Voici l’entretien de Maroc Le Jour (MLJ) avec la secrétaire d’Etat chargée de l’Eau, Charafat Afailal:
MLJ : Quelles sont les actions et initiatives lancées par le Maroc pour lutter contre les changements climatiques dans votre domaine d’activité qu’est l’Eau, durant cette année de passage de la COP22 à la COP23?
Mme Afailal : Tout d’abord, il faut souligner que la question de l’eau a été mise en avant pour la première fois lors de la COP22, notamment à travers l’établissement d’une Journée d’Action pour l’Eau qui s’inscrit dans le cadre de l’Agenda global pour l’action climatique (Global Climate Action Agenda). Cette journée est le résultat de tout un travail fait par la communauté internationale pour sensibiliser sur l’impact négatif des changements climatiques sur l’eau. En plus, si on ne s’intéresse pas suffisamment à ce secteur vital, le problème des changements climatiques va persister.
Comment contribuez-vous à cet effort de prise de conscience?
Il s’agit par exemple de la présentation du Livre bleu qui englobe les recommandations à soumettre à la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ndlr) pour mettre l’eau au cœur des négociations, ainsi que pour ouvrir les portes du “Fonds vert pour le climat” aux projets sur l’eau. Ceci dans l’objectif de permettre aux pays les plus vulnérables, particulièrement en Afrique, de mettre en place des projets efficaces et efficients pour combattre les effets des changements climatiques.
En quoi consiste concrètement cette action?
Le Maroc a lancé plusieurs initiatives en Afrique sur la question de l’Eau. Il s’agit principalement de l’initiative “Water for Africa” qui vise à aider les pays de l’Afrique à réaliser des projets luttant contre les changements climatiques, à élaborer leurs revendications et à leur faciliter l’accès aux financements du “Fonds vert pour le climat”. A ce titre, nous travaillons en étroite collaboration avec la Banque africaine de développement (BAD) sur cette initiative, qui sera présentée prochainement au Conseil des ministres africains pour l’eau (AMCOW).
Le Maroc prendra part à la COP23 à Bonn. Quelle sera sa contribution pour réussir cet événement, notamment en ce qui concerne le volet Eau?
Le Secrétariat d’Etat chargé de l’Eau contribue à l’organisation de la Journée d’Action pour l’Eau “Water Day”, dont l’organisation à la COP23 a été confirmée par le “Global Climate Action Agenda”. En plus, nous avons mis en place trois Side-Events dans le pavillon Maroc de la COP23.
Le premier concerne la présentation du bilan de l’Initiative “Water for Africa”. Le deuxième traite de la région MENA et les Objectifs du Développement Durable (ODD), organisé en partenariat avec la Banque mondiale. Le troisième concerne la 6ème édition du Grand prix mondial Hassan II de l’Eau, qui sera organisée lors du 8ème Forum mondial de l’eau (18-23 mars 2018 à Brasilia). Décerné tous les trois ans, ce prix a pour objectif d’encourager toutes les actions en faveur du développement et la préservation des ressources hydriques.
En parlant de ressources hydriques, peut-on dire aujourd’hui que la communauté internationale est suffisamment consciente de l’impact des changements climatiques sur l’eau?
Les effets des changements climatiques se manifestent principalement dans le cycle de l’eau. Ils se déclinent notamment en une régression notable des précipitations et l’accentuation des phénomènes climatiques extrêmes tels qu’une sécheresse exacerbée sur des années successives ou des inondations dévastatrices. D’ici, nous pouvons dire que l’eau est la principale victime des changements climatiques, sachant que c’est à travers le cycle de l’eau qu’on peut mesurer et évaluer l’accélération des changements climatiques.
Comment réagit la communauté internationale face à cette problématique?
La communauté internationale n’a commencé à s’intéresser à la question de l’eau et des changements climatiques qu’à partir de la COP21. En effet, nous avons milité avec acharnement pour sensibiliser sur le fait que le secteur de l’eau est la principale victime des changements climatiques. Du coup, une prise en charge ainsi qu’un grand intérêt à l’égard de cette denrée précieuse, sont d’une nécessité impérieuse. Le travail mené à la COP21 puis à la COP22 et que nous menons à l’heure actuelle s’assigne comme objectif primordial de mettre en avant les enjeux liés à l’eau et les dérèglements climatiques, lors des grands événements, la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, en particulier.
Qu’en est-il des actions concrètes?
Ainsi, il s’en est suivi une panoplie de plans d’actions et d’initiatives internationales pour préserver l’eau des effets des changements climatiques. Citant à titre d’exemple, l’Alliance des mégalopoles pour l’eau et le climat, qui vise à renforcer l’échange d’expériences et le renforcement des capacités entre les mégalopoles pour l’adaptation aux changements climatiques, grâce à la mise en place d’une plate-forme de coopération à l’échelle mondiale pour améliorer le dialogue sur l’adaptation ou l’atténuation des effets des changements climatiques sur l’eau dans les mégalopoles. Le Pacte de Paris, lancé et signé lors de la COP21, prévoit toutes les mesures cruciales pour intégrer l’adaptation des changements climatiques dans les aquifères, les lacs, les fleuves…
Quel sera l’apport de la “Journée d’Action pour l’Eau” prévue lors de la COP23 à Bonn?
Consacrer une journée à l’eau dans le cadre du Global Climate Action Agenda (GCAA) lors de la COP22 et la COP23 n’est pas une fin en soi. L’eau est le combat des populations actuelles du monde entier, mais bien plus, engage notre responsabilité envers les générations futures. C’est pour cela que notre participation à la prochaine COP sera une poursuite du travail mené avant pour mettre l’eau au cœur des préoccupations des participants à cet événement climatique.
C’est dans cette optique également que le Livre bleu sera actualisé et présenté aux parties de la CCNUCC. De surcroît, nous allons nous pencher sur la question de l’eau en Afrique, parce qu’il y a encore 330 millions de la population africaine qui n’ont pas un accès direct à l’eau potable.
Les changements climatiques risquent de causer une pénurie d’eau dans plusieurs pays. Le Maroc risque-t-il ce phénomène?
Le Maroc vit un stress hydrique, qui se manifeste d’une façon beaucoup plus conséquente dans certaines régions et bassins qui ont enregistré des déficits importants au niveau des précipitations, durant plusieurs années, à savoir la région de l’Oriental, le sud-est et la région de Tétouan. Notons aussi que dans certaines zones, notamment la zone de Zagora, la crise est un peu notable. Nous pouvons conclure que le Maroc est un peu loin de la crise. Toutefois, nous essayons de gérer la rareté de l’eau et le stress hydrique.
Quels sont les plans du Royaume pour lutter contre ce stress?
Le Maroc a capitalisé une expertise reconnue à l’échelle internationale en matière de politique hydrique. Ceci grâce à la politique menée depuis l’Indépendance et qui a anticipé l’avenir à travers la mobilisation des ressources au niveau des aménagements hydrauliques, principalement les barrages. Le Royaume dispose actuellement de 140 grands barrages, dont 14 sont en cours de construction.
En outre, le pays ne se contente pas uniquement des ressources superficielles. En effet, il cherche à diversifier ses ressources hydriques, d’où l’importance du dessalement. Le Maroc est plus que jamais appelé à changer le mode de desserte, en alimentant tout le littoral en stations de dessalement.
Propos recueillis par Adil Chadli