Point de vue
Par Mohamed Nayate
Les nouvelles conditions fixées par le ministère de l’Éducation nationale, pour la participation aux concours qui seront organisés par les académies régionales d’éducation et de formation, ne peuvent être décrites que par des actes de discrimination et d’injustice, puisqu’ils ne sont conformes ni à la loi ni à la morale.
Comment peut – on admirer la privation des milliers de diplômés universitaires Marocains de leur droit légal de passer un concours – juste un concours – où la chance de garantir l’un de ses postes reste minime et ne dépasse guère celle de celui qui recherche une aiguille dans une botte de foin, en exigeant une série de conditions injustes et illégales ?
Les justificatifs avancés par le gouvernement, concernant son recours à la mise en place de toutes ces barricades, face à une catégorie de citoyens considérés comme la crème de la société, sont inacceptables, illégales et immorales, au moins pour les raisons suivantes :
La condition d’âge :
Inclure la condition d’avoir moins de 30 ans, pour juste participer aux concours, représente une violation de la loi d’une part, et un mépris de la responsabilité morale de l’Etat d’autre part.
– En termes de violation de la loi, il peut être affirmé que cette condition est illégale vu son enfreint du :
1- Décret n° 2-02-349 du 27 Jumada Al-oula, 1423 (7 août 2002) fixant l’âge maximum d’admission à certains fonctions et postes dans les administrations publiques et collectivités locales où son article premier, précise:
« Est porté à 45 ans la limite d’âge maximum fixée à 40 ans en vertu de certains statuts particuliers pour le recrutement du personnel relevant des administrations publiques et des collectivités locales pour l’accès aux cadres et grades classés au moins à l’échelle de rémunération n° 10 et à ceux dotés d’un classement indiciaire similaire »
2- Les statuts fondamentaux des cadres des académies régionales d’éducation et de formation, où l’on lit à l’article 4 ce qui suit :
Chaque candidat à un emploi à l’Académie doit remplir les conditions suivantes : … « – avoir pas moins de 18 ans et pas plus de 40 ans, et l’âge maximum de recrutement est porté à 45 ans pour les cadres qui seront classé au moins dans une catégorie dotés d’un classement indiciaire similaire au grade d’un administrateur de troisième grade ».
En termes de critères moraux, l’inclusion de cette condition est considérée comme un mépris de la responsabilité morale de la part de l’Etat envers une large catégorie des citoyens diplômés au moins pour les raisons suivantes :
Seul le fait d’avoir des diplômés universitaires qui ont plus de trente ans, et qui n’ont jamais eu la chance d’avoir un emploi, est le synonyme d’un échec fatal de la gestion publique où l’Etat doit l’assumer.
l’Etat doit assumer sa responsabilité politique et morale envers cette catégorie de citoyens pour la simple raison, qu’il n’a rien fait pour eux afin qu’ils aient un sort autre que le chômage, vu d’une part, son incapacité de fonder une économie nationale forte, résistante et compétitive et surtout productrice d’emploi, et vu d’autre part ; son échec d’accommoder les formations et les diplômes délivrés avec les besoins du marché de travail. Comment peut – on dans ce cas faire pénaliser les diplômés chômeurs alors qu’ils sont eux-mêmes victimes d’une mauvaise gestion publique ?
La responsabilité politique et morale de l’État ; exige que toutes ces victimes soient dédommagées pour tous les efforts et tout le temps qu’ils ont consacrés à la poursuite d’un diplôme universitaire étatique qui n’aura aucune valeur sur le marché du travail, en leur garantissant Inconditionnellement un emploi bien mérité.
La présélection
Inclure la condition d’être présélectionné à la base des notes obtenues, avant d’avoir le droit de participer aux concours, signifie, entre autres, que l’écrasante majorité des diplômés seront exclus d’office, et cela ne peut que signifier ; que l’État qui a délivré ces diplômes ne les reconnaît pas en fin de compte, et remet en doute leur crédibilité et leur qualité, puisqu’il juge à l’avance que ses titulaires sont incompétents et incapables d’exercer une fonction pour laquelle ils sont formés. Peut – on imaginer par exemple, que l’État empêche un titulaire d’un doctorat en médecine d’exercer la fonction de médecin ?
Les experts de l’éducation, savent avec certitude, que les notes obtenues ne peut refléter dans tous les cas le véritable niveau de l’élève ou de l’étudiant, et que faire évaluer reste une tâche caractérisée par beaucoup de relativité, et que plusieurs facteurs subjectifs et objectifs y interfèrent. Une équipe de chercheurs a mené une étude concernant l’évaluation en philosophie, dans laquelle les mêmes copies d’examen ont été distribuées à un grand nombre de correcteurs qui ne sont que des professeurs de la matière, les résultats obtenus ont été choquants à tous égards, et parmi les plus étranges retrouvailles qu’ils ont obtenus ; qu’une même copie d’examen a obtenu la plus haute note par l’un des correcteurs et la note la plus basse par un autre.
