Mohcine Fikri, victime de l’arbitraire, l’improvisation et la précipitation

Une vague de contestation dans les grandes villes du Maroc

Le monopole de la violence et l’exclusivité de la loi sont des domaines régaliens strictement réservés à l’Etat. En face, et en cas de défaillance de ce dernier dans la gestion de ces prérogatives, le peuple lui, dispose de l’arme de la contestation. Un principe tacitement reconnu et accepté dans toutes les démocraties modernes.

La mort tragique, vendredi 28 octobre, de Mohcine Fikri, jeune vendeur de poisson à Al Hoceima, broyé «accidentellement» par une benne-tasseuse alors qu’il essayait d’empêcher la destruction de sa marchandise, une cargaison d’espadons chargée au port de la ville et que Mohcine s’apprêtait à acheminer vers la ville de Nador, et la grande vague sans précédent d’indignation qu’elle a suscitée dans pratiquement toutes les villes marocaines en a été l’exemple.

En effet, et moins de 48 heures après la diffusion sur «youtube» et sur les réseaux sociaux des vidéos de sa mort, des sit-in et marches de protestation ont été organisées avec une spontanéité qui n’a d’égal que la discipline et l’ordre dans lesquels ils se sont déroulés. Sans encadrement partisan ou syndical, sans leaders réels ou autoproclamés si ce n’est un mot d’ordre anonyme donné sur les réseaux sociaux 24 heures avant l’heure fixée, des milliers de Marocains ont signé un agréable moment de solidarité qui démontre, si besoin en est, l’unité populaire autour des questions cruciales. Un bel entrain qui exprime une conscience politique et une symbiose héritée de cette fibre patriotique qui avait guidé les Marocains dans leur lutte contre l’occupation durant la première moitié du siècle dernier et pour la construction de cette démocratie pluraliste moderne et juste.

Une réaction spontanée qui a été retenue, entendue et assimilée par les autorités locales et centrales qui ont annoncé dès le début de cette crise leur volonté de diligenter une enquête sérieuse et impartiale conformément à la loi et dans le respect strict des procédures en vigueur afin de rétablir toute la vérité sur cet incident tragique.

S.M Le Roi Mohammed VI a ordonné l’ouverture d’une enquête approfondie et minutieuse «pour que des poursuites soient engagées contre quiconque dont la responsabilité serait établie dans cet incident, avec une application rigoureuse de la loi à tous, pour servir d’exemple à toute personne qui aurait failli ou manqué à ses missions et responsabilités».

Car, si les conditions de l’interpellation de la victime font l’objet de spéculation entre les déclarations d’officiels, de témoins et les révélations de certains observateurs, notamment sur les réseaux sociaux, il n’en demeure pas moins que «personne n’avait le droit de le traiter ainsi», comme l’a déclaré dimanche soir le ministre de l’Intérieur Mohamed Hassad, ajoutant qu’on «ne peut pas accepter que des responsables agissent dans la précipitation, sous la colère, ou dans des conditions qui ne respectent pas le droits des gens».

Le ministre affirme que «ce dont on est sûr c’est que la personne concernée a quitté le port dans une voiture avec quelqu’un d’autre, et a refusé de s’arrêter à un contrôle de police. L’alerte a été donnée, le véhicule a été intercepté, avec à son bord une quantité importante d’espadons, une espèce interdite à la pêche. Le procureur a été informé et la décision a été prise de détruire la marchandise illégale. Toutes les questions se posent après ça. Qui a pris la décision de le faire le soir même, comment la benne a-t-elle pu se déclencher… c’est à toutes ces questions que l’enquête du procureur doit répondre», a-t-il promis.

Sur hautes Instructions de S.M le Roi, le ministre de l’Intérieur s’est rendu dimanche à Al Hoceima et présenter les condoléances et la compassion du Souverain à la famille du défunt.

La dépouille de Mohcine Fikri a été mise en terre dimanche aux environs de la ville d’Imzouren, en présence des membres de sa famille, de ses amis et proches et d’un grand nombre d’habitants d’Al Hoceima, d’Imzouren et de leurs environs.

La dépouille du défunt a été transférée d’Al Hoceima vers la commune d’Imzouren où s’est tenue la prière du mort à la Mosquée Al Imam Malik, avant que le cortège funèbre ne se dirige vers le cimetière Ifdissen au Douar Hattati à Imzouren où se sont déroulées les funérailles.

Najib Amrani

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