Condamné le 7 Avril 2018 à huit ans et dix mois d’emprisonnement pour corruption, l’ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) a été libéré, ce vendredi, après que la veille la Cour Suprême du Brésil ait ouvert la voie à cette remise en liberté au motif qu’en application des dispositions constitutionnelles, personne ne devrait être incarcéré avant épuisement de toutes les voies de recours.
Entériné par six voix contre cinq, l’arrêt rendu jeudi, par la plus haute juridiction du pays, devrait profiter à quelques 5.000 prisonniers outre Lula qui «n’est que l’un d’entre eux» même s’il reste le plus célèbre a tenu à préciser Heloisa Estellita, professeure de droit à la Fondation Getulio-Vargas qui déplore, par ailleurs, le fait que la presse soit «en train de délégitimer ce verdict, crucial pour la consolidation démocratique, en donnant à croire qu’il a été taillé, sur mesure, pour lui (Lula)».
Lula qui a donc quitté ce vendredi soir sa cellule après avoir reçu de très nombreuses marques de soutien de la part des dirigeants latino-américains de gauche, est sorti à pied des locaux de la police fédérale de Curitiba en déclarant, le poing levé et entouré de ses partisans: «Je sors d’ici sans haine et sans rancune» en prenant bien soin de dénoncer, au passage, «la partie pourrie de la Justice qui a voulu (le) criminaliser et criminaliser la gauche».
Mais si le leader de gauche avait toujours dit qu’il ne voulait pas sortir de prison sans que ne soit reconnue son innocence, force est de reconnaître, toutefois, que la liberté qu’il a arrachée ce vendredi reste, tout de même, provisoire. Elle ne signifie, en effet, en aucune manière qu’il ait été «blanchi» dès lors que, d’une part, il reste inculpé dans sept autres affaires et que, d’autre part, trois instances judiciaires sur les quatre que compte le pays l’ont clairement accusé d’avoir reçu, de la part du géant brésilien des hydrocarbures Petrobras, un triplex en bord de mer en contrepartie de contrats.
Sa situation juridique étant donc extrêmement fragile, le chef historique du Parti des Travailleurs fonde encore tous ses espoirs sur l’annulation pure et simple de la sentence prononcée, le 12 juillet 2017 et sans preuves tangibles, par l’ex-juge Sergio Moro dans le cadre de la tentaculaire opération «Lava Jato» (lavage express). Cette annulation reste, en effet, la seule à même de lever l’inéligibilité qui le frappe jusqu’en 2035 c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge honorable de 89 ans.
Pour rappel, le vent avait tourné en faveur de l’ancien président lorsqu’après avoir pris connaissance de la multitude de messages échangés, à l’époque, entre certains procureurs et le juge Sergio Moro, le site d’investigation «The Intercept» avait jeté le doute sur l’opération «Lava Jato» et principalement sur les accusations portées contre l’ancien président.
Aussi, en pointant du doigt la connivence de l’ancien juge avec le parquet – ce qu’ils n’ont eu de cesse de dénoncer – les avocats de Lula n’avaient pas manqué de rappeler que tous les procès intentés contre leur client étaient entachés d’irrégularité si bien que la Cour Suprême avait consenti, le 10 Juin dernier, à réexaminer la demande de libération du plus célèbre détenu brésilien.
En prenant donc, ce vendredi, une décision conforme à la loi et en annulant celle qu’elle avait retenue précédemment et qui avait permis au juge Sergio Moro et à certains procureurs de jouer sur la popularité de la lutte contre la corruption qui gangrène tout l’édifice politique brésilien en appliquant la mise aux arrêts anticipés pour arracher des aveux aux accusés, la plus haute instance judiciaire brésilienne a donné un véritable camouflet au juge Moro qui, après avoir fait fi de l’impartialité qui lui échoit à l’effet d’écarter Lula de la course à la présidence de la République alors même que tous les sondages le donnaient favori, avait fini par être «récompensé» en Janvier par l’ancien militaire qui tient, désormais, les rênes du pays en se faisant placer à la tête du ministère de la Justice.
«Je suis libre et je veux aider à libérer le Brésil de cette folie» a déclaré l’ancien président Lula pour lequel la «folie» dont il parle est bien l’extrême-droite qui gouverne, désormais, le pays mais pour laquelle la donne a vraiment changé avec le retour sur la scène politique du dirigeant historique du Parti des Travailleurs.
Enfin, l’ancien homme fort du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva, parviendra-t-il à rassembler, autour de lui, tous les ennemis de la dictature militaire ? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi