L’Art du Beldi : un joyau du patrimoine musical du Tafilalet

Mohamed Nait Youssef

L’art du Beldi, également connu sous le nom d’Aïta Filalia, est l’une des expressions orales les plus emblématiques de la région du Tafilalet et l’une des composantes majeures du patrimoine musical millénaire du Maroc. Profondément ancré dans la culture de Tafilalet, ce genre artistique ne cesse de séduire un large public, transcendant les générations et les couches sociales, toutes catégories confondues. Il va sans dire que le Tafilalet, connu pour sa diversité artistique et culturelle, regorge d’autres formes d’expression artistique, telles que le Melhoun et l’Ahidous. Ces arts, tissés ensemble, composent une mosaïque culturelle d’une richesse exceptionnelle, témoignant de la profondeur et de l’authenticité du patrimoine poétique et culturel oral de la région.

Célébration de la vie et préservation de la mémoire collective

L’art du Beldi incarne la voix de la population, exprimant à travers la musique son vécu, ses préoccupations, ses émotions et ses aspirations. En effet, c’est à travers cet art que se reflètent la vie quotidienne et l’identité culturelle des habitants de Tafilalet. Authentique et profond, le Beldi se distingue par la beauté de ses paroles poétiques, la diversité de ses inspirations, la richesse de ses rythmes et la singularité de ses mélodies envoûtantes. Au fil du temps, il a résisté aux aléas de la vie tout en préservant son originalité, son essence poétique et sa rythmique.

Aujourd’hui, l’art du Beldi demeure l’un des piliers essentiels du patrimoine artistique marocain, célébrant la vie et préservant la mémoire collective tout en s’adaptant aux défis de la société contemporaine. Des figures emblématiques telles que Cheikh Mohamed Baout, Aïcha Zaqoud, Moulay Ali Belmesbah, Aroub Ould Allou, Mouloud Lkaoui, Youssef Bouri, Rakou Dib, Mouloud El Meskaoui et Abdallah Zanbil figurent parmi les précurseurs de cet art unique, reconnu par l’Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ISESCO) comme un patrimoine immatériel purement marocain.

Un art enraciné dans le terroir et l’histoire

L’art du Beldi est profondément ancré dans la culture et l’environnement oasiens du Tafilalet. Né du Malhoun, il a véritablement affirmé son identité artistique dans les années 1940, porté par des figures emblématiques comme Mohamed Baout, considéré comme un pionnier de sa modernisation, ainsi que Aroub, Moulay Ali El Masbah, Abdelkader Rajdali (Quider), Tazimi et Belkabir, sans oublier les maîtres du Jorf, parmi lesquels El Hachimi Karoumi , Ahmed Belkhir, El Hachimi Laâmimi et d’autres noms de renom.

Au fil des années, grâce à un héritage culturel foisonnant et à une évolution constante, le Beldi s’est imposé comme un pilier majeur du patrimoine oral du Tafilalet et au-delà. Aujourd’hui, il incarne à la fois la richesse du passé et la vitalité du présent, perpétuant une tradition artistique qui continue de captiver divers publics et d’inspirer des générations d’artistes émergents.

Sonorités envoûtantes, paroles profondes…

Les rythmes de l’art du Beldi sont portés par des artistes talentueux utilisant des instruments de percussion traditionnels, tels que l’oud, la darbouka, la tarra, le kllal, la taârija, le sintîr et le karkach… Ces instruments confèrent à la musique du Beldi une particularité envoûtante et originelle. Les rythmes et percussions, aux sonorités variées et mélodieuses, insufflent une énergie rythmique et électrique captivante.

Les paroles du Beldi, bien que d’apparence simple, regorgent d’une profondeur de sens et d’émotions humaines. Souvent improvisées, elles reflètent les joies, les peines, les préoccupations et le vécu des populations des régions oasiennes. Accessibles à tous, ces paroles sincères font du Beldi un art populaire et vivant, ancré dans le quotidien tout en incarnant l’âme et l’authenticité de la culture oasienne.

Des thèmes universels et profondément oasiens

Les thèmes abordés dans l’art du Beldi sont à la fois universels et profondément ancrés dans l’environnement oasien. La nature, la femme, l’oasis, l’amour, la résilience, la beauté, la vie et la nostalgie donnent à cette expression artistique une résonance singulière. Traités avec poésie et rythme, ces thèmes donnent au Beldi une dimension universelle tout en préservant l’authenticité de son héritage culturel.

La Maya, l’ambassadeur du Beldi

La « Maya», moment musical expetionnel de l’art du Beldi, incarne un rituel de danse et de partage. Magique. Elle entraîne les danseurs et les amoureux de cet art dans une ambiance joviale, dynamique et captivante. Ce temps musical fort, où les corps et les esprits se fondent dans la musique, dépasse la simple danse pour devenir une célébration de la vie à travers les paroles poétiques, les rythmes et les mouvements.

Aujourd’hui, la «Maya» est un véritable ambassadeur culturel du Beldi, dépassant les frontières locales et contribuant à la diffusion de cet art bien au-delà du Tafilalet.

Entre tradition et modernité

L’art du Beldi continue de rayonner au Maroc et à l’étranger, naviguant entre tradition et modernité. Des artistes comme Salem El Jorfi, Mih, El Khadir, El Kamar, Abderrahmane Khatari et tant d’autres perpétuent cet art dans ses formes traditionnelles, tandis que d’autres, tels que Moulay Cherif El Hamri, Abdellah Hami, Mouloud Meskaoui, Mohamed Jilali et Mustapha Laânan, explorent de nouvelles techniques et instruments modernes.

En introduisant des instruments comme la guitare, le piano et les boîtes à rythmes, ces artistes insufflent un souffle nouveau à cette tradition musicale, tout en respectant son âme poétique et artistique. Ainsi, le Beldi demeure un art vivant, capable d’évoluer sans jamais perdre son essence, continuant de captiver et d’inspirer les générations futures.

À Erfoud, un festival dédié à l’art du Beldi

À Erfoud, dans la province d’Errachidia, le Festival National de l’Art du Beldi et du Patrimoine s’impose comme un événement culturel majeur dédié à la célébration et à la préservation de cet art ancestral. Organisé par l’Association Sebbah pour l’Art et la Culture, ce festival œuvre pour la sauvegarde et le rayonnement du Beldi, un style musical reconnu par l’Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ISESCO) comme patrimoine immatériel purement marocain.

L’une des missions phares de cette manifestation annuelle est de valoriser l’art du Beldi en lui assurant une ouverture sur son environnement à la fois régional, national, continental et international.

À travers des performances artistiques, des tables rondes et des ateliers, le festival met en lumière la richesse de cet héritage culturel tout en favorisant les échanges et les collaborations entre artistes, chercheurs et amateurs de musique traditionnelle.

En réunissant des figures emblématiques du Beldi et des talents émergents, le festival d’Erfoud contribue à perpétuer cette tradition musicale tout en l’adaptant aux réalités contemporaines. Il offre ainsi une plateforme unique pour découvrir et apprécier la beauté des mélodies, des rythmes et des paroles poétiques qui font du Beldi un art intemporel et universel.

Top