Le Maroc des paradoxes!

Le Maroc, a-t-il intégré le cercle des pays dits émergents? A voir les divers acquis que son parcours de développement ne cesse de mettre en évidence, on ne pourrait que louer les efforts déployés dans le sens du progrès. Encore faut-il s’entendre sur une définition claire et nette du concept de l’émergence dont s’identifient beaucoup de pays de la planète.

A cet égard, nombre d’interprétations affirment que le taux de croissance qui ne doit descendre d’au-delà de 5% des ressources, est le seul indicateur de l’expansion d’une contrée. Or, notre pays est bien en deçà de cette prouesse, en dépit des avancées sensibles qu’il a pu réaliser, pendant ces deux dernières décennies.

Il est donc bien clair que le Maroc renferme des paradoxes qui font que, d’une part, il donne l’impression de s’aligner parmi les grands. D’autre part, il révèle des fébrilités intenses dans son long itinéraire parsemé de ratages et de dysfonctionnements. Mis à part la nature exceptionnelle dont il peut se targuer durant son existence, en termes de stabilité séculaire qui fait sa distinction, notre pays vit d’énormes contrastes dans son évolution. En effet, depuis des années, il se met à se rendre à l’évidence que les grands chantiers s’avèrent une nécessité impérative pour prétendre au décollage socio-économique. Cette vérité s’est trop attardée, quoique des voix authentiques se soient manifestées à ce propos, bien plus tôt.

C’est ainsi que notre pays s’est résolument engagé dans l’édification d’infrastructures d’envergure, au niveau des aéroports, des réseaux routiers et autoroutiers, des ports, de la voie ferrée, de l’énergie renouvelable, du dessalement de l’eau de mer…Dans le même ordre d’idées, il s’est aussi ingénié à mettre en place des stratégies à moyen et long terme, dans des secteurs vitaux de l’économie nationale, tels le tourisme, la pêche maritime, l’industrie…, bien que ces plans aient connu des hauts et des bas, en cours de route, pour des raisons de moyens et de gouvernance. Il s’est même payé le luxe d’édifier une géante tour identique à des gratte-ciels de Qatar ou de Chine.

Cependant, si notre pays est parvenu à se distinguer dans ce domaine, qu’en est-il de sa vie sociale directement destinée à ses  populations démunies et ses recoins reculés? C’est là où le bas blesse cruellement, car le Maroc n’a toujours pas pu concilier d’une manière équitable, le progrès économique avec la justice sociale. Les disparités entre communautés et territoires dans le même pays sont tellement criardes qu’elles le tire vers le bas, en termes d’indicateurs de croissance, malgré ses édifices indéniables. Il va sans dire qu’il pêche encore dans les politiques publiques comme le système éducatif, l’offre sanitaire, la création des postes d’emploi, l’octroi de logement…, à travers une capacité de gestion innovante et pérenne. Il verse dans la déficience de son administration où prolifèrent encore des pratiques d’inertie et d’insouciance. Le système judiciaire pullule toujours de viles insanités de corruption flagrante qui font honte à l’image du pays…

Toutefois, le plus gros revers qu’encourt le pays n’est autre que la panne politique qui prévaut dans son paysage partisan. Depuis un bon bout de temps, le régime, pour des raisons démesurément sécuritaire, s’est mis à affaiblir et réprimer les partis sérieux, au profit des créatures «parachutées» et, de ce fait, a cautionné, dans l’impunité et la complaisance un système de démocratie hybride et faussé où l’argent sale et le monopole font la loi. Cette dénaturation politique a sécrété des habitudes néfastes au sein des citoyens qui manifestent des sentiments de désaffection et de dégoût vis-à-vis des institutions, dans leur globalité. C’est ainsi que la non confiance, la tourmente, le nihilisme et le désespoir règnent dans les divers milieux de la société, notamment le monde des affaires, les jeunes et autres.

On ne peut donc parler d’émergence sociale tant que ces maux subsistent encore, au cœur d’une société rongée par l’oligarchie, le pouvoir rentier, l’hégémonie des riches et la dislocation des institutions, à leur tête celle des partis forts et autonomes.

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