Les musulmans d’Espagne reçus en audience par le Roi Felipe VI

«Le roi fait un geste envers le monde musulman en pleine tempête déclenchée par Trump». C’est ce que l’on pouvait lire dans le journal espagnol en ligne «Vox Populi» au lendemain de l’audience accordée jeudi dernier par le Roi d’Espagne Felipe VI aux représentants de la communauté musulmane au Palais de la Zarzuela.

Même si cette audience était prévue de longue date et bien avant l’arrivée de Trump à la Maison Blanche, le monarque espagnol, dont le pays reste l’allié européen des Etats-Unis le plus prudent dans ses commentaires sur les premières initiatives prises par le nouveau Président, a saisi cette occasion pour évoquer les droits dont jouit la communauté musulmane et insister sur «la nécessité de les mettre en pratique tous les jours». Le souverain espagnol se serait même «montré très affectueux» aux dires de l’un des invités.

Mais si les représentants des musulmans ont toujours été invités aux fêtes officielles auxquelles assiste le chef de l’Etat, c’est bien la première fois ce jeudi 2 janvier 2017 qu’ils ont été reçus au Palais Royal alors que les deux autres minorités religieuses, les juifs et les protestants, ayant eux aussi signé des accords avec le ministère de la Justice en 1992, y avaient déjà été conviés il y a bien longtemps.

Les querelles intestines entre les membres de la Commission islamique y sont certainement pour beaucoup dans le retard qu’a connu l’organisation de cette audience puisqu’à la fin du mois de Mai 2016, la réunion des représentants de la communauté musulmane, qui s’était tenue à Madrid, fut tellement houleuse qu’elle avait été dispersée par les forces de l’ordre appelées à la rescousse par l’un des participants.

Deux courants s’opposent au sein de cette commission ; d’un côté une école de pensée proche des Frères musulmans se situant dans l’orbite du Ministère des Affaires Islamiques marocain et de l’autre, un courant de pensée regroupé au sein de la Fédération espagnole des entités religieuses islamiques (FEERI) proche du mouvement Al Adl WalIhssane, non reconnu par le Royaume Chérifien mais jouissant d’une certaine tolérance et appuyé par des associations d’Espagnols convertis à l’Islam.

Et si certains droits reconnus depuis longtemps aux musulmans n’ont pas pu être mis en pratique par le Royaume espagnol c’est justement parce que cette Commission était paralysée du fait même qu’elle avait deux Secrétaires Généraux dont aucun ne reconnait l’autre ; Tatary et Benjelloun.

Ainsi, bien que théoriquement a-confessionnel, l’Etat espagnol s’était trouvé contraint d’intervenir ouvertement en Mai 2015 pour mettre fin à ce blocage en faisant proposer par son ministre de la Justice aux deux protagonistes un nouveau projet de statut que Tatary a accepté au motif que c’est «un moindre mal» pour sortir de l’impasse alors que Benjelloun l’avait refusé en bloc.

Cette malencontreuse situation a pu être surmontée en Septembre 2016 lorsque, à l’instigation des services secrets espagnols, un nouveau règlement a été approuvé et que Tatary a été élu à la tête de ladite Commission, écartant du même coup Al Adl WalIhssane ; ce que Rabat a applaudi chaleureusement.

En marge de l’audience royale accordée ce jeudi aux représentants de la communauté musulmane, le gouvernement espagnol s’est dit prêt à voler au secours des minorités religieuses. Ainsi, à l’instar des catholiques qui depuis de nombreuses années consacrent 0,7% de leurs impôts à l’Eglise catholique, les musulmans, les juifs et les protestants vont, désormais, pouvoir se financer à travers la déclaration d’impôts sur le revenu de leurs fidèles.

Nabil El Bousaadi

Top