Le contrat de travail d’étranger

Le choix du Maroc comme pays d’accueil des salariés étrangers ne date pas d’aujourd’hui, car le Maroc a connu une migration internationale diversifiée depuis le siècle dernier. Ainsi, avant l’indépendance, le Royaume était une destination préférée des français et des espagnols.

Aujourd’hui, crise économique et financière l’exige, les cadres européens choisissent le Maroc comme terre d’accueil. A la fin des années 1980, les travailleurs étrangers étaient en majorité des ingénieurs, mais après ils sont de toutes catégories: des ouvriers, des employés, des travailleuses domestiques. Ces salariés choisissent le Maroc comme destination. Cela est dû essentiellement à la stabilité politique du pays, à son ouverture économique, aux réformes que connaît le Royaume dans tous les domaines : le grand port de Tanger, le développement du réseau des autoroutes, les travaux avancés de TGV reliant Tanger à Casablanca, l’aéronautique, les énergies renouvelables, l’industrie automobile …, mais aussi l’aspect sécuritaire, car les étrangers, toute catégorie confondue, cherchent un milieu plus sûr qui leur garantissent de vivre en sécurité à l’abri de toute menace quelle que soit sa nature susceptible de porter atteinte à leurs biens ou à leurs personnes. A ce niveau le Maroc est un pays sûr qui est en mesure de protéger les étrangers qui ont choisi cette destination. En effet, en comparaison avec d’autres pays où la sécurité est quasiment absente : des attentats,  une guerre civile sanglante, le Maroc présente l’exemple du pays capable d’assurer la sécurité par sa lutte efficace contre le terrorisme et toutes formes de criminalité. Le Maroc est donc une vraie aubaine pour les travailleurs étrangers, surtout les jeunes qui trouvent des difficultés pour trouver un emploi chez eux ou pour créer une entreprise, car les charges sont très élevées.

Ces étrangers désireux de travailler au Maroc sont, à l’instar des marocains, soumis à la législation nationale régissant les relations de travail, en l’occurrence, la loi n° 65-99 formant Code du travail. Il y a aussi la jurisprudence qui interprète les textes. Cela nous amène à poser la question suivante : est-ce que la réglementation du travail ne fait aucune discrimination entre un salarié étranger et un salarié Marocain ?

Pour répondre à cette question, nous traitons, d’abord les règles de forme à respecter par l’employeur lors de l’embauche d’un salarié étranger, puis le type de contrat signé par le salarié étranger, qui va nous permettre de vérifier s’il y a une discrimination à l’égard des étrangers.

Les règles à respecter lors de l’embauche d’un salarié étranger

Une société qui désire embaucher un salarié étranger doit observer certaines règles de fond et de forme pour éviter la nullité du contrat. Le but étant de donner la priorité aux nationaux pour diminuer le taux très élevé du nombre des chômeurs au Maroc. L’article 516 du Code du travail dispose en effet que : « Tout employeur désireux de recruter un salarié étranger doit obtenir une autorisation de l’autorité gouvernementale chargée du travail. Cette autorisation est accordée sous forme de visa apposé sur le contrat de travail.

La date du visa est la date à laquelle le contrat de travail prend effet.

Toute modification du contrat est également soumise au visa mentionné au premier alinéa du présent article.

L’autorisation peut être retirée à tout moment par l’autorité gouvernementale chargée du travail. »

L’embauche du salarié étranger est donc soumis à la condition que son contrat de travail doit être homologué parle ministère de l’emploi et de la formation professionnelle  (Direction de travail, service de l’immigration). Cette procédure est postérieure à celle visant à obtenir l’autorisation de travail par l’agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC). Ainsi un arrêté du Département de l’emploi du 9 février 2005 et son annexe du 25 novembre 2005 oblige l’employeur à formuler une demande auprès de l’ANAPEC. Celle-ci publie l’offre d’emploi présenté par l’employeur, prend les candidatures et, en fonction, donne son accord pour l’embauche du candidat étranger.

Pour obtenir l’attestation de l’ANAPEC

* L’employeur doit déposer un dossier qui comprend les éléments suivants :

* Une demande adressée au directeur général de l’ANAPEC. Le but étant d’expliquer pourquoi le recours à la compétence étrangère.

* La publication dans deux journaux francophones et arabophones de l’annonce du poste.

* Dans un délai de 10 jours après l’annonce, l’agence procède au traitement du dossier pour rechercher les profils correspondant au poste vacant. Elle établit après une liste définitive des candidats qu’elle envoie à l’entreprise pour procéder à l’entretien et à la sélection.

* Au cas où personne ne répond à l’annonce du poste, une attestation d’absence de candidats est établie. Un procès-verbal est rédigé et transmis au ministère de l’emploi pour prise de décision.

Cependant, la société est dispensée de faire une demande d’autorisation pour embaucher le salarié étranger dans certains cas. Il s’agit :

De l’hypothèse d’une convention qui lie le Maroc avec un ou plusieurs Etats qui exige le respect du principe de réciprocité. Cela signifie que le Maroc s’engage à garantir l’établissement des salariés étrangers sur son sol à la condition que l’Etat partie à la convention fait de même avec les salariés marocains implantés sur son territoire.

-Les étrangers nés au Maroc résidant d’une manière continue pour une durée d’au moins six mois.

-Les conjoints de ressortissants marocains.

– Les gérants statutaires.

– Les actionnaires de société.

-Les salariés détachés pour une période déterminée auprès de sociétés étrangères.

– Les réfugiés politiques et apatrides.

Les ressortissants de trois pays avec lesquels le Maroc a conclu une convention d’établissement: Algérie, Tunisie et Sénégal.

Les salariés travaillant au Maroc en application de l’accord franco-marocain du 24 mai 2001 relatif à l’échange de jeunes professionnels.

 Les salariés migrants ayant bénéficié de la régularisation exceptionnelle en 2014.

Il y a aussi la liste de ce qu’on appelle les métiers sous tensions :  les pilotes, les chefs cuisiniers, hôteliers et certains profits pointus, comme l’ingénierie. L’employeur est dispensé quand il s’agit de ces catégories de personnes de publier l’annonce aux journaux.

L’employeur doit également faire une demande d’autorisation de travail auprès du ministère de l’emploi

Pour pouvoir obtenir le visa de travail, l’employeur doit présenter plusieurs documents, parmi ce le contrat de travail qui est un document administratif préétabli par le ministère de l’emploi (art. 517 C.T.). Ce dernier fait une vérification de ces documents avant de donner le visa qui sera apposé sur le contrat de travail. Le ministère répond dans un délai d’un à deux mois. En 2015, à peine 1 500 contrat de travail d’étrangers (CTE) ont été homologués. Le volume total est de 60 000, dont presque la moitié par la délégation du ministère du travail à Casablanca[1].

Le ministère peut refuser l’opération d’homologation du contrat si par exemple le salarié étranger dépasse l’âge de travail.

La durée du visa est d’un an renouvelable pour la même durée, dans ce cas il faut faire une nouvelle demande de visa. Sauf à noter que la convention de séjour et d’emploi entre le Maroc et la France prévoit la délivrance d’un contrat de 10 ans au quatrième renouvellement.

Le visa de travail est donc importante, car elle permet aux ministères de l’emploi et de l’intérieur de connaître les activités des salariés étrangers qui sont sur le sol marocain. A ce sujet il est important de souligner qu’il y a une sorte de coopération et une communication qui s’établit entre le ministère de l’emploi, celui de l’intérieur et l’office de change. Ce dernier délègue sa compétence aux banques qui reçoivent les salaires des travailleurs étrangers muni d’un visa et opèrent un transfert de leurs argents aux banques de leurs pays d’origine. Sont seuls dispensés de cette condition, les trois pays qui ont signé une convention d’établissement avec le Maroc, à savoir la Tunisie, l’Algérie et le Sénégal. Leurs citoyens qui travaillent au Maroc sont donc dispensés de l’opération d’homologation. Les banques où sont déposés leurs argents peuvent opérer directement ce transfert.

L’homologation du contrat de travail met le salarié à l’abri d’une éventuelle anéantissement de son contrat. La jurisprudence marocaine annule en effet systématiquement les contrats de travail non homologués. Ainsi la Cour de cassation marocaine a déclaré que : « Le visa des autorités gouvernementales chargées du travail est obligatoire pour l’existence du contrat de travail, et ne constitue pas une simple formalité. En conséquence, l’on ne peut y déroger, même si le salarié prouve qu’il a travaillé au sein de l’entreprise pendant des années. L’arrêt attaqué est fondé, en ce qu’il n’a pas apprécié les causes fixées dans la lettre de licenciement après avoir considéré que le contrat de travail des salariés étrangers qui ne porte pas le visa est nul et non avenu« [2].

L’homologation de l’exécutif est donc incontournable. Mais le problème c’est que ce dernier connaît un surcharge de travail important, car il y a un problème d’effectif largement faible en comparaison aux demandes reçues de tout le Royaume. Pour remédier à ce problème la création des bureaux d’accueil dans les régions du Royaume et le recours au système informatique pour envoyer les demandes de visa paraît envisageable mais insuffisant. De là la délivrance d’un permis de travail par le ministère qui va permettre à l’étranger de chercher un contrat de travail est en mesure de résoudre ce problème comme l’a souligné un cadre au service du ministère lors d’une entrevue.

L’autre problème est que le contrat de travail en question met en rapport trois parties, à savoir l’employeur, le salarié et le ministère de l’emploi ce qui est insensé. En effet celui-ci est une convention bilatérale entre le salarié et l’employeur.

Est-ce qu’il y a des nationales qui sont dispensés de cette homologation ? Et qui sont les catégories d’étrangers concernées ? Le principe accepte des exceptions. En effet ne sont pas concerné par l’opération d’homologation :

  • les Sénégalais, les Algériens et les Tunisiens ;
  • le conjoint de ressortissant marocain ;
  • les personnes nées au Maroc et ayant résidé au moins 6 mois au Royaume ;
  • les artistes pour une durée de résidence ne dépassant pas 3  mois
  • les PDG et DG d’entreprises ;
  • les personnes détachées au Maroc par l’entreprise mère pour une durée limitée (2 à 3 ans).

Il ressort donc de cette présentation que, d’un côté, les étrangers sont soumis à des règles de forme qui visent essentiellement à les dissuader pour ne pas tenter leur chance au Maroc, puisque tout est fait pour protéger la main d’œuvre locale qui souffre de chômage. Est-ce qu’on peut approuver ou désapprouver cette politique ? Difficile de répondre à cette question puisqu’on est confronté à un dilemme : favoriser la non-discrimination et la compétitivité des entreprises qui ont droit à choisir les compétences sans regarder la nationalité de la personne, ou donner la priorité aux nationaux à l’embauche, parce que le pays connaît un nombre inquiétant des chômeurs. Mais je pense qu’il faut respecter les instruments internationaux des droits de l’homme et la constitution marocaine qui interdisent la discrimination.

Le type de contrat signé par le travailleur étranger

L’étranger ne peut espérer conclure qu’un contrat à durée déterminé (CDD). En effet quelle que soit la volonté et de l’employeur et du salarié, et malgré le fait que ces derniers ont conclu un contrat à durée indéterminé (CDI), ce contrat est considéré comme un CDD. Cela est vrai car l’article 516 du Code du travail prévoit clairement que le contrat de travail ne prend effet qu’à partir de la date du visa, c’est-à-dire un an ou ans. Après l’échéance du contrat, l’employeur est tenu de renouveler sa demande de visa.

D’après une jurisprudence constante établie par la Cour de cassation, le contrat de travail d’étranger est un CDD, les visas successifs délivrés par l’autorité gouvernementale chargée du travail ne peuvent en aucun cas transformer les relations contractuelles en CDI. Le contrat ne peut être dès lors renouvelé que lorsque le visa est lui-même renouvelé.

Cette jurisprudence est discriminatoire car le salarié étranger ne peut jamais espérer avoir un CDI à l’instar du salarié Marocain. Il bénéficie donc d’une protection relative car l’employeur qui cherche à se séparer d’un travailleur étranger à un moindre coût, attend simplement le terme annuel du contrat et refuse de le renouveler.

La solution de la Cour de cassation contrarie le rapport du Royaume du Maroc présenté à l’ONU le 12 juillet 2012  ainsi rédigé : « La non-discrimination fait partie des principes de base de la législation marocaine. » (article 54 du rapport) ;

« La législation nationale du travail interdit toute discrimination entre les travailleurs nationaux et les travailleurs migrants en situation régulière et s’applique à tous de manière égale. » (article 57 du rapport). 

De même, elle est contraire aux principes de non-discrimination figurant dans le Code du travail marocain, la Constitution marocaine et plusieurs conventions internationales ratifiées par le Maroc qui prévoient expressément une égalité de traitement des salariés nationaux et étrangers. Ainsi la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille interdit la discrimination. Aussi l’article 64 de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Marocstipule que :

« 1. Chaque Etat membre accorde aux travailleurs de nationalité marocaine occupés sur son territoire un régime caractérisé par l’absence de discrimination fondée sur la nationalité par rapport à ses propres ressortissants, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération et de licenciement. […]

3. Le Maroc accorde le même régime aux travailleurs ressortissants des Etats membres occupés sur son territoire. »

Dr Aziz En nefkhaoui

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