Hausse de l’arsenal nucléaire prêt à l’emploi

Sur fond de guerre en Ukraine

A l’heure où la guerre en Ukraine ravive les peurs liées à l’arme nucléaire, le nombre d’ogives opérationnelles dans le monde a augmenté l’an dernier, tiré notamment par la Russie et la Chine, selon un nouveau rapport.
Début 2023, les neuf puissances nucléaires officielles et officieuses détenaient 9.576 têtes nucléaires prêtes à l’emploi, soit une puissance équivalente « à plus de 135.000 bombes d’Hiroshima », indique le Nuclear Weapons Ban Monitor publié mercredi par l’ONG norvégienne Norsk Folkehjelp.
Cela représente une augmentation de 136 ogives opérationnelles en un an, à mettre sur le compte de la Russie, qui a le plus gros arsenal de la planète (5.889 têtes), ainsi que de la Chine, de l’Inde, de la Corée du Nord et du Pakistan.
« Cette hausse est préoccupante et prolonge une tendance qui a commencé en 2017 », a commenté une responsable du rapport, Grethe Lauglo Østern.
Réalisé en collaboration avec la Fédération des scientifiques américains, le rapport émerge à un moment où la Russie agite la menace nucléaire en lien avec son invasion de l’Ukraine et les livraisons d’armes occidentales à Kiev.
Samedi, le président russe Vladimir Poutine a annoncé avoir eu l’accord de Minsk pour déployer des armes nucléaires « tactiques » au Bélarus, un pays situé aux portes de l’Union européenne et dirigé depuis 1994 par Alexandre Loukachenko, son allié le plus proche.
« Il n’y a rien d’inhabituel ici: les Etats-Unis font cela depuis des décennies. Ils déploient depuis longtemps leurs armes nucléaires tactiques sur le territoire de leurs alliés », a déclaré Vladimir Poutine lors d’une interview diffusée à la télévision russe.
Une centaine d’armes américaines dites « tactiques » du fait de leur portée ou de leur puissance moindre sont déployées depuis des années en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Turquie, selon les estimations des différents observateurs indépendants de l’arsenal nucléaire mondial, comme le Sipri en Suède.
Cette annonce a été vertement critiquée par l’Ukraine et ses alliés occidentaux, l’Otan dénonçant une « rhétorique dangereuse et irresponsable » et l’UE menaçant Minsk de nouvelles sanctions si ce déploiement était réalisé.
Dans l’ombre du conflit en Ukraine, la Corée du Nord multiplie de son côté les tirs de missiles balistiques, des tests susceptibles d’accentuer ses capacités à effectuer des frappes nucléaires.
Dans cette situation géopolitique fortement dégradée, les craintes d’un recours à l’emploi de ces armes dévastatrices culminent aujourd’hui à des niveaux record depuis la fin de la Guerre froide il y a trois décennies, montrent des enquêtes d’opinion réalisées dans plusieurs pays.
Le stock total d’armes atomiques, qui inclut aussi celles retirées du service, continue en revanche, quant à lui, de baisser: leur nombre est passé de 12.705 à 12.512 en un an.
« Cela n’est le cas que parce que la Russie et les Etats-Unis démantèlent chaque année un petit nombre de leurs ogives nucléaires les plus anciennes qui ont été retirées du service », a noté Hans Kristensen, un responsable de la Fédération des scientifiques américains.
A eux deux, la Russie et les Etats-Unis, deuxième puissance nucléaire avec 5.244 ogives, représentent environ 89% de l’arsenal nucléaire total, précise le rapport.
Si l’introduction de nouvelles ogives ne s’arrête pas, « le nombre total d’armes nucléaires dans le monde repartira aussi bientôt à la hausse pour la première fois depuis la Guerre froide », a renchéri Mme Lauglo Østern.
Les huit puissances nucléaires officielles sont les Etats-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France, la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord, tandis qu’Israël est dotée de façon officieuse.
Le nombre de têtes nucléaires avait culminé à un record de plus de 70.000 en 1986, selon le Sipri, avant de décliner massivement à partir de la fin de la Guerre froide.

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