Les atouts d’une organisation

Chambre de commerce et d’industrie le mercredi 13 novembre  Nous tenons à faire de cet événement une occasion pour jeter les bases d’un partenariat stratégique université-entreprises, faire des suivis pour aboutir à des résultats concluants.
«Former en permanence pour une compétitivité durable» est le  thème choisi pour cette XVIIème édition de 2013.  Ce papier est issu de notre communication à la dite semaine sous le titre “Formation par apprentissage collectif, cas d’une organisation en Total Quality Management (TQM)”.
A  l’heure de la banalisation de la technologie et des procédés de fabrication, c’est sur le front des Ressources Humaines que les entreprises peuvent développer un avantage concurrentiel durable car difficilement imitable.
Ce papier, qui tente un lien entre formation et Qualité, s’articule autour de deux axes  majeurs: montrer, dans un premier temps, les profils de l’organisation qui mène à  la logique des compétences  pour une qualifier les hommes, arrêter, ensuite, les conditions  à réunir, dans le cas de notre pays, pour accéder à une compétitivité durable.

La formation entre logique de poste
et logique des compétences  

Nous allons opposer entre deux  contextes, le contexte management produit et le contexte management marché, démarche qui va montrer, si on se limite à l’histoire du management moderne (début du siècle dernier à nos jours), le passage de la formation  sur le tas à la formation  par apprentissage collectif

Le contexte management produit  et la logique de poste

Ce contexte est à situer, en gros, dans la période qui va du sortir de la seconde guerre mondiale à la fin des années soixante dix du siècle dernier, c’est l’ère des “30 glorieuses”  (19 45-1975) pour reprendre une expression chère aux économistes.
Les caractéristiques du Management produits sont : environnement stable,  marchés réceptifs, produit standard (les modèles T  de Ford dans l’automobile en constituent un exemple), culture  des coûts.  L’écoulement étant  assuré, seul souci des entreprises, c’est comment produire?

Impact  du MP sur l’organisation  et la  FORMATION
Niveau vertical : structure hiérarchique (multiplication des étages de structure, étroitesse de l’éventail de subordination, organisation  mise sous tension (embrigadement),rassurées du côté du marché (réceptivité), les entreprises se sont déviées de leur mission principale qui consiste à satisfaire le  client pour répondre au besoin de domination de la hiérarchie (orientation verticale).
Niveau horizontal : parcellisation à l’extrême des tâches, travail en miettes où l’opérateur  ne mène qu’une vie plate et monotone sans perspective de carrière.
Dans ce contexte, l’ouvrier n’offre  à l’entreprise que ses bras, l’esprit (créativité) et le cœur (adhésion) sont souvent ailleurs ; contexte caricaturé par   C. Chaplin dans  son Film “les temps modernes”.
Un ensemble de facteurs va accélérer, vers  les fin  des années soixante-dix début  des années quatre vingt, l’essoufflement du modèle taylorien  d’organisation, il s’agit en l’occurrence de l’instabilité et turbulence de l’environnement,  besoins clients variés et en constante évolution, exacerbation de la concurrence, accélération des taux d’innovation technologique, vie de plus en plus  courte des produits, c’est le contexte management marchés.
La formation  sur le tas héritée du contexte management produits ne pouvait pas suivre l’évolution de ce nouveau  contexte baptisé management marchés,la culture Qualité prend le pas sur  celle des coûts, ce qui nous mène au point suivant sur le lien Qualité- formation.

-Management marchés et intérêt pour le client
De l’absence d’intérêt pour le client  (contexte management produit), nous allons assister à l’orientation clients des entreprises avec l’émergence des départements Marketing et Qualité dans les organigrammes des entreprises.
L’orientation clients, l’un des  huit  principes de  la norme ISO 9001/V08, aura un impact certain sur la Formation et les ressources humaines en général.

-Management de la  Qualité et formation : de la tâche à la mission
Si la norme permet la certification du personnel, c’est la transition vers le  TQM qui garantie grâce au management de groupe  et au management des processus sa qualification, formation par apprentissage collectif (ancrage des usages et pratiques dans les mœurs et la mémoire de l’entreprise).  
Place la formation dans la  norme ISO 9001
La norme a dédié un chapitre entier, le chapitre VI aux ressources humaines,
un article entier  le (6.2.2) porte sur le personnel : formation-sensibilisation -compétence, sans parler de l’environnement du travail (art 6.4).
La présence du marché, c’est-à-dire  besoins et attentes clients est concrétisée par l’un des 8 principes de la norme, en l’occurrence : l’orientation clients.
Le client est interpelé explicitement au moins cinq fois dans la norme ISO 9001/V08:
Écoute client, chapitre V sur la responsabilité de la direction, (art 5.2)
Au chapitre  VII sur la Réalisation du produit, on trouve :
Processus relatifs aux clients (art7.2), communication avec le client (art7.2.1), Propriété du Client (art 7.5.4) et enfin satisfaction client (art 8.2.1) du Chapitre VIII  sur Mesure Analyse Amélioration.
Personnel présent
En gardant l’œil sur le client (orientation client), l’entreprise va enclencher une dynamique amont touchant l’ensemble des composantes de l’organisation, à savoir : processus, procédures, produit, PERSONNEL  (Formation, recyclage, motivation), documents, équipements, Système (Amélioration continue) avec des mécanismes entretenant le système, à savoir, audit interne (8.2.2), revue de direction (5.6), ,Maîtrise produit non conforme (8. 3), actions correctives (8.5.1) et actions préventives (8.5.2)  pour une amélioration continue (8.5).
Ces débuts de réactivité que permet la norme ISO à une entreprise certifiée sont confirmés et ancrés dans le contexte d’une organisation  TQM.
A titre comparatif, l’organisation taylorienne, car sécurisée des  côtés environnement (stabilité) et marché (réceptivité), se contente de l’aspect curatif des actions correctives (approche pompier), dépourvue d’une démarche Qualité, l’icône actions préventives est désactivée dans le contexte  taylorien d’organisation.
La certification constitue une phase transitoire  qui permet aux  opérateurs de quitter progressivement les vieux réflexes hérités des longues années de gestion tayloriennes, ainsi l’écrit remplace l’oral et la rigueur prend la place de l’à peu près et de l’approximatif.
Les nouvelles pratiques  seront confirmées et développées dans le contexte TQM d’organisation.

TQM (Total Quality Management) et logique des compétences
Le TQM est une organisation mature dont les profils sont, entre autres, l’orientation clients, le management de groupe, le management des processus, l’implication du personnel  et l’amélioration continue.
Nous arrêtons ici, en sept points, les atouts d’une organisation TQM :
A – Management de groupe  
Le management de groupe  favorise  l’échange d’expériences  et l’émergence d’idées  nouvelles par émulation, bref, le groupe enrichit l’organisation.
Le contexte taylorien d’organisation, car basé sur le travail individuel, interdit l’interaction et la communication, donc prive l’organisation de son propre potentiel (gel des compétences).
B – Management des processus
Le  processus  transcende les fonctions et consacre la transversalité de l’organisation, l’opérateur a une vision globale, il est censé être capable de décrire le processus et d’assumer par voie de conséquence la rotation des postes le préparant à se confier une mission, un projet.
C – Implication du personnel
l’implication du personnel, l’un des huit principes de la norme ISO 9001 version 2008, prend dans le contexte de l’organisation TQM son sens , l’opérateur est confié d’une mission  dans  le cadre management de  projet.
Ainsi, le TQM  restitue à l’implication  son sens, sens égaré dans les chaines de production après l’avènement de la révolution industrielle.
Si sur le plan externe cette dernière a  éloigné les usines  des marchés (produit standard), elle s’est soldée sur le plan interne, qui nous intéresse ici, par la  perte sur la maitrise du processus de cet artisan devenu ouvrier. C.ARGYSIS (1974) soutient d’ailleurs que les structures classiques, conçues pour réaliser des objectifs étroits de profit, tombent en conflit avec les traits d’une personnalité humaine saine car aspire à son indépendance.
Accomplir un module complet comme faisait l’artisan de l’ère préindustrielle, peut être un début de solution au problème de motivation, souvent cantonnée, à tort d’ailleurs, dans les seuls  avantages pécuniaires.
D – Amélioration continue et feed-back
Il convient de distinguer entre “Reengineering” de l’école occidentale de management qui renvoie à la  rupture (on détruit puis on  reconstruit)  et l’amélioration continue, une variante de la culture nippone et donc de l’école orientale. Ainsi le “Kai-Zen” Japonais est traduit par  changement à petits pas mais continu.
Alors que  les cycles tayloriens renvoient à la rupture, les cycles TQM sont inscrits dans  une démarche d’amélioration continue  (lentement mais sûrement) avec un recul (ou feed-back), donc une  capitalisation d’expériences et  des savoirs.
Dans le contexte taylorien d’organisation, les cycles se succèdent et se ressemblent, donc sans perspective de carrière, conduisant ainsi à la  précarité de l’emploi, ce qui nous mène au concept d’employabilité.
E – Employabilité
Terme utilisé pour la première fois par René Ledrut (1964) pour désigner la probabilité à retrouver un emploi en cas de licenciement, chance nulle ou presque  dans le cas de  l’ouvrier taylorien.
L’employabilité est stratégique par les temps qui courent, retournements de situations, crises à répétition inhérentes au système capitaliste  et privatisations tous azimuts.
En matière d’emploi, les lauréats de l’organisation TQM sont dotés d’un potentiel qui permet de trouver facilement un emploi, de  postuler à l’international, puisque les principes du TQM sont universels, car dérivés de l’ISO (sigle signifiant organisation internationale de normalisation) et enfin devenir son propre employeur en créant l’emploi pour d’autres (citoyenneté).
F- Ancrage des usages et pratiques
L’ancrage des usages et pratique (actif immatériel) consacre les concepts d’opacité  et  d’ambigüité causale de l’entreprise vis-à-vis de la concurrence : on ne sait pas quels actifs ont été mobilisés pour sortir un produit nouveau.
On assiste aussi à la capitalisation des savoirs grâce à la formalisation (mémoire de l’entreprise) que permet la norme ISO.
La formalisation qu’autorise le management de la Qualité au chapitre IV sur la documentation (articles 4.2.3- maitrise des documents  et 4.2.4- maitrise des enregistrements) permet d’entériner les pratiques, de les institutionnaliser pour ne pas faire dépendre la vie de entreprise de quelques personnes
G- Gestion de l’aléa
L’aléa est illustré par la panne qui peut survenir d’un temps à l’autre.
Ainsi, dans le contexte TQM, la panne est vécue comme une opportunité d’apprentissage, elle est (panne) vécue comme une crise à éviter dans le contexte taylorien d’organisation.

