Entretien avec le Dr Moussayer Khadija (Virologue)
Propos recueillis par Karim Ben Amar
Tout le monde en parle. Voilà près d’une semaine que le sujet de la variole du singe est évoqué dans les JT du monde entier. Et pour cause, plusieurs infections ont émergé dans le monde depuis début mai. Des cas ont été testés positifs au virus dans les 5 continents. La barre des 200 a même été dépassée, puisque à l’heure où nous écrivons ces lignes, le nombre de cas d’infection confirmés s’élève à 219, hors pays où le virus est endémique. Après la Covid-19 (toujours d’actualité), et son lot de restrictions, personne n’ose croire à une nouvelle batterie de mesures pour endiguer un quelconque virus. Cependant, cette maladie zoonotique nous impose de nombreuses questions. Qu’est-ce que la variole du singe ? Au Maroc, doit-on s’inquiéter de sa propagation ? Quelles sont les symptômes et comment se protéger de cette maladie virale ? Existe-t-il un vaccin contre ce virus ? Pour répondre à ces questions, l’équipe d’Al Bayane a contacté le Dr Moussayer Khadija, spécialiste en médecine interne et gériatrie. La présidente de l’alliance des maladies rares (Maroc) et de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS) nous dit tout. Entretien.
Al Bayane : Qu’est-ce que la variole du singe ?
Dr Khadija Moussayer : Le virus de la variole du singe appartient à la même famille que celui de la variole humaine, éradiquée depuis quarante ans grâce à une campagne de vaccination mondiale. C’est un virus qui peut infecter une grande variété de mammifères dont les rongeurs et les humains. Il a été découvert pour la première fois en 1958 et le premier cas humain de variole du singe, a été identifié en République démocratique du Congo en 1970. Le virus est endémique dans certains pays d’Afrique.
Cette maladie est elle contagieuse ?
La maladie est contagieuse. Elle peut être contractée suite à une exposition avec un animal infecté (morsure, griffure, fluides biologiques) ou par la consommation de la viande mal cuite. La transmission inter-humaine est possible, elle se fait principalement par des gouttelettes respiratoires et nécessite un contact face à face prolongé. On peut également se contaminer au contact de l’environnement du malade (literie, vêtements, vaisselle, linge de bain). Le risque de contagion de la variole du singe est très faible dans la population en général mais élevé chez les personnes ayant plusieurs partenaires sexuels.
Au Maroc, doit-on s’inquiéter de la propagation de ce virus ? Et comment s’en protéger ?
Il s’agit de la plus grande épidémie de variole du singe jamais observée hors d’Afrique. Des cas ont été observés dans plusieurs pays à travers le monde. La situation actuelle n’est pas inquiétante car aucun cas grave n’a été recensé pour le moment et cette maladie est peu transmissible. Néanmoins, si le virus mute et devient aussi transmissible que la variole humaine, cela peut donner de très grandes épidémies. Mais ce n’est pas ce qui est constaté avec les souches en circulation.
Pour s’en protéger, on recommande de rompre les chaines de transmission en isolant les patients et de vacciner les adultes ayant été en contact avec une personne infectée.
Quels sont les symptômes ? Et que faire en cas d’apparition ?
Les symptômes apparaissent après une phase de latence de 6 à 16 jours après l’infection. Ils commencent par une fièvre, souvent forte, accompagnée de maux de tête, de douleurs musculaires et de courbatures. Par la suite, survient une éruption cutanée faite de boutons remplis d’un liquide blanc se développant sur le corps de la personne infectée, notamment au niveau du visage, les paumes des mains et les plantes des pieds. Certains patients présentent aussi des ganglions sous la mâchoire. La maladie, généralement bénigne, guérit le plus souvent spontanément, au bout de deux à trois semaines.
Existe-t-il un vaccin contre ce virus ?
Aucun traitement ou vaccin spécifiquement axé sur la variole du singe n’a été développé. On utilise pour le moment le même vaccin que celui contre la variole humaine. Une vaccination massive n’est pas à l’ordre de jour, on vaccine plutôt les cas confirmés et leur contact. Le vaccin contre la variole utilisé est celui dit de troisième génération, administré idéalement dans les quatre à quatorze jours après le contact à risque. Deux doses sont nécessaires, espacées de vingt-huit jours. L’immunité contre la variole procure également une bonne immunité contre la variole du singe, même si cette dernière est beaucoup moins dangereuse que la variole humaine.