L’insécurité juridique en droit du travail

Ahmed Bouharrou

(1ère Partie)

L’insécurité juridique est le revers de la sécurité juridique. Cette dernière  est un droit naturel, gage de fiabilité et de cohérence du droit. Le « principe de sécurité juridique » est vu comme la solution à l’insécurité juridique qui prolifère au sein du système juridique. L’expression «sécurité juridique»  s’identifie au principe de «la fiabilité» du droit et à sa «sureté». La doctrine tend à considérer la sécurité juridique en tant que  norme juridique sous forme de principe voire de droit fondamental. La Cour de justice de l’Union Européenne et la Cour Européenne des droits de l’homme hissent la sécurité juridique au rang de principe. Toutefois, celle-ci n’est pas érigée en principe constitutionnel.

La sécurité juridique suppose des normes répondant aux critères de clarté, de lisibilité, de compréhension  et d’intelligibilité. Ces normes doivent aussi être marquées par la stabilité, la prévisibilité, l’accessibilité et la non-rétroactivité. D’où la sûreté et la garantie des droits par leur juridicité. Cette dernière «est la propriété des pratiques sociales de répondre à une finalité par une contrainte .La finalité est d’assurer la reproduction des conditions de vie en société et la contrainte est la sanction, non pas nécessairement la punition, mais la reconnaissance à travers divers procès ou procédures du caractère obligatoire des dispositifs mis en œuvre».

La question de la sécurité juridique demeure posée pour la quasi-totalité des disciplines juridiques. Elle est cristallisée dans l’instabilité normative, le manque d’agencement du corps juridique, la pluralité et la diversité des normes, l’assouplissement des normes (soft law), la dissonance entre les règles et les sources. Le droit du travail présente un intérêt certain à l’heure où certains écrits dénoncent l’insécurité juridique de cette branche du droit.

«La loi ne doit être ni vague, ni laisser de marge trop vaste à ceux qui l’appliquent , ni remettre en cause les droits acquis ou établis , qui fondent particulièrement le sentiment juridique».

La notion de l’Etat de droit «implique que la clarté des règles et institutions juridiques, leur transparence et leur sobriété doivent permettre au citoyen de mener sa «vie juridique» de manière pleine et confiante».

La sécurité juridique est indispensable pour la sécurisation juridique des relations du travail et de leur bonne gouvernance, le respect des droits et des obligations réciproques et pour l’effectivité de la règle de droit.

Le droit Marocain  du travail  garantit-il la sécurité juridique dans les relations sociales ? ; comporte-il des manifestations de l’insécurité, Quels sont les moyens de promotion de sécurité juridique dans  ce droit?

L’insécurité juridique intrinsèque au droit du travail

La norme juridique  du travail doit être accessible, compréhensible et prévisible dans son application. Ces caractéristiques permettent aux justiciables, les employeurs, les salariés, les organisations professionnelles  de connaitre leurs droits et leurs obligations respectifs et  garantissent l’effectivité de la loi, sa cohérence et sa mise en œuvre sans arbitraire. BERNARD Pacte au  disait  que «la première sécurité juridique, c’est finalement un droit qui ne laisserait place ni à la fantaisie, ni à l’arbitraire».

La sécurité juridique est « l’idéal de fiabilité d’un droit accessible et compréhensible qui permet aux sujets de droits de droit de prévoir raisonnablement les conséquences juridiques de leurs actes ou comportements ,et  les prévisions légitimes déjà bâties par les sujets de droit dont il favorise la réalisation».

Le code du travail marocain élaboré dans un contexte marqué par sa rédaction par un comité tripartite et par des enjeux économiques sociaux et syndicaux comprend des zones d’ombre. Les contradictions sociales y sont cristallisées .Droits fondamentaux et flexibilité, droits sociaux substantiels et motivation du capital national et étranger, conciliation entre l’économique et le social, les libertés publiques sociales et la viabilité de l’entreprise. La législation du travail est hétérogène en raison de la pluralité de ses sources, des controverses de ses règles, de l’état de son effectivité et de sa juridicité, de son interprétation, et des outils juridiques établis pour sa mise en œuvre. D’où différentes formes d’insécurité juridique qui peuvent en résulter.

La pluralité et la diversité des sources

Le droit du travail est marqué par la pluralité des sources. Celles-ci sont internationales (conventions et recommandations internationales du travail,  instruments des droits de l’homme, accords bilatéraux) et nationales et étatiques (constitution, lois, décrets, arrêtés, statuts) et professionnelles (conventions collectives, règlements intérieurs, conventions d’établissements, l’usage, le contrat individuel du travail…).

Dans ce sillage, l’article 11 du code du travail dispose que «les dispositions de la présente loi ne font pas obstacles à l’application de dispositions plus favorables consenties aux salariés par les statuts, le contrat de travail, la convention collective de travail, le règlement intérieur ou les usages».

Par ailleurs, en vertu de l’article 3 du code du travail, au cas où  les salariés seront soumis à des  statuts particuliers, les dispositions que ces derniers doivent comprendre, «ne peuvent en aucun cas  comporter des garanties moins avantageuses que celles dans le code du travail». De même, ces salariés  sont soumis aux règles du code du travail «pour tout ce qui n’est pas prévu par les statuts particuliers qui leur sont applicables». En outre, si les entreprises soumises aux statuts particuliers, emploient des salariés ne couverts par ces statuts, ces salariés sont assujettis au code du travail.

Enfin, les dispositions du code du travail sont applicables aux « salariés du secteur public qui ne sont régis par aucune législation». Des articles du code du travail renvoient à différentes sources pour déroger à certaines dispositions du code du travail. En matière de préavis, l’article 43 précise que «le délai et la durée du préavis sont réglementés par les textes législatifs et réglementaires, le contrat de travail, la convention collective  de travail, le règlement intérieur ou les usages». Il ajoute que est nulle de plein droit toute clause de contrat du travail , de la convention collective de travail , du règlement intérieur ou des usages fixant un délai de préavis inférieur à la durée fixée par les textes législatifs ou réglementaires. Est nulle, dans tous les cas, toute clause fixant le délai de préavis de moins de huit jours».

Une disposition identique représentée par l’article 13 sur la période d’essai renvoie elle aussi à au contrat de travail, à la convention collective ou au règlement intérieur pour fixer des périodes inférieures à celles déterminées par  ce même article.

 A ces sources internes s’ajoutent des sources internationales représentées par les instruments internationaux du droit du travail, des droits de l’homme et des accords bilatéraux comme ceux fixant les conditions d’emploi et de travail de la main d’œuvre et de la sécurité sociale et qui sont ratifiés par le Maroc.

Les relations du travail sont régies par une pluralité de normes, répondant  à des interventions de sources différentes, essentiellement étatiques, non étatiques, nationales/internationales. Cette pluralité des sources risque de poser le problème de la hiérarchie des normes et de leur harmonie. La législation du travail contient des dispositions controversées pouvant être à l’origine de l’insécurité juridique.

Les controverses du droit et l’insécurité juridique

Les malfaçons des règles juridiques, leurs  modes d’expression, l’imprécision des normes, les lois floues, les controverses des règles sont des sources  de l’insécurité juridique.

Dans le code du travail, plusieurs dispositions  peuvent faire l’objet d’interprétations et de lectures différentes en raison de l’ambiguïté de leur libellé .D’où un fait générateur de l’insécurité juridique, les controverses en matière de mise en œuvre et d’atteinte aux intérêts en présence. Ces dispositions s’insèrent dans le domaine du pouvoir disciplinaire, du travail temporaire et de médecine du travail et des conditions du travail.

Le cumul des sanctions dans l’année fait l’objet de deux lectures différentes. L’article 38 du code du travail traite la question d’épuisement des sanctions disciplinaires «dans l’année».S’agit-il  de 12 mois ou de l’année en cours ?

Dans la conciliation des conflits individuels, le code du travail énonce par l’article 532 les « tentatives de conciliation  » parmi les missions confiées aux inspecteurs du travail alors que l’article 41 qui renvoie à cet article une procédure spéciale applicable au  » licenciement abusif »   qualifié ainsi par le salarié.