Les experts de l’éducation, savent avec certitude également, que les critères et les éléments de l’évaluation diffèrent d’une spécialité à une autre, et d’une matière à une autre. Il est connu que certaines filières, sont caractérisées par la rigueur de l’évaluation, et la difficulté d’obtenir des mentions, ce qui privera en toute certitude, les diplômés de ces disciplines d’être parmi les sélectionnés à passer les concours.
Tous ceux qui ont déjà étudié à l’université, sont convaincus qu’obtenir des mentions, ne signifie pas toujours et dans tous les cas l’excellence et le mérite ; surtout que plusieurs scandales qu’a connu l’université Marocaine, et qui sont toujours vifs dans notre mémoire collective, comme ceux connus par « le sexe contre les notes » ou « le master contre l’argent »… mettent en doute tout le système d’évaluation.
Avoir des mentions qui ornent votre diplôme ; ne signifie guère et d’une manière automatique réussir le métier d’enseignant, car les déterminants de la réussite à une fonction quel que soit sont nombreux et proportionnels ; on peut jamais par exemple attendre un rendement satisfaisant d’une personne sans morale et sans conscience, malgré le génie qu’il soit, et malgré le poste ou la fonction qu’on lui confiera, cette réalité est bien prouvée par les nombreux scandales qu’a connu la gestion publique ; où plusieurs haut responsables diplômés de grande écoles et instituts internationaux, ont été impliqué dans des actes de malhonnêteté et de perfidie .
Notre génération des années soixante-dix du siècle dernier, a été enseignée au primaire par des professeurs non diplômés dans leur total majorité ; la plupart d’eux n’avaient même pas un baccalauréat, mais ils étaient des modèles de discipline, de sérieux et de dévouement. …et bien évidement ils ont pu obtenir des résultats que le système éducatif n’a pas pu l’atteindre par la suite, malgré toutes les ressources humaines et matérielles allouées.
Concernant la condition de ne pas être lié à un contrat de travail avec un établissement d’enseignement privé
Inclure cette condition parmi les conditions que doivent remplir les candidats à participer aux concours, n’est pas non plus correct, ni légalement ni moralement:
– En termes de violation de la loi, il peut être affirmé que cette condition est illégale, vu son enfreint du Code de travail d’une part, et des statuts fondamentaux des cadres des académies régionales d’éducation et de formation d’autre part :
Concernant le non compatibilité avec le code de travail
Le fait que le salarié soit lié par un contrat de travail, ne signifie pas qu’il n’aura pas la possibilité de la résilier par la suite unilatéralement, sinon on ne peut pas parler dans ce cas d’un contrat de travail mais plutôt d’un acte d’esclavage.
Selon le code du travail ; l’employé comme l’employeur, ont la possibilité de résilier unilatéralement le contrat de travail qui les lie, à condition d’assumer les conséquences juridiques qui en découlent.
Concernant le non compatibilité avec les statuts fondamentaux des cadres des académies régionales de l’éducation et de la formation :
Se référant aux statuts susmentionnés, nous constatons qu’ils précisent dans son quatrième article et d’une manière exclusive, toutes les conditions que doit remplir chaque candidat à un emploi à l’Académie, et bien évidement, on constate que cet article, ne comprend aucune condition qui exige que le candidat ne doit pas être lié à un contrat de travail avec un employeur.
Normes morales
– Insérer arbitrairement cette barricade malgré son contravention de la loi, prouve que l’Etat n’a pas agi comme une partie neutre comme son devoir l’oblige, et qu’ il a cédé devant les lobbies des patronats et des propriétaires des établissements scolaires en particulier, en leur garantissant le droit de transmettre des contrats de travail à des chartes d’esclavage.
– La nature et l’instinct humain, stimule l’Homme toujours et sans cesse, à faire de son mieux pour améliorer ses conditions de vie. C’est un droit humain fondamental, et personne n’a le droit de l’entraver sous n’importe quel justificatif ou nom, faute de quoi un tel comportement sera considéré comme un acte de légitimer l’exploitation, l’oppression, l’injustice et même l’esclavage.
Enflammer la tension sociale passe essentiellement par le fait de claquer la porte face aux désespérés, et c’est exactement ce que la décision du ministère de l’Éducation nationale a pu provoquer.
Priver des milliers de diplômés chômeurs de leurs droits ; ça signifie mettre fin à un rêve. C’est vrai qu’il leur semblait comme un faible point de lumière au bout du tunnel, mais il était capable quand même de garder la flamme de l’espoir vif en eux.
La tâche principale de l’État : c’est de garantir le respect de la loi, et de préserver l’égalité des chances, et c’est pourquoi ; la maudite décision du ministère de l’Éducation nationale doit être retirée immédiatement ; car elle est hors normes ni légales ni morales.