Qualification des ressources humaines  
pour une compétitivité durable

L’exemple d’une compétitivité durable, basée sur les ressources humines nous est donné par les pays du Sud- Est asiatique (Japon, Corée du sud, Malaisie) :un système éducatif et de formations performantes alimentant en amont l’industrie et les services, pour le Japon, une formation quatre fois supérieure à ce qui se passe en occident (USA, Europe), un fonds culturel fait de solidarité et de persévérance.                     
Il s’agit donc de former pour accompagner les Stratégies de  développement, de partenariat et de  Co-développement initiées par notre pays.
Au plan national, le Maroc est aujourd’hui engagé dans une stratégie sectorielle (MarocVert, Emergence, Halieutis, MarocNuméric, Rawaj…etc)
A l’international, une stratégie de partenariat (Union Européenne,USA,Turquie,…) et de co-localisation et co-développement avec la France.
L’ensemble de ces  stratégies suppose  une qualification de la main d’œuvre, preuve nous est donnée par les contrats de sous traitance, d’abord  dans l’automobile avec Renault-Nissan à Tanger, ensuite  dans l’aéronautique à Nouaceur  avec les constructeurs : Air Bus, Boeing et Bombardier.
Cette  stratégie de sous traitance est basée  sur la qualification de la main d’œuvre, outre la stabilité dont jouit le Maroc en comparaison avec les autres pays de la Région (Tunisie, Libye et Egypte,..).
Il convient de rappeler que le Maroc est  deuxième investisseur en Afrique (après l’Afrique du sud) en dépit  de ses ressources limitées et en dépit qu’il soit encore en dehors de l’Union Africaine  depuis 1981, le Maroc est présent dans les mines, la banque et le BTP (bâtiment et travaux publics).
Pour accompagner les stratégies de développement du  Maroc, nous avons arrêté quatre conditions  principales, à savoir, mettre en place :
1- Un système éducatif et de formation  performant  en amont de l’industrie et des services pour qualifier la main d’œuvre, actuellement 2/3de la population  ouvrière au Maroc est dans la situation de précarité (statistiques du HCP, 2013), taux chômage niveau urbain 14%, niveau national 9,1% (HCP, 2013).
2- Partenariat Université Régions, CGEM dans le cadre de la régionalisation avancée, il convient de faire des universités des pôles de développement régionaux.
L’université peut fournir  à la région : la formation initiale, la formation professionnelle (les facultés dispensent  des  cursus pointus depuis  la réforme de 2003 menant des diplômes professionnels (licence professionnelle et  master professionnel).
3- Bonne gouvernance
95%  tissu productif  est fait de  PME familiales, ce qui pose un problème de  gouvernance, la plupart du temps, le   recrutement et l’avancement sont basés, non sur le principe  du mérite mais  sur des considérations familiales.
4- certification, point de départ pour intégrer le TQM, pépinière des talents et métiers de demain (signaler à ce titre la sous certification du tissu productif au Maroc, en comparaison avec la Tunisie, l’Egypte, la Turquie …Seules 1067 PME certifiées au Maroc sur un total de 300000entreprises (statistiques de 2012).
Il faut donc tendre vers des formations qui permettent d’assimiler le changement (usages ancrés dans le contexte de l’organisation TQM), et non de formations sur mesure pour répondre à une situation  ponctuelle donc éphémère.

* Enseignant chercheur à l’Université Cadi Ayyad-Marrakech.
Diplôme professionnel   IRCA, délivré par AFNOR International

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