La littérature, la catharsis, et l’essence de l’humanité

Interview avec Marilyn Stellini

Par Noureddine Mhakkak

En 2009, Marilyn Stellini a pris la plume et entamé la rédaction de ce qui deviendra mon premier roman, lors d’une nuit sans sommeil. Ce sera une vocation. Née en 1986 dans l’est de la France, elle vit depuis une décennie dans les Préalpes suisses, auprès de son mari et de ses chats, compagnons de prédilection de l’écrivain. Femme engagée, elle œuvre auprès de nombreuses associations culturelles ou sportives et a fondé en 2015 le Salon du livre romand, et en 2018 le GAHeLiG (Groupe des Auteurs Helvétiques de Littératures de Genre). Ses écrits, intimistes et parfois subversifs, posent la question des méandres de l’essence humaine dans son contexte social, à travers des opus historiques, contemporains ou fantastiques, dans lesquels la nature des liens, familiaux, amoureux, amicaux, qui nous lient sont toujours interpellés. En 2020, elle signe mon premier long-métrage : «If I Ever Fall», qui sera mis en scène par le talentueux réalisateur suisse Antonio Petrone.

Voici une interview avec elle. Bonne lecture.

Que représentent les arts et les lettres pour vous ?

L’essence de L’humanité, la représentation matérielle de ce qui fait notre particularité sur cette planète. Nous sommes les seuls à nous adonner, parfois des vies entières, au beau et au symbolique. Cet élément essentiel de nous non seulement nous raconte, mais nous rapproche et nous interconnecte dans nos sentiments et nos émotions.

Que représentent l’écriture et la lecture pour vous ?

Bien qu’usant du même support, ce sont finalement deux activités très distinctes pour moi. La lecture est – c’est un cliché très usé mais qui reste vrai – une évasion. Ça en a été le but premier durant toutes les plus jeunes années de ma vie. Et puis peu à peu est aussi venu la recherche de la belle Lettre, de la stylistique, celle discrète qu’on peut trouver chez une Véronique Ovaldé ou un Graham Joyce. Je n’aime pas l’exercice de style pour l’exercice de style, cependant. La littérature, c’est un équilibre fragile entre contenu et style.

Quant à la l’écriture… c’est une meilleure ennemie, peut-être. Une pensée obsédante, une impulsion souvent douloureuse, dévoreuse de temps, qui coûte cher en énergie, mais comme une impulsion nécessaire malgré tout. Beaucoup d’auteurs parlent de phénomène de catharsis, je les rejoins.

Parlez-nous des villes que vous avez visitées et qui ont laissé une remarquable trace dans votre parcours artistique.

Mon mari est architecte, donc visiter des villes a une saveur spéciale avec lui. Les cinq villes qui m’ont marquée et inspirée sont Barcelone, qu’on ne présente plus, avec une fascination particulière pour l’œuvre de Gaudi et l’atmosphère du quartier Las Ramblas ; Syracuse en Sicile, une cité antique en front de mer ; Bern, en Suisse, une ville de pierres grises qui surplombe un fleuve et dont tout le réseaux sous-terrain est aménagé, si bien que dans les rues, des portes au sol découvrent des escaliers qui descendent dans la terre et nous amènent vers des boutiques et des restaurants, c’est fascinant. Il y a également Neuchâtel, en Suisse également, une ville de pierre dorée en bordure du grand lac du même nom. Et pour terminer, la ville de mon cœur, Édimbourg. J’ai le sentiment d’être à la maison, là-bas. J’y ai situé l’un de mes romans (De toute mon âme, Ed. Milady, 2016).

Toutes ces atmosphères créent des tableaux dans mon imaginaire, que j’ai ou vais retranscrire dans mes écrits, à travers des vues, des sensations, mais aussi la culture de ces lieux.

Que représente la beauté pour vous ?

La beauté est la nourriture première de notre corps émotionnel. Nous entourer de beauté est un devoir envers nous-mêmes. L’offrir est un cadeau précieux.

Parlez-nous des livres /films que vous avez déjà lus / vus et qui ont marqué vos pensées.

Il y en tellement… Au cinéma, je note Collateral Beauty, Je vais bien, ne t’en fais pas et Arrival, 3 coups de cœur plus ou moins récents. En parler me prendrait des heures. Je suis sensible au scénario en particulier, bien entendu, puisque c’est l’une de mes spécialisations, mais la caractérisation des personnages et leur incarnation, les musiques et les sons, les lumières et les ambiances me transcendent. Je suis de plus en plus en recherche d’un cinéma authentique, quand on sent que les artistes n’ont pas été bridés dans leur art par des contraintes commerciales. À ne pas confondre avec les contraintes budgétaires, d’ailleurs. Les contraintes budgétaires peuvent pousser des artistes à se dépasser et servir leur art, des contraintes commerciales, c’est-à-dire faire en sorte que le plus grand nombre possible adhère, les étouffent la plupart du temps.

Quant aux livres… Qu’il est dur d’en sélectionner seulement quelques-uns ! Je peux tout de même parler de « Lignes de vie » et « Les Limites de l’enchantement », de Graham Joyce que j’ai cité plus haut. Deux romans phénoménaux en terme de caractérisation des personnages, de retranscription d’une époque, et d’introduction d’un fantastique saisissant façon Maupassant. Je ne peux que citer également la très volumineuse série du Cercle de Pierre, de Diana Gabaldon, une excursion dans le 18e siècle du point de vue d’une héroïne provenant du milieu du 20e siècle au sortir de la guerre.

Parlez –nous de vos projets culturels /Artistiques à venir.

Je travaille actuellement activement à l’entrée en production de mon premier long-métrage en tant que scénariste, en binôme avec le réalisateur suisse Antonio Petrone, récemment acclamé par la critique internationale pour son dernier court-métrage, « Swann ». Ce long, « If I Ever Fall », est un road trip aux États-Unis ou deux bandes d’amis, des Françaises et des Italiens, se rencontrent. Au-delà d’une romance entre les deux protagonistes, le film aborde les sujets très actuels de la santé mentale, et nous parle de ce qu’il est bon de préserver plutôt que sacrifier au succès dans une société de plus en plus exigeante : la famille, les petits plaisirs de la vie, faire ce qui nous rend vivants même et surtout si c’est pour soi seulement et non pas pour être acclamé. Au niveau littérature, je prépare les tomes 2 et 3 de ma série d’Urban Fantasy : L’Immortelle, et en parallèle et en fonction des envies, les « épisodes » de la série « Sur la route ».

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