Pakistan: les malheurs des  Ahmadis

Il y a, de par le monde, une communauté, forte de près de dix millions de personnes, qui vit au Pakistan un abominable calvaire mais dont personne ne parle; cette communauté est celle dite des «Ahmadis»…

Mais qui sont ces pestiférés des temps nouveaux qui, à l’instar de leurs voisins Rohingyas de Birmanie, font systématiquement et quasi-quotidiennement l’objet d’exactions, de brimades, de persécutions et d’arrestations arbitraires parfois même – ô comble de l’horreur ! – pour avoir seulement prononcé des paroles qui heurtent violemment les oreilles et la sensibilité des autorités du Pakistan ; à savoir, «Assalamoualaikoum» ?

Les Ahmadis sont une minorité religieuse née en Inde qui se réclame de l’Islam mais que les musulmans considèrent comme hérétiques dès lors qu’ils érigent leur fondateur Mirza Ghulam Ahmed (1835-1908) au rang de prophète et de messie.

Ainsi, dans un ouvrage intitulé «Ahmadiyya : un Islam interdit» (L’Harmattan – 2014), Asif Arif estime que ces derniers ont «un problème identitaire puisqu’ils se réclament de l’Islam bien que les musulmans ne les considèrent pas comme tels» et ce, alors même qu’ils «respectent les cinq piliers de l’Islam et le credo (Aqida) en se basant sur la Sunna en tant que corpus des enseignements du prophète et sur le Coran en tant que référence suprême» et qu’ils s’appuient sur la tradition hanafite quand surgit un problème de droit (fiqh) ; ce qui fait dire à l’auteur que la spécificité ahmadie est, avant tout, «de l’ordre de l’interprétation».

Mais les autorités du Pakistan ne voient pas cette communauté d’un «très bon œil». C’est dans ce cadre, d’ailleurs, qu’un amendement à la Constitution avait, dès 1974, mis cette frange de la population pakistanaise au ban de la communauté musulmane. Ainsi, outre le fait qu’il leur est interdit de se rendre en pèlerinage à la Mecque, les Ahmadis sont victimes de toutes sortes de persécutions et d’humiliations en tous genres.

Ainsi, lors d’une intervention musclée effectuée, le 5 décembre dernier, sans aucun mandat de perquisition, la police pakistanaise s’était emparée du matériel informatique d’un bureau appartenant à la communauté Ahmadie alors que ses membres étaient en train de travailler et avait arbitrairement arrêté deux imams pour leur faire avouer des faits qu’ils n’ont jamais commis.

Force est de constater, toutefois, que si l’article 20 de la Constitution du Pakistan accorde expressément à chacun le droit de déterminer son culte, le second amendement, quant à lui, interdit aux Ahmadis une telle auto-détermination en les ravalant à un rang subalterne et en les considérant comme étant des «non-musulmans». Enfin, en vertu d’une telle ordonnance, il est interdit aux Ahmadis de faire acte de piété en lisant le Coran, en possédant des mosquées ou même en priant tout simplement ; en somme, de pratiquer leur foi bien que celle-ci contienne les éléments essentiels de la religion musulmane.

Nabil El Bousaadi

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