Garantir l’accès aux soins pour tous, sans obstacles financiers

Cliniques privées et Chèque de garantie

Ouardirhi Abdelaziz

De nombreux citoyens malades qui s’adressent aux cliniques privées pour leur prise en charge, que ce soit pour des interventions chirurgicales, des hospitalisations en réanimation, des bilans, des examens radiologiques, sont souvent dans l’obligation de passer à la caisse et de verser un chèque de garantie avant tout acte médical .

La médecine est une profession qui ne doit en aucun cas ni d’aucune façon être pratiquée comme un commerce. Le médecin l’exerce loin de toute influence; ses seules motivations étant sa science, son savoir, sa conscience et son éthique professionnelle. Il doit l’exercer en toutes circonstances dans le respect de la moralité, loin de toute discrimination de quelque nature qu’elle soit. Notamment due à l’âge, au genre, à la couleur, aux croyances, à la culture, à l’appartenance sociale, à la langue, à l’handicap, ou à quelque situation personnelle que ce soit.

Cheque de garantie

En 2022, le Conseil de la concurrence dans son avis relatif au fonctionnement concurrentiel du marché des soins médicaux dispensés par les cliniques privées, avait fermement dénoncé et critiqué sévèrement la pratique de cheque de garantie, qui est rappelons le ici formellement interdite par le Code pénal, (article 544) la loi n° 131.13 relative à l’exercice de la médecine, en cas de tiers payant (article 75).

Le motif invoqué par les cliniques privées pour recourir au procèdé de chèque de garantie est de sécuriser le paiement des prestations réalisées au profit du patient.

Sauf que pour la pratique du noble art, la médecine ne saurait être pratiquée comme un commerce. Ce qui constitue un principe essentiel de l’exercice même de la médecine. En outre, il est communément admis par l’ensemble des dignes représentants d’Hippocrate, et du serment prêté lors de la remise du diplôme de docteur en médecine, que la santé n’est pas un bien marchand. L’acte médical ne peut être considéré comme une denrée, une marchandise échangée contre une contrepartie quelle qu’elle soit.

Des pratiques illégales

Le professeur Khalid Ait Taleb, ministre de la Santé et de la Protection sociale, a manifesté sa désapprobation totale face à ces pratiques illégales. Et malgré de nombreux avertissements du ministère de la Santé, ces comportements scandaleux, déshonorant  persistent au sein de certaines cliniques privées.

Autres anomalies et pas des moindre, consiste pour certains praticiens vacataires dans certaines cliniques privées à orienter le patient vers la structure sanitaire de leur choix, et d’exiger du malade au passage une rallonge sous forme de payement au noir qui va directement dans la pêche du praticien et qui n’apparait dans aucune facture.

Tout ce mic mac se fait en toute discrétion, à l’abri des regards, car le praticien mange à plusieurs râteliers en même temps. Il perçoit ses honoraires de la part de la clinique, et il empoche au passage le noir. C’est-à-dire quelques milliers de DH en plus.

Dans ce genre de pratique abusive, c’est le malade qui est exploité, car malade, diminué physiquement et psychologiquement.

Ces agissements et comportements indignes, sont connus de tous, et chacun se comporte et agit comme si de rien n’était. Il y a une sorte d’opacité, d’écran de fumée opaques qui ne laisse rien voir, une omerta qui interdit de dévoiler au grand jour ces pratiquées illégales.

Des obstacles financiers inacceptables

Quand un citoyen qui a une prise en charge, se rend dans de telles cliniques privées, il est tout heureux de pouvoir avoir accès aux soins, dans une structure sanitaire privée, cadre agréable, environnement calme, cadre propre, hygiène impeccable, personnel accueillant, souriant ….

Passé ce moment, on lui demande de passer à la caisse pour régularisation de la situation.

Et c’est là que tout est chamboulé, car bien que disposant d’une couverture médicale ( AMO ), une prise en charge en bonne et due forme, le service de facturation de la clinique demande un restant à charge non négligeable, que le malade règle dans toutes les situations, car ce qui importe pour le patient et sa famille, c’est de ne plus souffrir et recouvrir sa santé.

Mais a t-on réellement et vraiment conscience des sacrifices que consentent toutes ces familles, et ces malades pour réunir tout l’argent exigé, surtout quand la prise en charge ne permet pas à la clinique de couvrir ses frais, de s’en sortir avec une marge ?

Augmentation du coût des soins

C’est un véritable casse-tête, car d’un côté la clinique est un établissement privé à but lucratif, qui investit dans la haute technologie, qui a des dépenses quotidiennes, médicaments, eau, électricité, oxygène, gaz et un personnel à payer à la fin de chaque mois. Autant dire d’énormes dépenses.

Le problème pour les gestionnaires des cliniques privées réside dans le déséquilibre entre les coûts des soins et la tarification actuelle de ces mêmes soins. Un constat corroboré par le ministre de la Santé et de la protection sociale, le professeur Ait Taleb qui avait déclaré à ce sujet, que la grille est actuellement désuète puisqu’elle n’est plus adaptée à l’évolution du coût des prestations et soins médicaux.

Adapter la tarification aux exigences actuelles

Je ne voudrai pas apparaitre comme celui qui ne voit que la moitié vide du verre. Il me faut reconnaitre que les coûts engendrés par les soins montent en flèche. La médecine évolue sans cesse, chaque jour nous apprenons que de nouvelles molécules thérapeutiques sont utilisées, que de nouveaux appareils sont utilisés pour de meilleurs diagnostics, plus de sécurité et moins de douleurs pour les patients.

Ces nouvelles technologies qui sont introduites par certaines cliniques privées, qui cherchent à offrir plus de qualité, de sureté, à être compétitifs au regard de ce qui existe dans les pays développés, permettant aux patients Marocains d’être soignés dans le pays.  

Mais ces nouvelles technologies ne sont pas remboursées, ou en dessous des coûts réels, au moment où leurs prix s’envolent, et seuls certains patients fortunés peuvent y prétendre. Car ni la CNOPS ou la CNSS ne veulent ou ne peuvent inclure ces prestations dans la tarification actuelle, qui au passage est désuète puisqu’elle n’est plus adaptée à l’évolution du coût des prestations et soins médicaux.

Que faire alors ? Plus facile à dire qu’à réaliser. c’est de réviser, d’actualiser, d’adapter la nomenclature générale des actes professionnels et la tarification nationale de référence en tenant compte des exigences actuelles, des coûts réels des prestations des soins.

Pour conclure, il serait très intéressant, fort utile pour de très nombreuses cliniques privées de s’imprégner de l’expérience réussie  d’Akdital, dont le rythme de croissance de ses revenus (+ 500 % en quatre ans) a fait d’Akdital, un groupe créé en 2017, le symbole de l’essor de l’investissement privé dans la santé au Maroc.

En 2023, le leader des cliniques privées au Maroc a réalisé un chiffre d’affaires de 1,9 milliard de dirhams, soit une hausse de 84% en glissement annuel. En progression de 80% par rapport à l’année 2022

Que dit la loi ?

Dahir n° 1-15-26 du 29 rabii 11 1436 (19 février 2015) portant promulgation de la loi n° 131-13 relative à l’exercice de la médecine.

Article 75

La liste des médecins exerçant au sein de la clinique, à titre permanent ou occasionnel ainsi que leurs spécialités doivent être affichées, sous la responsabilité du directeur médical, à la devanture de celle-ci et dans ses espaces d’accueil. Doivent également faire l’objet d’affichage visible et lisible dans les espaces d’accueil de la clinique et les devantures des bureaux de facturation, sous la responsabilité du directeur administratif et financier, toutes les informations relatives aux tarifs des prestations qu’elle offre et aux honoraires des professionnels qui y exercent. L’adhésion de la clinique aux conventions nationales établies, dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire de base, ou son non adhésion doit également être affichée dans les conditions prévues au 2ème alinéa ci-dessus. En cas de tiers payant, Il est interdit à la clinique de demander aux personnes assurées ou à leurs ayant droits une provision en numéraire ou par chèque ou tout autre moyen de paiement en dehors de la part restant à leur charge.

Top