Les synagogues de Mogador, des lieux vivants où la mémoire dialogue avec l’histoire!

Essaouira est une ville plurielle dont l’histoire remonte à des siècles. En effet la cité des Alizés est connue par son hospitalité, mais aussi par sa richesse culturelle, ethnique, linguistique et religieuse. En outre, les lieux de culte de Mogador entre autres les synagogues témoignent de cette diversité et la forte présence de la communauté et de la composante juives à travers l’histoire.

«Slat Lkahal» renaît de ses cendres…

Au nord de l’ancien Mellah qui rassemblait à l’époque un grand nombre de juifs de la ville, se trouve la  Synagogue Communautaire de Mogador, «Slat Lkahal». Un lieu bien restauré par ASL Mogador, une Association à but non lucratif. Par ailleurs, les vieux murs de cet ancien quartier révèlent l’histoire millénaire et partagée d’Essaouira. En marchant dans la ruelle, à quelques pas d’ailleurs de la synagogue de Haïm Pinto, une très vielle affiche indicative invite les passagers  et visiteurs de la cité à découvrir ce lieu de culte. Sur un panneau collé au dos du bâtiment, il a été indiqué que la première inauguration de la Synagogue Communautaire de Mogador date de 1865 avant sa réouverture en 2017.

Une nouvelle vie a été donnée à «Slat Lkahal», et les poussières de l’oubli ont été enlevées sur le lieu. En montant l’escalier, des photographies de la synagogue avant sa restauration sont affichées  montrant à quel point ce bâtiment avait été abandonné et délaissé à son sort pendant des années. Aujourd’hui, et après tous ces temps qui se sont écoulés, «Slat Lkahal» renaît de nouveau de ses cendres. En haut, à droite, une salle où sont accrochées des anciennes photos remontant le temps au passé où les juifs et musulmans de la ville partageaient une vie et un vécu communs. Une belle leçon de vivre ensemble!

 A l’intérieur, la salle de prières a fait aussi peau neuve dont  le toit du bâtiment qui a été refait. La couleur bleue apaise les âmes et les esprits. Et  le  plafond et le Hékhal de bois, matière sacrée, donnent une certaine esthétique à l’endroit. Auparavant, des poèmes liturgiques écrits en hébreu étaient lus et chantés dans ce lieu de culte, le jour de shabbat sur rythmes arabo andalou, mais sans musique. C’était un vendredi 1er novembre. Nous nous sommes rendus sur le lieu qui s’apprêtait déjà à accueillir les prières, ainsi que les invités du festival des Andalousies Atlantiques qui ont afflué des quatre coins du monde. Une occasion pour renouer les liens avec la mémoire, ses gardiens, ses saints et ses figures emblématiques.

A vrai dire, ce lieu a été réhabilité et restauré, heureusement d’ailleurs… en attendant de sauver le reste du Mellah et ses anciennes maisons.

La synagogue de Haïm Pinto… un joyau du patrimoine  de Mogador

Pas loin de Bab Boukkla, la synagogue de Haïm Pinto  témoigne quant à elle de la présence historique de la communauté juive sur la terre d’Essaouira. Ce lieu qui a été bâti en 1837 a résisté aux vents et marrées. Une partie du Mellah s’est effondrée certes, mais la synagogue du  grand Rabbin Haïm Pinto, né à Agadir en 1749, reste un symbole de symbiose, de résistance, de communion et de partage. La preuve… c’est une musulmane qui garde actuellement ce lieu de culte. Malika nous accueille chaleureusement à l’intérieur de la synagogue. Un calme et une paix dominent l’espace.  Toutefois, les préparatifs pour la prière du Chabbat vont bon train, mais ça n’empêche pas de faire un tour et d’échanger autour de l’histoire de la synagogue de Haïm Pinto.

Après plus de 10 ans, Malika redonne une certaine vie à cet espace spirituel dont le nom est lié à l’un des plus célèbres saints juifs du pays.

Il est à rappeler qu’au mois de septembre, une importante communauté juive se donne rendez-vous à Essaouira pour se recueillir sur la tombe de Rabbi Haïm Pinto et célébrer la Hiloula dans une atmosphère fraternelle et conviviale. Lors des commémorations, la synagogue et bien d’autres lieux de cultes drainent chaque année des centaines de pèlerins et de visiteurs.

Bayt Dakira… la mémoire juive d’Essaouira a désormais une demeure

On ne peut rien craindre sur la mémoire juive d’Essaouira. Bayt Dakira, ou la maison de la mémoire, est un  lieu vivant où  une partie de l’Histoire de la ville respire une nouvelle vie. Situé au cœur de la cité des Alizés, cet espace est dédié dans un  premier lieu  à la sauvegarde et la valorisation du patrimoine judéo-marocain sous toutes ses formes et facettes. En effet cette maison qui était auparavant la synagogue marocaine de «Slat Attia» construite  début du XIXe Siècle, a été renouvelée pour accueillir la mémoire de juive de la ville comme il se doit. Bayt Dakira est aujourd’hui un complexe historique et culturel. Une incarnation de l’âme généreuse de la ville.

C’est à quelques mètres  de la  «Skala» de la Kasbah d’Essaouira que se trouve ce lieu emblématique. En entrant par la grande porte, ce sont l’odeur du bois et une citation «Shalom Alaykoum, Salam Lekoulam» qui frappaient l’attention. Le lieu est magnifiquement rénové. Une synographie bien faite, et les objets, les costumes, les photographies, les documentaires, les portraits, les bijoux et les manuscrits retracent l’histoire de la ville.

Le complexe contient aussi à un espace pour la prière, à l’étage le Centre international de recherche Haïm Zafrani, l’une des personnalités emblématiques de la diversité et de la profondeur de l’histoire du Maroc. En outre, le lieu abrite des concerts musicaux et des manifestations culturelles célébrant l’esprit des lieux, celui d’Essaouira… la plurielle !  La mémoire juive d’Essaouira a désormais une demeure!

Mohamed Nait Youssef

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