Jeûne du mois de Ramadan et maladies cardiaques
Ouardirhi Abdelaziz
Le jeûne pendant le mois sacré de Ramadan apporte de nombreux bienfaits spirituels, mais il est important de noter que cela peut affecter la santé des personnes souffrant de problèmes de santé. Pour les patients atteints de maladies cardiovasculaires, le jeûne peut aggraver leur état de santé et entraîner des complications secondaires plus ou moins graves. Nous avons demandé l’avis du professeur Ahmed Bennis, cardiologue, pour en savoir plus sur le jeûne de Ramadan et ses effets sur les maladies cardiovasculaires.Haut du formulaire
Des bienfaits sur le corps
Avant de parler du jeûne de Ramadan et les maladies cardiovasculaires, on se doit de rappeler ici pour nos lecteurs que le jeûne de Ramadan a énormément de bienfaits sur le corps et partant sur la santé, mais aussi sur l’esprit, et le bien-être de ceux qui le pratiquent.
Les bienfaits du jeûne ont un impact considérable sur la purification de l’âme, l’affinement des mœurs et la consolidation de la condition physique.
Il aide à parfaire ses facultés de patience, à augmenter ses capacités à résister aux accoutumances de toute nature. Concernant les bénéfices pour l’organisme, certains paramètres s’améliorent, c’est notamment le cas des globules rouges, les plaquettes, les globules blancs. Le jeûne de Ramadan augmente aussi le bon cholestérol, comme il réduit le cholestérol total et les triglycérides, comme il réduit aussi la glycémie, et fait perdre du poids, baisse la pression de la tension systolique. Le jeûne renforce aussi les moyens de défense de l’organisme ….
Tous ces bienfaits sont connus et corroborés par plusieurs études, c’est d’autant plus vrai pour les sujets jeunes en bonne et parfaite santé.
Quid des malades cardiaques ?
Par contre, pour les personnes qui souffrent d’insuffisance cardiaque, c’est à dire celles et ceux dont le cœur n’est plus capable d’assurer un débit de sang suffisant pour couvrir les besoins du corps en oxygène, d’abord en cas d’effort puis même au repos.
Dans de telles situations, ces troubles du cœur vont avoir des conséquences sérieuses, des répercussions sur plusieurs organes de l’organisme. Surtout qu’il n’y a pas une seule maladie, mais plusieurs formes de pathologies cardiaques ou vasculaires, qui ont des causes et des effets sur la santé très différents les unes des autres.
Face à de tels patients, et après avoir posé son diagnostic, évalué la situation, identifié les causes et les risques, le médecin traitant (le cardiologue) prescrit à son patient plusieurs types de médicaments ,qui doivent être pris à des heures fixes pour éviter des complications.
Il faut rappeler ici que s’abstenir de manger et de boire pendant plus de 16 heures en journée est incompatible avec la prise de médicaments prescrits, qui dans la majorité des cas doivent être pris par le malade à des horaires précis, comme c’est le cas pour certaines maladies cardiaques.
L’avis éclairé du spécialiste
Face à tous ces problèmes qui souvent représentent un tracas pour le malade et sa famille, nous avons cherché à en savoir plus sur le jeûne de Ramadan et les maladies cardiovasculaires, et quoi de plus si ce n’est l’avis d’un spécialiste en cardiologie.
De prime abord, le professeur Ahmed Bennis, spécialistes des maladies cardiovasculaires, que nous avons contacté en ce sesn, a tenu à rappeler et à préciser que scientifiquement, la pratique du jeûne du mois sacré de Ramadan entraine des effets positifs sur l’état de santé des individus. Les effets positifs concernent la tension artérielle, la glycémie, le cholestérol, l’immunité, le poids, le système vasculaire.
A la question de savoir si le jeûne du mois de Ramadan est incomptable avec les maladies cardiovasculaires, et partant si tous les malades souffrant de pathologies cardiaques sont exemptes médicalement parlant de pratiquer le jeûne de ce mois sacré, le professeur Ahmed Bennis, apporte les précisions suivantes :
Ceux qui peuvent jeûner
Il faut faire la distinction entre les maladies cardiovasculaires qui sont stables et celles qui ne le sont pas, c’est-à-dire instables.
En ce qui concerne le volet relatif aux patients cardiaques suivis, sous traitements , il y a ceux qui sont autorisés par leur médecin traitant pour pratiquer le jeûne de Ramadan sous contrôle médical, et ceux qui ne doivent pas, qui ne peuvent pas jeuner.
Parmi les malades cardiaques qui peuvent jeûner après avis de leurs médecins, il y a les patients qui ont une insuffisance cardiaque compensée qui répond très bien au traitement, ceux qui ont eu un infarctus du myocarde ancien, les valvulopathies stables.
S’agissant des patients qui ont une hypertension artérielle stabilisée, et si ces nécessitent une seule prise médicamenteuse, mono-thérapeutique par jour, ou ceux qui présentent une hypertension modérée, nous conseillons la pratique du jeûne, car il y a un effet bénéfique du jeûne sur la pression artérielle.
Les malades cardiaques qui ne peuvent pas jeûner
Ceci étant dit, il reste à savoir qui sont les malades qui ne peuvent pas jeûner ?
Le professeur Ahmed Bennis, nous explique que ce sont les malades qui ont un infarctus du myocarde ( destruction partielle du muscle cardiaque, due à l’obstruction d’une artère qui alimente le cœur en sang, et donc en oxygène) récent de moins de 6 mois à un an. Les malades à qui on a fait un cathétérisme pour déboucher les artères coronaires et qui doivent s’abstenir de jeûner au moins pendant une année. Les malades victimes d’un AVC- accident vasculaire cérébral- avec hémiplégie, ceux hypertendus dont la tension reste instable même sous traitement. Les patients qui souffrent de troubles du rythme cardiaque et de valvulopathies, les malades insuffisants cardiaques dont le cœur ne fonctionne pas bien, qui présentent des douleurs thoraciques à la marche, des dyspnées. Tous ces malades doivent suivre les conseils du médecin traitant, ils ne doivent pas prendre le risque d’un jeûne trop rigoureux ou prolongé. Il faut faire preuve de prudence, savoir raison garder. Ces malades se doivent d’être particulièrement vigilants pour ne pas mettre leur santé en péril.
Encore une fois de plus, il ne faut pas hésiter à demander des éclaircissements, des informations à votre médecin, même par téléphone. Il est le mieux placé pour vous conseiller, vous orienter. En tout état de cause, si l’état de santé du malade nécessite plus de deux prises de médicaments dans la journée, il ne doit pas jeûner.
Des risques avérés
Malgré tous nos conseils, nos mises en garde, de nombreux malades cardiaques polymédiqués, affaiblis s’obstinent à pratiquer le jeûne de Ramadan malgré leur état de santé. Malheureusement, nombreux sont les malades qui se retrouvent aux urgences, en réanimation pendant le mois sacré. La grande majorité de ces malades souffrent de problèmes de santé directement liés au jeûne et à la prise incorrecte de leurs médicaments. C’est notamment le cas des diabétiques qui arrivent en hypo ou hyperglycémie, certains sont admis dans un état comateux, et parfois le pire peut arriver…
Des conseils très utiles
Mes conseils pour les malades cardiaques qui sont autorisés à pratiquer le jeûne de Ramadan, consistent à dire qu’il est très important de suivre le traitement prescrit par le médecin, que les différents médicaments doivent être bien repartis après la rupture du jeûne (iftar ). Il y a des médicaments qui doivent être pris deux fois après la rupture (après Iftar et après Shour).
Les malades doivent bien s’hydrater (boire) après le Ftour, boire plusieurs fois au moins un litre et demi, afin d’éviter des atteintes rénales, surtout chez les personnes qui sont sous traitement diurétique.
Les malades doivent contrôler leurs poids et noter toutes les anomalies qui doivent faire l’objet d’une visite chez leurs médecins spécifiques. Dans les cas de figure, il faut savoir que le jeûne du Ramadan n’est pas un facteur aggravant chez des patients hypertendus ou cardiaques, à condition que leurs maux soient bien contrôlés et stabilisés.
Au contraire, le jeûne semble même avoir un effet bénéfique chez beaucoup de patients. Cependant, compte tenu des grandes variations individuelles, il est souhaitable pour tout patient cardiaque, de demander conseil à son médecin.