La Cour Pénale Internationale, instance chargée de juger les personnes accusées de crime de guerre et de crime contre l’humanité, traverse la plus grave crise de son existence. En effet, alors qu’après le Burundi et l’Afrique du Sud, la Gambie avait annoncé le 26 Octobre dernier son intention de quitter cette instance, que le Kenya, la Namibie, l’Ouganda et le Soudan entendent gonfler incessamment les rangs des insurgés voilà qu’une grande puissance telle la Russie s’y met elle aussi.
Ainsi, c’est la Russie, qui bien que n’ayant jamais ratifié le statut de Rome, traité fondateur de la Cour Pénale Internationale, a annoncé, ce mercredi 16 novembre, que le Président Poutine a signé un décret portant « sur l’intention de la Russie de ne pas être Etat partie au statut de Rome de la Cour pénale internationale» reprochant à cette dernière de n’avoir «pas été à la hauteur des espoirs qui ont été placés en elle» et de n’être pas parvenue à devenir «une institution véritablement indépendante et faisant autorité en justice internationale».
La diplomatie russe reproche, également, à la Cour Pénale Internationale, son coût exorbitant puisqu’en plus de quatorze ans d’existence, elle n’a prononcé que quatre verdicts alors qu’elle aurait dépensé plus d’un milliard de dollars. Mais là n’est pas le plus important car la goutte qui a réellement fait déborder le vase russe c’est que, selon Moscou, ladite Cour se serait surtout «focalisée sur les crimes supposés commis par les milices ossètes et les troupes russes en Géorgie» lors de la guerre qui, en 2008, avait opposé les deux pays et qu’elle aurait sciemment ignoré ceux perpétrés par les troupes géorgiennes.
Il convient de rappeler, également, que la CPI avait annoncé son intention de diligenter, à la fin du mois de Janvier 2017, une enquête sur la guerre russo-géorgienne, sur le soulèvement pro-européen du Maïdan en Ukraine et sur le conflit qui s’en est suivi dans l’est du pays au cours duquel Moscou avait été accusée de soutenir les séparatistes pro-russes.
Autant de raisons qui font que la Russie préfèrerait quitter une instance désormais «peu crédible» à ses yeux et qui font dire à la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, que Moscou n’a «plus aucune obligation» envers La Haye puisqu’elle n’était pas membre de la CPI. Et la diplomate russe de rappeler, qu’à l’instar de 31 autres Etats dont les Etats-Unis et Israël, la Russie n’était pas «membre de la CPI» et de poursuivre en précisant « nous avions signé le statut mais ne l’avions pas ratifié. Désormais, nous retirons notre signature et les obligations qui étaient liées à cette signature sont donc aussi retirées».
Enfin, au vu de ces nombreuses défections et des Etats qui ont choisi de quitter délibérément l’instance pénale internationale, ne serait-il pas permis de dire que ces rétractations ne seraient, en somme, qu’une manière déguisée adoptée par certains pays pour se mettre à l’abri d’une instance juridique qui, selon son préambule, est là pour juger «les crimes qui défient l’imagination et heurtent profondément la conscience humaine» tels les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ou encore les génocides étant donné que s’ils ne font plus partie de la CPI, cette dernière ne peut pas les poursuivre sauf accord express donné par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies ; ce qui n’est pas chose aisée tant que les Etats dits «permanents» peuvent faire jouer leur «droit de véto» quand bon leur semble et au gré de leurs intérêts du moment ?
Nabil El Bousaadi