En matière d’emploi temporaire, il semble qu’il y a selon le code du travail une réglementation dualiste. L’une concerne le cadre contractuel de la relation bilatérale de l’emploi temporaire liant l’employeur à un salarié temporaire et qui est assujettie aux articles 16 et 17 du code du travail et dont la fixation de la durée est laissée à l’autonomie des volontés sur la base des principes du code des obligations et contrats.

L’autre règlementation régit la relation du travail temporaire dans un cadre triangulaire liant l’entreprise d’emploi temporaire, le salarié temporaire et l’entreprise « utilisatrice » du salarié temporaire.

Le régime juridique du travail temporaire triangulaire est établi par les articles 477 à 506 qui fixe un cadre précis et presque exclusif quant aux conditions du travail (période d’essai, contrat entre l’employeur et le travailleur temporaire, causes du recours au travail temporaire, durée de la CDD, les éléments obligatoire que doit contenir le contrat du travail temporaires, les cas dont il faut recourir au travail temporaire. Le contrat du travail temporaire a un contenu spécifique par rapport au CDD général.

Le deuxième type de travail qui s’effectue dans un contractuel, autre que celui à caractère triangulaire, demeure régi par les dispositions du code du travail générales en ce qui concerne la formation, la suspension et la résiliation du contrat. Toutefois, l’article 14, paragraphe 2 des périodes d’essai en distinguant entre les contrats dont la durée est inférieure à six mois et ceux dont la durée est supérieure excède six mois.   Ledit article dispose que :

La période d’essai ne peut excéder :

«Une journée au titre de chaque semaine de travail dans la limite de deux semaines lorsqu’il s’agit d’une durée inférieure à six mois ;

Un mois s’il s’agit de contrats d’une durée supérieure à six mois ».

En dépit des rapprochements entre ces deux types de réglementation, une différence réside dans le fait que l’article 496 du code du travail prévoyant les cas dans lesquels, il est possible de recourir au travail temporaire  comprend dans le quatrième cas « l’exécution de travaux pour lesquels il est de coutume de ne pas conclure de contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature du travail ». Cedernier cas ne figure pas parmi les cas cités par l’article 16 et qui d’ailleurs sont identiques à ceux déterminés par  l’article 496.

Dans le code du travail, il y a emploi à tort et à travers des termes «représentants  des  salariés» dans l’article 67, «les représentants syndicaux» (article 139) «organisations représentatives des salariés» dans l’article 495, «organisations représentatives des salariés» et dans d’autres articles «les représentants syndicaux»  et «les représentants des syndicats» dans l’article 185 paragraphe2. Ces divers vocables mettent parfois l’employeur dans le dilemme pour consulter l’instance désignée par le code du travail dans les cas prévus.

Ainsi, «De nombreuses règles du Code souffrent d’une rédaction douteuse et s’avèrent incohérentes, inéquitables ou simplement inapplicables. La  justice était donc attendue pour apporter à ce corpus légal l’intelligibilité et la cohérence nécessaire en faisant bon usage du pouvoir d’interprétation qui lui est conféré .Or, non seulement ses décisions ont fait souvent l’objet d’un manque de clairvoyance déplorable, mais leur instabilité et contradictions aggravent l’insécurité juridique et confortent la défiance à son égard»[1].

L’insécurité  juridique peut être  imputable à la formulation des normes et à leur interprétation comme elle peut  aussi  être imputable  à l’organisation et au fonctionnement de la justice et parfois à la caractéristique de la règle formulée, c’est-à-dire, s’il s’agit de soft ou de hard law.

Soft law : des dispositions non assorties de peines

En fonction du degré de la normativité, la règle de droit peut être rigide, contraignante et dotée de sanction ou flexible et dépourvue d’effet.

Le droit du travail marocain  comprend des dispositions non assorties de sanctions .Certaines sont déclaratoires et consistent en des droits programmatoires. D’autres, malgré, une certaine normativité dont elles sont dotées ne sont pas passibles de sanctions.

Ces dispositions sont-elles un droit mou (soft law), c’est-à-dire,  un ensemble de règles dont la « juridicité » est discutée. Ce sont des règles de droit non obligatoires, ce qui est  a priori  contraire à l’essence du droit. Le concept de soft law trouve à s’appliquer notamment en droit international, doit de l’environnement,  droit constitutionnel et dans les lois contemporaines. Un texte crée du droit mou quand il se contente de conseiller sans poser d’obligation juridiquement annoncée.

 Dans le code du travail,  l’article 23 prévoit que «les salariés ont le droit de bénéficier des programmes de lutte contre l’analphabétisme et de formation continue». Ce droit à la formation  continue n’a jamais été mis en œuvre. En 2018, une loi n° 60-17 du 15 octobre a été adoptée pour régir l’organisation de la formation continue au profit des salariés du secteur privé.

L’article 59  du code en disposant que le salarié «bénéficie également de l’indemnité de perte d’emploi» a crée au début et avant l’institutionnalisation de cette indemnité dans le droit de la sécurité sociale une confusion quant à l’indemnisation des salariés licenciés.

 L’article 65 en imposant que «la lettre de démission  est adressée à l’agent chargé de l’inspection du travail » ne fait qu’encombrer l’inspecteur du travail par la paperasse.

Le chapitre  III du livre IV  sur «de l’embauchage des salariés»  contient des dispositions dépourvues  de sanction en cas de leur violation.

Dans la sphère de la durée du travail, le deuxième paragraphe commence par «cette mesure n’entraine aucune réduction du salaire mensuel». On  déduit  que cette réduction résulte de l’annualisation de la durée du travail or le salaire est calculée en fonction de l’horaire du travail .cet article est mal formulé en ce qui concerne l’aménagement de l’horaire du travail et paiement des salaires y afférents.

Dans la sphère du pouvoir disciplinaire, le code du travail institue une procédure disciplinaire (articles 62 à 65) à mettre en œuvre pour édicter les sanctions et les mesures disciplinaires (procédure d’écoute, droit de défense, remise de la décision de la sanction…).

Toutefois, cette procédure, malgré   son importance pour le contrôle de l’exercice du pouvoir disciplinaire et la lutte contre les bus, la violation de ses règles n’est pas incriminée.

Dans les rapports collectifs du travail, en matière de négociation collective, l’article 92 habilite les organisations syndicales  des salariés les plus représentatives à négocier et à conclure les conventions collectives alors que l’article 471 charge les représentants syndicats désignés par le syndicat le plus représentatif ayant obtenu le plus grand nombre de voix lors des dernières élections professionnelles (en quelque sorte le syndicat majoritaire) de présenter le dossier des revendications, défendre les revendications collectives, d’engager les négociations collectives et de participer à la conclusion des conventions collectives. En cas d’existence de deux syndicats représentatifs, pour des enjeux syndicats, il y a risque de blocage voire d’entrave à la négociation.

Le droit de la représentativité syndicale fixe par l’article  425  quatre critères de détermination des syndicats les plus représentatifs au niveau national. Ces critères sont l’obtention d’au moins 6% du total des délégués des salariés élus dans les secteurs public et privé, l’indépendance effective du syndicat et la capacité contractuelle. En dépit de cette pluralité de critères, seul le critère d’ordre électoral est pris en considération. Ce droit de représentativité demeure lacunaire.

Inadaptation des sanctions et des mécanismes et modalités de mise en œuvre et insécurité juridique

Les problèmes juridiques, techniques et pratiques imputables aux mécanismes de mise en œuvre du droit et les circonstances du contentieux social peuvent être à l’origine de l’ineffectivité du droit et par conséquent à l’insécurité juridique.

Les procés-verbaux d’infractions à la législation du travail connaissent une grande lenteur dans le traitement voire un classement sans suite.

Dans le droit pénal de la sécurité et de l’hygiène du travail, l’outil juridique prévu  pour faire éliminer le danger imminent, le procès-verbal en cas de danger imminent connait un échec patent. La procédure  à mettre en œuvre est complexe. En application de l’article 542, « l’agent chargé de l’inspection du travail doit mettre en demeure l’employeur de prendre immédiatement toutes mesures qui s’imposent  ». Si l’employeur ou son représentant refuse ou néglige de se conformer aux prescriptions qui sont notifiées par une  mise en demeure, l’inspecteur du travail «  dresse un procès-verbal dans lequel il fait état du refus de se conformer auxdites prescriptions».

