Attendons pour voir…
Après la dénonciation, par de nombreuses chancelleries, du scrutin du 15 mars dernier à l’issue duquel le président russe Vladimir Poutine, 71 ans, a été reconduit pour une cinquième législature en recueillant 88,5% des suffrages exprimés, la cérémonie d’investiture y afférente, prévue pour le 7 mai, a été boycottée par l’immense majorité des pays occidentaux et par l’opposition russe – si tant est qu’elle existe encore à travers quelques éléments disséminés en Europe notamment – dès lors qu’au cours de cette manifestation c’est Vladimir, le président sortant, qui va remettre à Poutine, le président élu, le témoin qui lui permettra de continuer à exercer, jusqu’en 2030, ce pouvoir qu’il détient depuis près d’un quart de siècle.
Mais les choses ne se sont pas arrêtées là car la veille, la tension est montée d’un cran entre la Russie et ces chancelleries occidentales qui ont menacé « d’envoyer des contingents armés en Ukraine, c’est-à-dire de placer des soldats de l’OTAN face à l’armée russe » au grand dam du Kremlin.
En réponse, Moscou a annoncé le lancement imminent de manœuvres militaires – avec des exercices nucléaires – non loin de l’Ukraine et convoqué, lundi, et pour la troisième fois cette année, l’ambassadeur de France à Moscou, Pierre Lévy, pour « explications.
Mais, en considérant, pour sa part, que le ministère russe des Affaires étrangères s’est, de nouveau, livré à une inversion des responsabilités en cherchant à accuser les pays occidentaux de menacer la Russie alors que cette dernière mène, depuis plus de deux ans, une guerre d’agression contre l’Ukraine au mépris du droit international », le Quai d’Orsay a publié un communiqué dans lequel il affirme que «la France constate que les canaux diplomatiques sont, une nouvelle fois, détournés à des fins de manipulation de l’information et d’intimidation».
Mais le comble, dans tout ça, c’est qu’au lieu de rester ferme sur sa position de dénonciation du 5ème mandat de Poutine, Paris a permis à son ambassadeur à Moscou d’être le seul diplomate d’un pays du G7 présent à cette manifestation et d’y représenter, par la même occasion, l’Union européenne au même titre que les ambassadeurs de Hongrie et de Slovaquie, alliés inconditionnels de la Russie, ainsi que ceux de Malte, de Chypre et de la Grèce et ce, au moment-même où, pour marquer sa condamnation des cyberattaques attribuées à la Russie, l’ambassadeur de l’UE en Allemagne est resté chez lui et que Berlin a même rappelé son ambassadeur à Moscou pour consultation.
Or, quand on sait que la France ne cesse de plaider pour l’unité européenne, le moins que l’on puisse dire c’est que la présence de son ambassadeur à cette cérémonie d’investiture est une flagrante « erreur diplomatique » et une « confirmation » de la division notoire qui affecte les Etats européens ; ce que les médias d’Etat russes se sont vite fait un malin plaisir de souligner dans leurs éditoriaux.
La présence de l’ambassadeur français à cette nouvelle cérémonie d’investiture du président Poutine a donc de quoi surprendre à plus d’un titre car après que la France ait reconnu, à l’instar de la majorité des pays occidentaux, que les électeurs russes avaient été privés d’un véritable choix en déclarant que ce scrutin s’était déroulée dans des conditions anti-démocratiques et carrément « répressives » et que, la veille, l’ambassadeur de France à Moscou avait été convoqué au ministère russe des Affaires étrangères pour se voir reprocher la politique « provocatrice » des autorités françaises, il est carrément « surprenant », voire même « inconvenant », de voir ce dernier honorer de sa présence une cérémonie d’investiture contestée par la plupart des alliés de Paris mais attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi