Le rapport sur le développement humain 2020 que vient de publier l’Observatoire National du Développement Humain (ONDH) avec le concours du PNUD est consacré essentiellement à la jeunesse au regard du poids démographique de cette catégorie et de ses enjeux actuels et futurs pour le développement de notre pays. Si les jeunes apparaissent comme les plus exposés à la crise actuelle, ils représentent par contre un capital humain et un potentiel à valoriser. C’est en investissant massivement dans le « capital humain » qu’on améliore le développement humain. Cet effort passe immanquablement par une formation de qualité comme tremplin vers un emploi qualifié et productif.
Au cours des deux dernières décennies, des efforts louables ont été déployés pour l’amélioration des conditions de vie de la population et la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), mais les résultats atteints ne sont guère à la hauteur des moyens mobilisés en raison notamment de l’absence d’une vision globale et inclusive de développement et du manque de cohérence et de convergence entre les différentes politiques publiques. Ce qui a conduit à une dispersion des énergies et à une mauvaise allocation des ressources pour ne pas parler de leur gaspillage purement et simplement. Résultat : le classement du Maroc au niveau de l’IDH sur le plan international n’arrive pas à descendre au-dessous de 120. A peine le 121ème rang en 2020 selon le classement du PNUD. La situation aurait été pire si le pays n’avait pas mis en place une politique massive d’aide aux populations vulnérables lourdement exposées à la pandémie covid-19.
L’analyse détaillée de l’IDH est riche d’enseignements et peut constituer un véritable aiguillon à l’élaboration des politiques publiques. Ainsi, il est plus élevé pour les hommes (0,717) que pour les femmes (0,623), et aussi pour les urbains (0,732) comparés aux ruraux (0,583). En conséquence, le Maroc perd l’équivalent de 24,1% de son développement humain à cause de l’inégalité des niveaux d’éducation, suivie de loin de celle des revenus et de la santé. Cette perte est plus aigüe dans les zones rurales et les régions à faible niveau de développement humain. Renforcer le développement humain du pays revient, dans ces conditions, à accélérer sa diffusion parmi les populations qui en sont dénuées, en particulier dans les milieux à faible développement humain.
Par ailleurs, si l’IDH des femmes était comparable à celui des hommes, le Maroc aurait été classé parmi les pays à développement humain élevé. En dépit de cette perte et de ses implications sociales et économiques, l’inégalité entre les sexes est non seulement élevée mais elle résiste à la baisse dans chaque dimension du développement humain.
En outre, le Maroc jouit d’une opportunité historique à saisir, c’est celle de l’aubaine démographique (ou dividende démographique) avec un meilleur ratio entre population active et population inactive. Il s’agit de valoriser le potentiel que représentent les jeunes non seulement en termes de création de richesse matérielle mais aussi en termes de créativité artistique et de propagation de valeurs de progrès et de modernité. En effet, les jeunes 15-29 ans qui ont fait l’objet dudit rapport et dont le nombre est estimée à près de 9 millions de personnes en 2019, représentent 25,3% de la population totale. Ces jeunes se décomposent en trois strates : ceux qui sont en éducation/ formation (33%) ; « Jeunes actifs occupés » (25,1% du total) ; « Jeunes NEET purs » (26,3%) et regroupent ceux qui ne sont ni en éducation, ni en formation, ni en emploi ; « jeunes femmes au foyer » (15%). Cette tranche vitale de la population vit malheureusement dans la vulnérabilité due à la précarité, à l’environnement familial (relâchement du contrôle familial, problèmes familiaux) et aux relations sociales (faiblesse du capital social). Le manque d’information et la mauvaise perception des risques liés à la santé ne font qu’aggraver cette vulnérabilité.
Mais, même s’ils ne sont pas ou peu satisfaits de leurs niveaux de vie (83,3%), de leurs conditions de logement (71,3%) ou de leur travail (81,6%), l’optimisme des jeunes Marocains ne se dément pas. En 2019, près de 90% d’entre eux ont une perception positive de l’avenir, malgré les difficultés qu’ils ont pour s’y projeter et que la crise de la Covid-19 ne manquerait pas d’accentuer.
En parallèle, la jeunesse marocaine affiche fortement son projet de migration : 7 jeunes Marocains sur 10 sont tentés par l’aventure de l’émigration, ce qui constitue le chiffre le plus élevé de la zone MENA. L’optimisme quant au futur qu’ils affichent est probablement lié à cette perspective d’émigration : en 2019, 68,2% de jeunes Marocains déclarent pouvoir être heureux hors du Maroc.
Autre caractéristique : l’attachement des jeunes à la famille et à la religion : deux-tiers d’entre eux déclarent ne pas pouvoir être heureux sans famille. Aussi, 93% des jeunes Marocains âgés entre 15 et 24 ans considèrent la religion comme une dimension importante de leur identité. En revanche, et c’est là où le bât blesse, les jeunes Marocains accordent peu de confiance dans les institutions politiques tels que le gouvernement (27,8%), le parlement (26,4%) ou encore les partis politiques (21,7%).
Le rapport de l’ONDH a proposé quelques « lignes-forces de réajustement des politiques publiques » à l’adresse des jeunes telles que : la promotion active de l’égalité des chances au sein de la jeunesse ; l’impulsion d’un changement de la logique prédominante dans les relations Etat- jeunes ; l’adoption d’une politique publique fondée sur le triptyque protection, territorialisation et autonomisation.
Cependant, on estime que le pays doit se doter d’une politique pro-jeunes qui soit plus audacieuse embrassant plusieurs aspects de la vie : un enseignement de qualité et une formation adéquate ; un environnement culturel favorable à l’épanouissement des jeunes individuellement et collectivement ; des conditions propices au développement des valeurs de citoyenneté et d’ouverture sur les acquis scientifiques et démocratiques de l’humanité. Sachant que la question de l’emploi demeure centrale pour l’inclusion des jeunes, afin qu’ils exercent pleinement leur citoyenneté et retrouvent confiance dans les instituions de leur pays, elle doit être prise à bras le corps en la reléguant au rang de la priorité des priorités. On trouvera à ce titre des propositions phares dans de différents rapports et documents : rapport du CESE sur l’emploi des jeunes (2011), le document sur la stratégie nationale pour d’emploi (2015) et le rapport général sur le NMD (2021) sans oublier le présent rapport de l’ONDH. Au gouvernement d’agir et vite ! Comme il s’y est engagé devant l’opinion publique.