Dans ce sillage, sur la base de l’article 543, l’inspecteur du travail saisit immédiatement de l’affaire le président de première instance en sa qualité de juge de référés, par une requête à laquelle il est joint le procès-verbal» précité.

Le président du tribunal de première instance « ordonne de prendre toutes les mesures qu’il estime nécessaire pour empêcher le danger imminent». Ce juge des référés doit statuer sur la base du contenu du PV de l’inspecteur du travail?, sur la base d’une expertise ou de son initiative? Il se peut qu’il y ait une différenciation entre les positions.

Il peut  à cet effet «accorder un délai à l’employeur pour ce faire, comme il peut ordonner la fermeture de l’établissement, le cas échéant, en fixant la durée nécessaire pour cette fermeture».

La procédure ne s’arrête pas là. L’article 545 énonce que «si toutes les mesures (précitées) sont épuisées sans que l’employeur s’exécute, un autre procès est adressé par l’agent chargé de l’inspection du travail au procureur du Roi».

Ce dernier «doit soumettre le procès-verbal au tribunal de première instance dans un délai ne dépassant pas huit jours à compter de la date de sa réception. Le tribunal applique alors les dispositions pénales prévues par le chapitre I du titre IV du livre II» du code du travail[2]. La procédure est complexe. Elle  combine les sanctions pénales et civiles et sa mise en œuvre se heurte à beaucoup d’écueils (paiement des frais de justice, exécution des ordonnances, suivi….).

Cet état des lieux engendre l’insécurité  juridique et pousse les agents chargés de l’inspection du travail à renoncer à l’usage de cet outil juridique, le procès-verbal en cas de danger imminent.

En outre, une contrainte résulte de l’exigence d’une procédure de mise en demeure préalable et la fixation des délais avant l’établissement d’un procès-verbal en cas de violations des règles d’hygiène et de sécurité. De surcroit, «l’inspecteur du travail aurait tendance à ne dresser procès-verbal que dans la mesure où tout serait juridiquement clair»[3] or, ce n’est pas toujours le cas. D’où  une certaine impunité et les menace au droit à la vie et à la lutte contre l’altérité de la santé des travailleurs.

Les procés-verbaux d’infractions sont rares voire quasi-inexistants dans des questions de sécurité et d’hygiène comme en matière d’amiante, de benzine et de lumière  car il est difficile d’évaluer les taux dépassant les normes fixées d’où l’insécurité juridique ce qui décourage le recours aux procés-verbaux par les inspecteurs du travail.

Par ailleurs, l’ineffectivité du droit du travail en raison de l’inadaptation des sanctions aux infractions constitue une insécurité juridique voire un sentiment d’insécurité chez les justiciables. Dans le code du travail, l’emprisonnement en tant que sanction est quasi-inexistant. Il  n’existe que dans deux cas et seulement en cas de récidive (six jours à 3 mois en cas d’infraction à l’interdiction du travail forcé) et également une sanction identique est applicable en cas de récidive lorsqu’l y a occupation des enfants de moins de 15.

Toutefois, le juge peut prononcer soit l’amende, soit l’emprisonnement ou les deux. Les autres infractions à la législation du travail, en fonction de leur nature sont passibles d’amendes dont les montants sont variables. Les montants les plus dérisoires sont un minimum de 300 dirhams .D’autres qui sont rares et dont les montants sont un maximum qui peuvent être portés au double en cas de récidive constituent varient entre 25.000 à 30.000 dirhams. La fermeture de l’entreprise pour raisons de sécurité n’a jamais été prononcée suite à un procès-verbal d’infraction établi par l’inspection du travail. Une catégorie d’infractions est punie d’une amende de 2000 à 5000 dirhams.

Le code du travail renvoie à beaucoup d’anciens textes sans les préciser, ce qui risque d’entrainer une insécurité juridique.

La complexité des renvois

L’ancienne législation du travail en vigueur avant l’adoption et l’entrée en vigueur du code du travail le 8 /6/2004 comprenait beaucoup de textes de différentes natures juridiques éparpillés, disparates et anachroniques. Ces textes couvrent une longue phase historique s’étendant pratiquement de 1926 jusqu’à 2004.

