La BM appelle le Maroc à investir dans le capital immatériel

Dix ans après son dernier Mémorandum économique, la Banque mondiale consacre un nouveau Mémorandum sur le Maroc intitulé «Le Maroc à l’horizon 2040 : Investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique».

D’après ce rapport, la Banque mondiale estime que, dans les années qui viennent, le Maroc pourra accélérer sa croissance économique et créer des emplois, en particulier pour les jeunes, et rattraper ainsi son retard. Ainsi, ce rapport propose une analyse exhaustive des performances économiques récentes du pays ainsi que des perspectives de croissance pour les vingt prochaines années. Il expose les réformes de la gouvernance économique susceptibles de faciliter la mise en œuvre d’un scénario ambitieux mais réaliste, capable d’accélérer la croissance économique de manière durable et de réaliser un développement social et humain plus inclusif.

«Cette feuille de route tente de décrire la politique et les conditions économiques à même de doper le potentiel de croissance du Maroc. Mais le plus important, c’est que chaque citoyen ait le sentiment qu’il peut et qu’il doit contribuer au développement de son pays, à rendre les institutions inclusives et à promouvoir des opportunités économiques égales, ainsi que l’égalité entre hommes et femmes et la confiance interpersonnelle, et à bâtir avec confiance l’avenir du Maroc, explique Jean-Pierre Chauffour, économiste principal à la Banque mondiale et auteur principal du rapport. «Il faut un processus consultatif et inclusif qui permette à tous les acteurs de discuter et de s’entendre sur ce qu’ils souhaitent pour leur pays d’ici 2040. Nous espérons que les analyses et les projections présentées dans ce rapport auront au moins contribué à lancer ce débat», ajoute-t-il.

La banque mondiale salue les progrès réalisés par le Maroc

Le rapport souligne les avancées économiques et sociales importantes réalisées par le Maroc au cours des quinze dernières années. Le pays a engagé des réformes visant à accroître la productivité, à améliorer le niveau de vie, à créer des emplois et à renforcer les institutions. Ce processus a été appuyé par la Constitution de 2011 qui appelle à consolider les droits des citoyens marocains, à élargir leurs opportunités et à améliorer le cadre de gouvernance du Royaume. Le pays devra encore approfondir et intégrer ses réformes sectorielles et de la gouvernance s’il veut stimuler son développement et permettre à son économie de converger avec les pays d’Europe du Sud.

Le chômage des jeunes reste particulièrement préoccupant

Si de nombreux indicateurs économiques sont encourageants, ce n’est cependant pas le cas de l’intégration économique et sociale des jeunes. Le chômage chez les 25-35 ans représente un défi de taille pour le Maroc : seul un jeune sur deux dans cette tranche d’âge dispose d’un emploi ; emploi qui par ailleurs souvent informel ou précaire. «Le Maroc est à même de créer des emplois et de mener les réformes nécessaires pour améliorer la productivité de son économie et les conditions de vie de sa population», soulignent les auteurs. Et d’inviter en particulier le pays à revoir son modèle économique afin de devenir plus compétitif, d’accroître sa productivité et d’instaurer des conditions équitables pour les investisseurs, quelle que soit leur taille. Cela permettra au secteur privé de prospérer et de créer des emplois, en particulier pour les jeunes et les femmes.

Le Maroc devra investir dans son capital humain

Pour parvenir à cet objectif stratégique, le Maroc devra investir davantage dans son capital humain, et notamment dans deux secteurs cruciaux sur le long terme : l’éducation et la santé. Afin que s’opère un «miracle éducatif» et que les élèves marocains acquièrent les compétences qui leur permettront de s’intégrer sur un marché du travail plus concurrentiel, le mémorandum préconise de moderniser l’ensemble du système éducatif, en se concentrant sur l’amélioration des performances, de la gouvernance et des résultats. Le secteur de la santé a lui aussi besoin d’efforts soutenus si le Maroc veut réduire l’écart entre riches et pauvres et disposer d’un système de santé publique efficient et transparent. Or, l’expérience internationale montre que l’intégration sociale ne peut être atteinte sans parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes. Le mémorandum souligne que la capacité du Maroc à renforcer la position des femmes et élargir les perspectives économiques contribue largement à améliorer de manière significative la croissance économique. Ainsi, il est possible de concevoir des politiques publiques qui permettent à la fois de lutter contre les inégalités et les discriminations dont les femmes sont victimes et de promouvoir leur inclusion économique. De même, il est question d’encourager une plus grande confiance interpersonnelle. Pour accroître le capital social, les pays doivent faire en sorte que la règle de droit soit mieux appliquée et respectée, de promouvoir le sens civique, d’encourager le développement de la société civile et d’accompagner l’évolution des normes socioculturelles.

Améliorer les institutions et les services publics

Le rapport considère que, pour faire en sorte que la règle de droit soit mieux appliquée et pour placer les citoyens au cœur du modèle de développement, il faut commencer par renforcer les institutions et le modèle de gouvernance du pays. Les services publics doivent gagner en efficience et rendre davantage de comptes, les citoyens doivent être associés à la prise de décisions, et le respect mutuel, la confiance interpersonnelle et le sens civique doivent être renforcés. « Il est indispensable de réformer la gouvernance des services publics afin de les rendre plus efficaces et équitables. Cette réforme doit placer l’usager au cœur du système, en tant que bénéficiaire et régulateur, et s’attacher à rendre les services administratifs plus efficients, en simplifiant les procédures et en renforçant la reddition des comptes » avancent les auteurs du rapport. Ainsi, la banque mondiale appelle le Maroc à moderniser la fonction publique en poursuivant résolument les efforts de décentralisation, en améliorant les performances du personnel et de l’administration, en réduisant les effectifs superflus et en rationalisant l’administration. Et, à renforcer l’État de droit et la justice en envoyant un signal fort de changement de paradigme dans la protection des personnes, des biens et des contrats.

Améliorer les institutions d’appui au bon fonctionnement des marchés

Enfin, le rapport stipule que le Maroc devra améliorer les institutions d’appui au bon fonctionnement des marchés. Et ce, par l’instauration des mêmes règles du jeu pour tous les acteurs économiques, et notamment l’établissement d’une concurrence libre et loyale, et en promouvant un changement culturel à l’égard de l’entreprise et de l’innovation et l’allègement de la réglementation du travail et l’amélioration de l’efficacité des politiques actives du marché du travail, sachant que la refonte du Code du travail ferait progresser significativement l’emploi formel, notamment chez les jeunes et les femmes. Par ailleurs, en s’intégrant davantage dans l’économie mondiale, le Maroc pourrait accroître son attractivité pour les investisseurs et stimuler ses exportations. Un accord de libre-échange complet et approfondi avec l’Union européenne amplifierait le potentiel de transformation économique du pays.

Kaoutar Khennach

Billet

Dans son discours à l’occasion de la Fête du Trône en 2014, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a initié la réflexion autour du capital immatériel du Maroc. L’absence de la valorisation du capital immatériel ne permet pas au pays de percevoir sa vraie richesse. D’un point de vue macro-économique, la mesure du capital immatériel au Maroc permet de mesurer la pertinence des politiques publiques menées, notamment en termes de création de richesses. En particulier, le PIB montre ses limites quand il s’agit d’évaluer l’impact de politiques sociales comme l’INDH, ou de mesurer l’apport des infrastructures construites comme les autoroutes. Il en est de même pour l’appréciation du degré d’endettement qu’il faut rapprocher des richesses du pays (exemple : marque Maroc) et non uniquement du PIB.

Au niveau, micro-économique, l’actif immatériel permet de démocratiser la valorisation, en dotant chaque entreprise d’une valeur qui peut servir de base de négociations pour l’ouverture du capital ou sa transmission. De même,l’actif immatériel peut encourager les entreprises qui investissent et/ou celles qui misent sur l’innovation ainsi que sur le capital humain.

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