Mohamed Qarro : «L’intervention anthropique reste la principale cause»

Al Bayane : On a l’impression qu’il y a une tendance à l’augmentation des incendies de forêts. A quoi est dû ce phénomène ?
Pr Mohamed Qarro :
Parmi les agressions que subit la forêt dans le monde, le feu  est le plus dévastateur. Non seulement il peut engendrer la destruction des peuplements forestiers, mais il peut être la cause des pertes en vies humaines et animales ainsi que des dégâts considérables à l’environnement et à l’économie.  Au cours des dix dernières années, le Maroc a enregistré une tendance à l’augmentation du nombre d’incendies et de la superficie touchée, particulièrement dans le nord du pays (Rif et Pré- Rif). Cela pour deux raisons : la sensibilité élevée au feu des formations forestières, et la forte pression anthropique exercée sur le domaine forestier.  Les feux de forêt se déclarent le plus souvent en été. Entre 1960 et 2006, les incendies forestiers ont endommagé 143 765 ha, avec une moyenne de 252 incendies par an pour une surface moyenne annuelle de 3059 ha. Ces données du Haut commissariat des eaux et forêts laissent entendre une réelle menace pour le patrimoine forestier marocain.  Les efforts déployés par les différents départements concernés en matière de surveillance, de détection et d’intervention ont permis, tout de même, une baisse significative de la superficie moyenne brûlée par les incendies. Dans le cadre de sa politique de prévention, le Haut commissariat des eaux et forêts a élaboré un plan directeur de lutte contre les incendies en plus des moyens matériels mis à la disposition des zones vulnérables pour assurer des interventions rapides et efficaces.

Quelles sont les zones à haut risque au Maroc ?

Le Plan directeur de la lutte contre les incendies de forêt a classé les formations boisées en fonction du risque d’incendie comme suit : 19% (1 083 000 ha) est classé comme des zones à très fort risque d’incendie, 23% (1 311 000 ha) comme des zones à moyen risque et 58% (3 306 000 ha) comme des zones à faible risque d’incendie.
Au Maroc, la région connue pour être la zone à haut risque pour les feux de forêts et où on enregistre le plus important nombre de départ de feux, c’est la région rifaine et plus particulièrement la province de Chefchaouen.  
Dans ces zones à haut risque, parmi les moyens de prévention employés contre  les incendies, on a la compartimentation des massifs forestiers au moyen de réseaux de tranchées pare-feu. Cependant, la reprise de la croissance dans ces pare-feu peut aboutir à la mise en continuité horizontale ou verticale de la végétation. Ce phénomène induit alors une diminution de l’efficacité de la coupure de combustible, d’où l’intérêt d’un entretien périodique.

Quelles sont les principales causes du phénomène ?
La sécheresse et l’homme restent les principaux accusés en Méditerranée.
La sécheresse a fortement affecté, ces dernières années, l’ensemble des pays du bassin méditerranéen, en particulier le Maroc, l’Algérie, le Portugal, l’Espagne et la France. Conséquence à cette sécheresse exceptionnelle: le désolant enchaînement d’incendies de forêts. Chaque été, les médias rapportent la destruction des forêts par le feu, dans presque tous les pays du pourtour méditerranéen.
Malgré l’effet des changements climatiques et l’effet de sécheresse, l’intervention anthropique reste la principale cause des incendies. Selon les statistiques, dans 90% des cas, les humains sont les premiers responsables de ces feux. Contrairement aux autres parties du monde, où un certain nombre de feux est d’origine naturelle, le bassin méditerranéen se caractérise par la prédominance de feux provoqués par l’homme.

Quid de l’éducation et de la sensibilisation ?

Les pays concernés et menacés par les feux de forêts pourraient sauver, chaque année, des vies humaines, des grandes superficies de forêts, si les populations étaient mieux informées et formées en matière de prévention et de lutte contre les incendies.  La prévention et la lutte doivent impliquer en premier lieu les riverains. Investir dans l’information et la formation en matière de lutte contre les incendies de forêts réduira aussi bien le nombre de ces incendies ainsi que les coûts de leur extinction. En plus, il faut adapter une nouvelle législation environnementale à l’échelle nationale et régionale qui persuaderait les populations, les industriels et les exploitants agricoles et forestiers de ne pas pratiquer ou provoquer les feux de forêts.

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