L’avocat (non l’Homme en robe noire, mais la baie !)

Autrement dit

par Mustapha Labraimi

L’été touche à sa fin ; et autant les esprits que les yeux se tournent vers le ciel pour la clémence des premières pluies.

En plus de ses conséquences économiques, particulièrement sur le PIB agricole remarquable par son inconstance, une année de sécheresse laisse des traces dans le vécu des personnes et dans la nature.

Notre beau pays, caractérisé par sa variabilité climatique et un cycle d’aridités reconnu depuis fort longtemps, a subi une sécheresse plus que sévère cette année.

Elle s’est manifestée, entre autres, par un abaissement du niveau des retenues des barrages, attirant l’observation et menaçantla disponibilité de la ressource hydrique dans tous ses usages.

Cet impact a induit des interpellations sur les objectifs de la pratique agricole dans le royaume, entre une agriculture dédiée à l’export, pourvoyeuse de devises, et une agriculture répondant en premier lieuà la sécurité alimentaire de la population ; une sécurité indépendante autant des aléas climatiques que des risques inhérents à l’approvisionnement en relation avec les contraintes que peut subir le marché mondial des denrées alimentaires.

Ce débat, qui n’est pas nouveau, a accompagné les choix effectués par les gouvernants pour transformer le monde rural depuis l’indépendance. Il s’est actualisé à la suite des conséquences de la pandémie de la covid-19 et du conflit en Ukraine, par la hausse des prix et les difficultés de l’approvisionnement.

Bien avant et après l’indépendance, par une politique de classe, la grande hydraulique et les périmètres irrigués ont été favorisés au bénéfice d’un capitalisme citadin, encouragé à agrandir son patrimoine sans contribution fiscale sur les revenus engrangés, et ce, aux dépens des larges masses rurales laissées dans la débrouille des terres cultivées à sec et dontles structures foncières archaïques étaient détériorées par l’héritage, entre autres facteurs.

Actuellement, et même s’il s’affirme, de plus en plus, que dans notre pays « la souveraineté alimentaire nécessite une agriculture privilégiant d’abord les cultures vivrières », les investissements de l’Etat restent orientés vers le renforcement du business agraire par des subventions, diverses et substantielles, pour lui permettre d’exporter et de s’enrichir au risque d’accroitre le stress hydrique, de favoriser l’exode des petits paysans, paupérisés et  incapables de subsister par leur labeur, vers la ville et de maintenir la campagne dans une féodalité déguisée.

Il est impératif que la contribution de l’agriculture marocaine à la croissance, par son PIB volatile, se traduise par une amélioration du développement humain paysan. La transformation de la société marocaine dans son ensemble ne peut se réaliser vers la modernité tant que le monde paysan reste dans la marginalité de la consolidation du processus démocratique (malgré son cours méandriforme) dans tous ses aspects.

D’autre part, si l’eau est nécessaire pour toute production ; en agriculture, comme dans les autres activités productrices, son usage à telle fin ou telle autre ne relève pas de la nature du produit, l’avocat en l’occurrence (non l’homme en robe noire, mais la baie !) mais des besoins primordiaux de la population et de son économie. Or actuellement, les céréales constituent la base alimentaire de la majorité de la population du royaume ; alors que l’avocat n’est même pas cité dans le Guide Marocain de Nutrition édité par le Ministère de la Santé !

C’est pour cela que ce fruit cristallise le paradoxe de notre agriculture et se trouve décrié par celles et ceux qui réclament une autre agriculture ; une agriculture non mercantile qui vise à améliorer les conditions socioéconomiques de la paysannerie et qui œuvre au développement rural durable, tout en assurant la sécurité alimentaire de la population dans son ensemble.

En relation avec la réalité des changements climatiques qui s’ajoute au caractère structurel de la variabilité climatique du Maroc, les effets de la sécheresse,à traversses diverses manifestations, vont régir l’offre de biens nécessaires à la vie quotidienne de la population.

Eu égard aux contraintes issues de la géopolitique, l’approvisionnement en ces biens ne peut être assuré avec des prix inférieurs aux prix de la production in situ. Il s’avère donc nécessaire à l’Etat de revenir sur son désengagement dans la promotion d’une agriculture apte à assurer l’autosuffisance alimentaire. Sans laisser choir les exportations,l’agriculture pluviale mérite un intérêt plus important par l’accroissement des investissements nécessaires à son évolution et un encadrement adéquat. C’est alors que la coloration du Maroc par le Vert sera réelle.

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