Lors de l’élaboration de la nouvelle la législation du travail (le code du travail), le comité tripartite a veillé à ce que le code à élaborer soit plus ramassé, plus cohérent, moins détaillé et plus réduit par rapport à l’ancienne législation et ce, pour faciliter l’accessibilité pour les partenaires sociaux et les différents publics. Cette manière d’agir est à l’origine de lacunes, insuffisances et incomplétude du corpus juridique notamment en matière de sécurité et d’hygiène du travail pour les activités économiques et les professions.

Pour contourner les difficultés et permettre de combler les lacunes, le code du travail prévoit par l’article 587 que « demeurent provisoirement en vigueur les textes pris en application des dahirs, des décrets royaux portant loi et des dahirs portant loi mentionnés à l’article précédent tant qu’ils ne sont pas contraires aux dispositions de la présente loi».

En vertu de l’article 588 du code, ces textes «s’appliquent aux dispositions correspondantes prévues par la présente loi». L’inspecteur du travail, pour veiller à l’application de la législation, le juge pénal ou civil lorsqu’ils statuent sur les procès, l’employeur qui est responsable de l’application de la législation du travail sont appelés à se référer parfois à des textes anciens, éparpillés et disparates et inaccessibles, d’où l’insécurité juridique et le risque de ne pas trouver  facilement  le bon texte à appliquer.

Les instances représentatives du personnel

S’inspirant des expériences étrangères, le législateur marocain a créé des instances représentatives du personnel, le comité d’entreprise, le comité de sécurité et d’hygiène, la commission nationale et les commissions préfectorale /provinciale d’enquête et de conciliation.

Le comité d’entreprise qui doit être dans toute entreprise occupant  habituellement au moins 50 salariés comprend parmi ses membres deux délégués des salariés élus par les délégués des salariés de l’entreprise. Comment peut-on concevoir que dans une entreprise de 50 salariés dont le nombre de délégués des salariés est deux peut organiser une élection pour que deux délégués élisent de déléguer dans cette instance. La même remarque est valable pour la composition de du Comité de sécurité et d’hygiène du travail dont la création est prévue par l’article 336 du code du travail.

Les commissions provinciales et préfectorales et la commission nationale chargées de la conciliation des conflits collectifs du travail objet de livre VI du code du travail  (articles 549 à 566)ont respectivement une  composition fixée par les articles 577 564. Ces instances comprennent  selon un libellé identique en vertu de ces deux articles «à égalité de représentants de l’administration, des organisations professionnelles des employeurs et des organisations syndicales des salariés les représentatives».

Cette disposition est incohérente. Comment peut-on associer des syndicats les plus représentatives alors qu’il n’y a pas de critères juridiques de la représentativité des syndicats à l’échelle régionale d’une part, et en faire partie alors qu’ils ne soient pas concernés ou impliqués par des conflits collectifs, d’autre part. Les syndicats qui ne sont pas représentatifs et qui sont concernés par des conflits collectifs  soumis pour examen à ces institutions ne peuvent-ils pas en faire partie ?

Cette configuration inadaptée ne peut pas être matérialisée. D’où la mise en place de ces instances d’une manière pratique et différente de ce que prévoit le code en raison de l’inadaptation des dispositions déterminant leur composition.

Les lacunes

La législation du travail  n’est jamais parfaite, complète et exhaustive. Elle peut être lacunaire .Il ne régit pas certaines questions du travail, des formes d’emploi ou n’apporte pas de solutions à des problématiques des relations du travail.

A titre d’exemple, il n’existe pas de mesures d’hygiène et de sécurité spécifiques à certains travaux et à certains métiers. Il n’existe pas aussi de réglementation spécifique au télétravail, au travail à temps partiel. La mise à disposions des salariés n’est pas organisée. Souvent, le périmètre du droit du travail n’est pas déterminé de manière nette.

Outre ces différentes manifestations de l’insécurité juridique inhérente au droit du travail qualifiée d’intrinsèque, c’est-à-dire, propre au droit du travail lui-même, il y a une insécurité  extrinsèque qui résulte des facteurs exogènes au droit du travail surtout des positions jurisprudentielles, du décalage entre la loi et la jurisprudence et des divergences entre les décisions jurisprudentielles.

[[

Related posts

Top