L’échec des centres de protection de l’enfance

Les centres de protection de l’enfance au Maroc semblent avoir failli dans leur mission de protection des mineurs en conflit avec la loi et leur réintégration dans la société. Mis en place conformément au Code de procédure pénale, ces centres de protection placés sous la tutelle du ministère de la jeunesse, sont aujourd’hui l’objet de critiques acerbes de la part des associations en charge de l’enfance, en raison du fort taux de récidive des délinquants, du manque d’encadrement, de l’absence d’infrastructures… Mercredi dernier, l’association relais prison-société a présenté les résultats de son enquête sur «les droits des mineurs en conflit avec la loi», lors d’un séminaire organisé à Casablanca, dans laquelle elle pointe du doigt les failles de ces institutions et appelle à repenser la justice pour les mineurs au Maroc.

Censés être des établissements socio-éducatifs qui accueillent sur décision  judiciaire des enfants ayant commis des délits et infractions pénales et assurent leur formation scolaire et professionnelle, pour favoriser leur autonomie et leur réinsertion sociale, économique… les centres de protection de l’enfance ne sont plus aujourd’hui qu’un dépotoir où sont entassés des délinquants. Certains y sont depuis des années et ont perdu même tout contact avec leurs familles. L’enquête menée par l’association Relais prison-société révèle les défaillances en matière d’implémentation des textes juridiques sur la justice des mineurs au Maroc.Réalisée sur un échantillon de 120 répondants, dans les villes de Fès, Casablanca, Taounate, Sefrou, Nador, Meknès, elle révèle en grande partie les failles des Centres de protection de l’enfance.D’emblée, l’étude pointe du doigt l’échec de ces centres dans leur mission de réintégration des délinquants dans la société, en raison du taux de délinquance élevé, ainsi que du taux de récidive élevé.

Dans le détail, les résultats préliminaires de l’enquête soulignent entre autres la surcharge et la surcapacité des centres de protection de l’enfance, en l’absence de peines alternatives pour les mineurs en délit au Maroc. Au niveau de l’accompagnement, l’étude met en évidence l’absence de supervision suffisante au sein de ces centres censés accompagner les mineurs délinquants. Autre faille : au sein de ces centres, les enfants ne sont pas classés par âge ou par type de crime… Certains mineurs faisant partie de l’enquête relèvent ainsi, la domination de certains gangs professionnels au sein de ces centres qui exercent des pressions psychiques et psychologiques sur les autres mineurs. Ce qui serait une entrave à la réhabilitation de plusieurs et favoriserait les récidives.

Côté santé et bien-être, les mineurs accueillis au sein des centres reçoivent des «régimes alimentaires insuffisants et mangent en groupe». L’enquête note en outre l’absence de suivi médical des mineurs au sein de ces centres, de même que l’inexistence d’ateliers de rééducation et de formation professionnelle à un métier pour faciliter leur réinsertion sociale et économique dans la société. Si ces centres ont pour mission d’assurer des prestations socio-éducatives aux mineurs, l’enquête souligne l’absence d’activités récréatives au sein de ces institutions, le manque de salles de lecture et de salles informatiques permettant aux enfants de se connecter au monde extérieur. D’ailleurs, les centres ne seraient pas évalués, ni même le personnel qui y travaille.

Si l’un des buts de ces centres de protection de l’enfance est de consolider les liens sociaux entre les mineurs et leurs familles, l’enquête montre plutôt que certains enfants n’auraient aucun contact avec leurs familles. Il n’y aurait pas de partenariat entre les centres et les familles, pour faciliter la consolidation des liens. Certaines familles, a noté Mohammed Bouzlafa, professeur-chercheur à l’université de Fès, «fuient leurs responsabilités et préfèrent garder leurs enfants dans les centres de protection au lieu de la famille qui est leur milieu naturel».D’ailleurs, certains mineurs préféreraient récidiver pour rester dans le centre au lieu de rejoindre leurs familles.

Selon Jafaa El Baz, de l’association Bayti, «Ces institutions traitent les enfants comme s’ils étaient égaux, sans tenir compte de leurs conditions psychologiques. Les mûrs ne suffisent pas à réhabiliter. Il faut un environnement éducatif positif». L’acteur associatif, qui a d’ailleurs mené une étude doctorale sur les centres de protection de l’enfance explique l’échec de ces institutions par l’absence d’une philosophie claire des autorités.

L’association Relais prison-société appelle à une réforme de ces centres et à l’application des textes internationaux et internationaux en matière de justice pour les mineurs.

Danielle Engolo

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