Attendons pour voir…
Il n’était pas nécessaire d’être devin pour savoir que le président Chavkat Mirzioïev, 64 ans, allait rempiler pour un second mandat à l’issue des élections qui ont eu lieu le week-end dernier en Ouzbékistan, cette ex-république soviétique de 34 millions d’habitants frontalière de l’Afghanistan qui est située dans une région aussi difficile que stratégique où la Russie et la Chine exercent une forte influence.
L’issue de ce scrutin était tellement évidente qu’avant même la proclamation officielle des résultats, le président sortant qui dirige, depuis 2016, le pays le plus peuplé d’Asie centrale, a été félicité par son homologue russe Vladimir Poutine pour sa « victoire convaincante » dans une élection qui, de l’avis des observateurs de l’Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe (OSCE) et du Parlement européen, s’est déroulée non seulement « sans véritable concurrence » mais aurait été, également, entachée d’ «importantes irrégularités ». Les observateurs étrangers auraient relevé « des signes de bourrage d’urnes dans plusieurs bureaux de vote » et noté qu’ « un grand nombre d’électeurs » avaient pu voter « sans présenter de document d’identité ».
Mais, ce n’est point là l’avis de la Commission électorale ouzbèke qui considère que ce scrutin a été organisé « conformément aux normes internationales ».
Et si, d’après les résultats préliminaires de la Commission électorale publiés lundi, Chavkat Mirzioïev aurait recueilli 80,1% des suffrages exprimés, ses détracteurs l’accusent d’avoir délibérément écarté toute véritable opposition et de n’avoir eu à affronter que des candidats fantoches – triés sur le volet – qui s’étaient abstenus de le critiquer pendant la campagne électorale.
D’ailleurs, le débat télévisé opposant le président sortant et ses quatre « rivaux » qui devait se tenir le 19 Octobre et qui avait été salué comme étant un évènement sans précédent et un véritable « progrès démocratique » n’a pas eu lieu comme convenu car le président sortant n’est pas venu défendre son bilan et que les quatre autres candidats se sont fait représenter par d’obscurs personnages qui s’étaient contentés de lire, à tour de rôle, les programmes des partis qu’ils sont supposés représenter.
Si donc, au moment de son arrivée au pouvoir, le président Mirzioïev avait suscité l’espoir d’une démocratisation de l’Ouzbékistan en abolissant le travail forcé de milliers d’enfants dans les champs de coton – ce qui, à l’époque, avait été chaleureusement salué dans le monde entier – et en libérant les opposants emprisonnés et torturés par son prédécesseur Islam Karimov, cette éclaircie ne fut que de courte durée car le nouveau président avait rapidement renoué avec les habitudes du passé en réprimant toutes les personnalités critiques et toutes les voix discordantes.
Interrogé, par l’AFP, le politologue Kamoliddine Rabbimov répondra que cette dernière élection a montré que si l’Ouzbékistan « n’est plus une dictature du type Karimov », il n’est pas, pour autant, devenu une démocratie ». Il ajoutera, par ailleurs, que du moment que « les gens sont inquiets des monopoles d’Etat et de la corruption, Mirzioïev va tenter des réformes car retourner aux répressions sévères de Karimov n’est pas une option »..
En outre, lors de son entrevue avec les journalistes du quotidien français, « Le Monde », Bakhtiyor Alimdjanov, politologue indépendant basé à Tachkent, a déclaré que « Mirzioïev veut montrer à l’occident qu’il est un réformateur et qu’il tiendra ce rôle jusqu’en 2025. Il promet à Moscou la stabilité politique et de conserver un système laïc. Pour Washington, il retarde l’intégration du pays dans [l’union douanière dominée par Moscou]. A Pékin, il promet un corridor à travers l’Afghanistan ». Une belle brochette de promesses, en effet, mais parviendra-t-il à toutes les tenir ? Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI