Parlement: L’année des réformes structurantes

De la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire aux indépendants, à la réforme des retraites, en passant par l’adoption de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature: 2016 a été sans conteste l’année des grandes réformes. Retour sur ces réformes arrachées de dure lutte au sein de l’Hémicycle.  

Retraites : La réforme de l’année !

Lorsque Abdelilah Benkirane dévoile sa vision de la réforme des retraites en décembre 2015, il s’attend à des difficultés mais pas à un lobby aussi nourri. La réforme a fait l’objet de tirs croisés, particulièrement au sein de la Chambre des conseillers.Les rapports entre le gouvernement se sont résumés à «je t’aime moi non plus». Même après son adoption, des conseillers de l’opposition se sont mobilisés pour saisir le Conseil constitutionnel afin d’invalider l’adoption de la réforme sur la base de «vices de forme ayant entaché la procédure d’adoption». Mais le Conseil a statué en faveur du gouvernement, confirmant notamment la constitutionnalité des trois lois relatives à la réforme des retraites. Près de 4 mois après l’adoption de la réforme, les conseillers de la majorité ne veulent toujours pas baisser les bras. Abdelilah Benkirane, a présenté un exposé sur la situation de la Caisse marocaine des retraites devant les membres de la commission, mercredi 21 décembre. Si la page n’est pas totalement tournée, le gouvernement peut se targuer d’avoir réussi à faire passer la réforme. Mais il a fallu faire une concession en acceptant l’amendement proposé par la deuxième Chambre, qui relève progressivement l’âge de départ à la retraite à 63 ans, à raison de 6 mois chaque année au lieu d’un an.

Feu vert pour l’extension de l’Amo

L’une des lois majeures entérinées par le Parlement concerne l’extension du régime de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) aux travailleurs indépendants et aux personnes non salariées exerçant une activité libérale. Le texte a été adopté après 7 mois en stand-by à la Chambre des conseillers. Pour accélérer la cadence, le ministre de la Santé a même élaboré les décrets d’application avant même que la loi ne soit approuvée par le Parlement. L’un de ces textes porte sur les modalités d’application de la loi tandis qu’un autre fixe le taux de taux de cotisation, avait indiqué le ministre de la Santé, El Houssine El Ouardi, lors d’une journée d’étude organisée par la deuxième Chambre. Concrètement, cette loi ouvre la voie à 3,6 millions de personnes pour bénéficier d’une assurance maladie obligatoire, ce qui pourra porter le taux de couverture médicale à 60%. Si l’on rajoute leurs ayants-droits, le nombre de bénéficiaire s’élèvera à 11 millions de personnes, soit 30% de la population marocaine.

La réforme de la justice adoptée en moitié

L’année 2016 a également été marquée par l’adoption de deux lois d’intérêt majeur. Il s’agit des lois organiques relatives au statut des magistrats et au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Le premier texte contient plusieurs nouveautés, notamment la garantie du droit d’expression et de constitution d’associations professionnelles selon les lois en vigueur. Mais il impose aux juges une obligation d’indépendance, de probité et de droiture. Il s’agit de contrer les tentatives d’enrichissement illégal des magistrats. Cette loi organique exhorte les juges à effectuer une déclaration de patrimoine au moment de leur nomination et à la fin de leurs fonctions. Elle les oblige également à trancher dans les affaires qui leur sont soumises dans un délai raisonnable. Quant à la loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature, elle dote la justice de plusieurs outils destinés à renforcer son indépendance, ainsi qu’à  lutter contre toute ingérence dans les affaires traitées par les tribunaux. Cependant, 2016 s’est achevé avant que le Parlement n’adopte une réforme décisive, celle du Code pénal. Le blocage des tractations pour la formation de la nouvelle majorité ont freiné l’examen et l’adoption de ce texte.

Les politiques publiques sous la loupe des parlementaires

Au-delà des lois validées, 2016 s’est également distinguée par la mise en œuvre du mécanisme d’évaluation des politiques publiques par le Parlement, qui est prévu par l’article 70 de la Constitution. