Nicaragua : Mandat d’arrêt contre l’écrivain Sergio Ramirez

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Le président nicaraguayen Daniel Ortega n’y va pas de main morte lorsqu’il s’agit de châtier ses opposants et c’est le moins que l’on puisse dire au vu de la vague de répression qui s’est abattue sur le pays et des procès qui s’y sont ouverts à deux mois des prochaines élections législatives prévues le 7 novembre 2021.

C’est ainsi que sont poursuivis pour « blanchiment d’argent, de biens et d’avoirs » – des délits qui, dans le Code pénal du Nicaragua, sont considérés comme « complot visant à porter atteinte à l’intégrité nationale » – 34 opposants au chef de l’Etat, dont 7 candidats à la présidence de la république.

Parmi ceux-ci, figure Cristiana Chamorro, qui est assignée à résidence depuis le 2 juin dernier et qui n’est autre que la fille de Violetta Chamorro, qui avait présidé aux destinées du Nicaragua de 1990 à 1997, et qui sera la principale rivale du président Daniel Ortega lors des prochaines élections présidentielles.

Mais, dans leur chasse à l’homme, les procureurs « mandatés » par le chef de l’Etat ne se sont pas arrêtés là puisqu’ils ont prononcé les mêmes charges et lancé un mandat d’arrêt contre cette figure éminente du sandinisme qu’est l’écrivain Sergio Ramirez, ancien compagnon de lutte du président et auteur de « Punition divine », un roman qui lui avait valu, en 2017, le prestigieux prix « Cervantes ».

Agé de 78 ans, Sergio Ramirez qui s’était notamment distingué par son engagement dans le mouvement sandiniste, cette organisation politico-militaire socialiste qui avait renversé le dictateur Somoza et prit la tête du Nicaragua en 1979, avait été membre du Conseil d’administration de la construction nationale et même vice-président lors du premier mandat d’Ortega (1985-1990) avant de se brouiller complètement avec ce dernier en 1995. 

Incriminé pour avoir bénéficié de fonds provenant de la Fondation Barrios de Chamorro présidée par la fille de l’ancienne présidente du Nicaragua mais aussi pour avoir perçu de l’argent de la part de la Fondation Luisa Mercado, une organisation culturelle que le parquet accuse d’avoir tenté de « déstabiliser » le pays, le célèbre écrivain, qui, depuis juin dernier, vit hors des frontières de son pays qu’il a quitté après sa comparution comme témoin dans l’affaire intentée contre la Fondation Chamorro, ne compte pas y retourner et ce, d’autant plus qu’il a été accusé « d’incitation à la haine » et de « complot contre la souveraineté ».

Autant de raisons pour lesquelles Sergio Ramirez a partagé, sur les réseaux sociaux,  une vidéo dans laquelle, après avoir dénoncé le manque d’indépendance de la justice nicaraguayenne et souligné « la médiocrité de ceux qui, en ayant des instruments répressifs au poing et s’étant dépouillés de tout scrupule, se croient aussi maîtres de la dignité, de la conscience et de la liberté d’autrui », il a déclaré que ces derniers ne lui « imposeront jamais le silence » et rappelé que si, en 1977, Anastasio Somoza l’avait déjà accusé de crimes similaires, cela signifie, tout simplement, qu’aujourd’hui, en 2021, il se bat contre une autre dictature qui n’est pas différente de la précédente ; celle de Daniel Ortega.

Dans son message, Sergio Ramirez, écrivain, avocat, journaliste, homme d’Etat et éminente figure du sandinisme a déclaré : « Je suis un écrivain engagé pour la démocratie et la liberté et je n’abandonnerai pas cet effort où que je sois. Mon œuvre littéraire, depuis des années, est l’œuvre d’un homme libre. Les seules armes dont je dispose sont les mots et le silence ne me sera jamais imposé »

Comment s’achèvera donc le combat que se livrent, aujourd’hui, à mains nues, deux hommes qui ont lutté côte-à-côte, les armes aux poings, pour faire tomber la dictature de Somoza et qui y étaient parvenus ?

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