%).

Au volet des principaux freins de non-assurance, 37% des personnes interrogées indiquent n’avoir pas besoin d’une assurance, 27% n’y ont jamais pensé, tandis que 9% trouvent que l’assurance est très chère.

Pour le cas de Takaful, et après présentation du concept, 24% des Marocains considéreraient certainement y souscrire, dont seulement 10% qui sont bancarisés et seulement 5% assurés. De plus, et dès l’explication du concept, ce n’est plus l’auto mais plutôt la maladie qui vient en tête de liste (15%), suivie de Vie (5%), épargne éducation (5%), Haj (3%), épargne retraite (3%) et multirisque habitation (3%).

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