«L’éveil des pas»

L’écrivain M’barek Housni publie un recueil de poèmes

L’écrivain M’barek Housni vient de lancer un recueil de poèmes sous le titre fort évocateur de «L’éveil des pas». Il renoue avec cet univers de la poésie qu’il n’a jamais quitté à proprement parler, par la voie de l’édition, après une première expérience il y a une dizaine d’années. Et ce, dans la même veine nocturne. Il écrit dans sa préface : «les poèmes de ce recueil ont été écrits presque entièrement sur des bouts de papier glacé. Ceux qui couvrent les tables des cafés de nuit. Écrits à la tombée du soir. Jamais le jour, toujours à l’approche de la nuit, dans un coin d’ombre nocturne».

Il s’agit de poèmes de la déambulation urbaine, accompagnée de la contemplation du monde proche qui se répercute aussitôt dans l’esprit du poète, créant une alchimie du verbe pris dans la magie d’un rythme qui porte comme une voix criant l’amplitude des sentiments. Déambulation parfois rêveuse, entraînée dans un ailleurs berçant l’âme, parfois intéressée par la réalité réelle des choses et de la marche, et d’autres fois, emportée par l’absence que l’errance enfante. En somme, le poète se remplit de poésie le jour, par la flânerie jamais gratuite, pour l’écrire la nuit. Il semble appliquer ce qu’avait écrit le poète Saint-John Perse au poète Paul Claudel : «Tout vrai poète est force vitale ; et il n’est point de souffle vital qui ne projette l’œuvre vers l’avenir».

M’barek Housni s’inspire d’un nomadisme effectif, moderne et fervent, celui qui jalonne l’œil de visions, et strie  le corps de soubresauts ontiques. À  Tanger, Casablanca, Paris, Madrid, Bordeaux, Algésiras… des cités où les pas ont martelé leur part de participation à la présence du passage via le mot de la suggestion.

Forcément et tels des aveux, les poèmes sont au mode singulier, à la première personne, où les objets vus se métamorphosent avec délice, même au plus haut d’une mélancolie existentielle comme décrite en continu dans le poème « Des sandales dans la tête », l’un des deux longs textes du recueil, à côté d’une douzaine de poèmes plus au moins courts, rassemblés ici comme des marqueurs qui sauvent de la disparition, des sensations que la vie n’offre qu’aux moments inactualisés, au dépourvu de toute attente intentionnée, dans la ferveur unique.

Le poète ainsi clame des poèmes  nourris d’escales donnant la priorité à l’émotif avant toute chose, qui lui demeure dans le corps, le cœur et l’esprit. Et qu’il fait passer dans sa machine poétique, la transformant en mots d’un lexique restreint mais choisi soigneusement. Celui puisant son effet dans une spiritualité terrienne aux couleurs de crépuscules bleus, balancée de pauses et d’étonnements alternés. C’est quand l’homme sentant sa perte antérieure face aux beautés cachées et inatteignables qu’à la fréquentation assidue des parcs,  des rues, de la multitude et des épreuves où l’âme se met à exécuter ses exercices de frisson profond.

M’barek Housni va à cet essentiel de la poésie qui est autant chant que rythme, mais obligatoirement servi par une lecture verticale descendante, équilibrée par une voix ascendante. C’est quand la poésie s’incorpore à l’extérieur, dévoilant la vérité individuelle. La vérité que naguère le poète Stephane Mallarmé a taxé,  par ce passage parlant de Baudelaire, de : «… sanglots, arrachés à mon âme […] par une amère sensation d’exil, traversent le noir silence».

Oui, une sensation d’exil accentuée et apaisée à la fois par le noir silence de la nuit.

Extraits :

1- «Ne viens pas me dire l’aveu /De la puissance de la non-puissance /Comme à Casablanca les trottoirs sans noms/Collent aux semelles nues /Ou c’est peut-être Montevideo /Santiago et Paris /Ou c’est Londres quand la divine Katherine/Remuait ses textes et son cœur malade» (Des sandales dans la tête).

2-« Ne laisse pas le cœur marcher /Seul /Sur l’herbe du parc. /Le vent est la langue /De la pierre /Sculptée par l’éternité (Le vent d’un matin).

3-« Est-elle certaine /Du vol effréné de sa traversée /Qui tangue qui vibre /Cette âme de l’homme /Adossé aux vents /Blancs des cieux bas qui raniment le cœur? /L’âme trop longtemps /Délaissée là-bas dans ce sud d’antan /Que la ville peint /Dans le nom inscrit sur la plaque blanche» (A la Estacion sur de Mendez Alvaro).

Éditions ACM, l’association des créateurs marocains, Mai 2021.

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