«J’étais un communiste avant l’heure»

et ses  édifices hors pair. Ce militant, défenseur acharné de la modernité,  nous raconte aussi son combat intense, menée depuis des années,  afin de  réconcilier la capitale économique avec son passé glorieux et la remettre sur le bon chemin à l’instar des  plus belles cités mondiales. Bourré d’espoir et d’un optimisme inégalé, Andaloussi  place haut la barre,  espérant qu’un jour Casablanca organise les Jeux olympiques. Un rêve tout à fait légitime, martèle-t-il, soulignant dans ce sens la nécessité de l’implication de toutes les bonnes volontés.

Al Bayane : Comment avez-vous esquissé vos premiers pas dans l’univers politique ?
Rachid Andaloussi :
Je dois d’abord souligner que je suis issu d’une famille purement istiqlalie, jusqu’à la moelle. L’air du temps obligeait.  Mais, je considère que j’étais un communiste avant l’heure.  En 1968, au lycée Mohammed V à Casablanca, j’ai côtoyé les futurs militants du PPS. Puis, il y avait les événements de 65 qui étaient incrustés dans nos mémoires.
Un bourgeois qui se définit comme un communiste, n’est ce pas un paradoxe?
Catégoriquement non. Sans sombrer dans la démagogie, je me suis toujours considéré fils du peuple (Ould chaâb). J’étais éduqué aussi bien dans la maison que dans la rue, qui est pour moi la vraie école. Et c’est là que j’ai appris à affronter la vie en faisant connaissance des enfants des quartiers défavorisés. Nos relations étaient basées sur les valeurs de l’amitié et de l’amour. D’ailleurs, il y a une belle citation qui m’a profondément marqué, celle de Georges Marchais, l’ancien secrétaire général du parti communiste français, indiquant que «le temps de vivre, c’est aussi le temps d’aimer».  Je vous affirme que je suis mal à l’aise quand on me met sous le label de la bourgeoisie.
Ne remettez-vous pas en cause vos origines en adoptant une telle position ?
Au contraire, je suis fier de mes origines. Grace à mes parents, j’ai acquis les valeurs de la solidarité, du travail. Mon père était un autodidacte qui a fait sa vie en se contentant sur ses propres compétences. Cependant, je vous assure que je ne suis pas à l’aise quand je suis dans ces milieux soi-disant aisés. Pour moi, il n’y a pas de bourgeoisie au Maroc, il y a seulement des gens riches. La bourgeoisie est avant tout un savoir-faire, une éducation, une classe porteuse d’un projet sociétal.
Pouvez-vous nous parler de votre passage en France et vos liens avec le PPS?
A Paris, et plus particulièrement à la maison du Maroc qui se trouvait à proximité de la cité universitaire,  j’ai commencé à militer à côté de mes amis du PPS. J’étais à la cellule d’Ibn Khaldoun avec Nabil Benabdellah, El Khatib… On était une vingtaine. Nos activités consistaient à organiser des débats autour de la situation politique de notre pays, à entamer des discussions concernant la pensée marxiste, distribuer des tracts aux ouvriers marocains de Citroën-Billancourt,  le journal du parti, Al Bayane, donner des cours de la langue arabe aux enfants d’immigrées …

Qu’est-ce que vous a procuré plus cette expérience ?

Nul doute, j’ai pu vaincre ma timidité et acquérir la confiance en soi. Il s’agissait d’une expérience fructueuse  qui m’a permis de me former, d’œuvrer pour une cause et donner un sens à ma vie. C’était un système qui convenait parfaitement à mon esprit. Un système marqué par le partage, l’égalité  l’échange,  la négation de soi. Ces valeurs ont été pour moi la vraie révolte, abstraction faite des idées de Staline ou de Marx.
Avez-vous continué sur cette lancée ?
A un certain moment, je me suis aperçu que je ne suis pas un politicien. Je suis architecte. A travers l’architecture, je commençais à regarder la politique. C’était pour moi un angle de vue qui est intéressant. Je me suis fait, en outre, une autre vision du communisme qui est la mienne.

Pouvez-vous nous expliquer laquelle ?

Je ne vous cache pas qu’à un certain moment je commence à être gêné.  Le moment où il y avait les grèves de Gdansk en Pologne, mené par Lech Walesa, tout un débat s’est enclenché en France. Certains communistes sont restés motus et bouche cousue.  Une telle position ne m’a pas plu du tout.  D’ailleurs, j’ai soutenu fortement ce syndicaliste qui s’est rebellé contre  la dictature du parti communiste, guidé par son secrétaire général Jaruzelski, qui était d’abord général, chef de l’armée et qui s’en est pris à la classe ouvrière. Le respect des libertés publiques et des droits de l’Homme constituait pour moi une ligne rouge à ne pas franchir.
Est-ce que cela veut dire que avez pris vos distances avec la l’action politique
Loin s’en faut. A travers l’architecture j’ai continué mon chemin de combat avec la même conviction, les mêmes principes. Et je n’ai jamais coupé les ponts avec mes camarades.
Vous croyez toujours en la gauche ?
Bien sûr, et plus que jamais. Mais je milite pour un socialisme adapté à la réalité marocaine et qui prenne en considération nos spécifités culturelles et sociologiques. Le grand sociologue Raymond Boudon avait pleinement  raison quand il note dans son livre La place du désordre, que «chaque théorie quelle qu’elle soit n’a qu’une validité locale».  Pour l’anecdote, quand j’étais à l’Union nationale des étudiants marocains (UNEM) en France, un étudiant  a fait une déclaration amusante, mais pleine de leçons, en soulignant devant tout le monde qu’à l’époque où Marx a inventé le communisme, c’était dans une société qui utilise les fourchettes, écoute Beethoven… Je trouve cela à la fois marrant et extraordinaire. Je dois souligner, par ailleurs, que   je suis fier d’appartenir au PPS. C’est dans cette institution partisane que je me retrouve et où je peux exprimer mes idées et ma manière de voir les choses. Et je ne me suis pas trompé d’un iota en optant pour ce parti avant-gardiste. 
Quelles personnalités politiques vous inspirent le plus ?
J’ai une grande sympathie pour Che Guevara, icône vivante qui a consacré sa vie à aider les pauvres. J’étais aussi heureux quand  François Mitterrand a pris les commandes de la France lors des élections présidentielles du 1981… Au Maroc, il y en a plusieurs, tels Mehdi Ben Barka, Ali Yata, Omar Benjelloun… Et puis, il y a S.M le Roi Mohammed VI qui œuvre en permanence pour donner au royaume la place qu’il  mérite.   Depuis son intronisation, il n’a cessé de multiplier les actions à tous azimuts  en faveur des classes défavorisées. En fait, Rachid Andaloussi s’inscrit dans cette dynamique royale qu’on peut qualifier d’innovante et révolutionnaire.
Top