Mardi dernier, malgré l’opposition de la «Force nationale de sécurité publique» qui contrôle les accès menant au centre de la capitale, les indiens du Brésil se sont regroupés, durant trois journées, à Brasilia devant l’esplanade des ministères et ce, pour la quinzième année consécutive dans le cadre de ce qu’ils appellent «Acampamento Terra Livre» (littéralement «campement libre»).
Mais si ce regroupement est effectué chaque année d’une manière tout à fait rituelle par les populations indigènes qui comptent entre 800.000 et 900.000 personnes réparties en 300 tribus et occupent 13% du territoire brésilien pour dénoncer l’occupation illégale de leurs terres ancestrales, la manifestation de cette année prend une tournure tout à fait particulière pour diverses raisons.
En effet, depuis sa prise de fonction le 1er Janvier dernier, le nouveau président brésilien Jair Bolsonaro a dépossédé l’organisme public chargé des questions indigènes de ses attributions pour les confier au Ministère de l’Agriculture, favorable à l’agrobusiness tout comme il avait retiré la gestion des terres indigènes au ministère de l’Environnement pour en charger le ministère de l’Agriculture.
La démarcation des terres protégées répondant à des impératifs agro-alimentaires, la déforestation devient donc nécessaire pour encourager la culture du soja et laisser suffisamment d’espace à l’élevage de bétail. Ainsi, depuis l’investiture de Bolsonaro, plus d’une centaine de pesticides sont, désormais, utilisés et la déforestation a augmenté de 54% au titre du développement de mégaprojets à l’instar de ce pont sur l’Amazone ou encore cette autoroute qui reliera le nord du pays au Surinam.
Autre «crime» perpétré contre les indigènes : le pouvoir central qui entend mettre fin au système de santé «décentralisé» installé dans les communautés indiennes, ferme les yeux sur les incursions de mineurs et de bûcherons sur les terres indiennes. Ce faisant, le gouvernement de Jair Bolsonaro reprend, à son compte, l’objectif de la dictature militaire qui avait dirigé le pays de 1964 à 1985 et qui voulait intégrer de «force» les populations autochtones en les poussant – par la force en cas de besoin – à venir s’installer en ville.
«Nous avons peur, mais… nous n’avons plus de forêt où nous cacher» déplore un chef de la tribu Guarani Kaiowa.
Au vu de tout cela, il semble donc que ces tribus n’ont plus rien d’autre qu’un recours à la justice pour paralyser les projets industriels et agro-alimentaire qu’entend réaliser sur leurs terres le nouveau chef de l’Etat. Auront-elles gain de cause? Rien n’est moins sûr mais ce qui reste certain, en revanche, c’est que l’impact de la déforestation de l’Amazonie sur le dérèglement climatique interpelle la communauté internationale. Cette dernière interviendra-t-elle dans ce dossier et volera-t-elle au secours des populations indigènes? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi