Aux affres que suscite l’envolée des prix en général et ceux des carburantsen particulier, s’est ajoutée la hausse annoncée du prix du mouton du sacrifice à l’occasion de Aïd Al Adha.Qui vivra verra pour les vacances estivales qui ne sont pas encore à l’ordre du jour !
L’engouement des marocains pour cette fête religieuse, malgré qu’elle ne soit pas obligatoire puisque « sounna mouakkada », relève du fait qu’elle est familiale. Le regroupement de l’ensemble des membres d’une famille constitue un élément de la fête ; à tel point que l’on peut affirmer que sans lui, la fête n’aura pas lieu.Cela augmente la demande en services de transport à travers le royaume ; et là aussi les prix s’affolent.
De mémoire, cette grande fête n’a pas été célébrée suite à la contrainteà l’exil de Feu S.M. Sidi Mohammed Ben Youssef ; exercée par le protectorat la veille de l’Aïd al Adha, en août 1953. Manifestation de solidarité et de tristesse du peuple marocain avec son Sultan qui fera date sous l’appellation de « Révolution du Roi et du peuple ».
Sous le règne de Feu S.M. Hassan II, les festivités de l’Aïd al Adha ont été annulés pour des raisons économiques défavorableset un troupeau affaibli en 1963 ; puis en 1981, alors que le pays connaissait « une détérioration prononcée des équilibres internes et externes » allant conduire au fumeux « plan d’ajustement structurel » dont les résultats cumulés, et in fine, ont appelé à « un nouveau modèle de développement ». La troisième fois où les marocains ont été appelés à ne pas effectuer le sacrifice d’Ibrahim a été en 1996, suite à une sécheresse catastrophique.
La fête du sacrifice du mouton ne constitue plus, pour la plupart des marocains, une raison pour manger de la viande. Elle est toutefois l’occasion de consommer de la viande ovine que des facteurs socioéconomiques, voire relevant de la médecine, ont contribué à la baisse de sa demande au profit de la volaille et de la viande bovine.En dehors de l’événement, et par leur prix élevé, le poisson et les produits de la mer restent en dehors du panier si l’on peut dire.
En plus de l’Aïd, le mouton reste associé beaucoup plus que d’autres ruminants aux événements marquants : mariages, dation du nom, circoncision, … ou d’autres occasions spéciales. Et un méchoui suscite toujours de la convivialité et du partage…
Rituel religieux, l’Aïd al Adha est l’occasion de faire bombance, il est aussi l’occasion recommandée de procéder à des actes de solidarité envers ceux et celles qui n’ont pas les moyens de sacrifier.
Jour de fête certes, mais aussi journée laborieuse surtout pour les femmes, car le ménage n’en finit pas et les assistantes prennent leur congé. La tendance est ainsi apparue d’aller le fêter en touriste dans un établissement hôtelier qui assure le confort et le menu. Enfin, une minorité est démotivée par rapport à l’événement et en profite pour aller se voir ailleurs.Encore faut-il en payer le prix !
La victime de l’Aïd al Adha est généralement un mouton. Un bélier avec des cornes et qui répond à certaines conditions physiques pour que le sacrifice soit validé. Que d’anecdotes aient été produites sur cet ovin nécessaire, paraît-il (?) à la paix des ménages.Les caprins, les camelins et lesbovins sont sacrifiés en fonction des régions, des territoires et des familles.
L’opportunité pour le métier de boucher est grande en ce jour.Pratiqué en équipe dont les membres ne sont pas tous formés pour la besogne, il est sollicité dans la rue, sur recommandation du voisin ou au hasard des rencontres. De l’informel qui s’impose…
En ce jour de fête, l’hygiène parfois en pâtit suite à l’amoncellement des déchets malgré les efforts des jeunes du voisinage qui se mobilisent pour l’environnement.
L’Aïd al Adha a aussi ses traditions culinaires, dès le petit déjeuner jusqu’à la mise en morceaux de la carcasse. Il s’accompagne aussi de manifestations folkloriques, survivances carnavalesques, où les peaux et les masques permettent l’expression corporelle et revendicative.
Le pelage et le cuir qui le supporte n’ont plus la même valeur d’antan pour des raisons socioéconomiques, suite à la concurrence et au défaut de valorisation.
Jour béni pour toutes les festivités qui l’accompagnent, il résiste aux transformations de la société marocaine où la famille se nucléarise, le logement se verticalise, le dirham se volatilise et où les inégalités sociales se creusent.L’usage du crédit pour l’achat du mouton est apparu pour répondre aux besoins des ménages qui en éprouvent la nécessité. Si cela soulève quelques polémiques, il reste qu’à force de consommer en augmentant sa dette, on perd de sa souveraineté. C’est valable autant pour les personnes que pour l’Etat. L’Aïd est de retour … mais dans quelles conditions ?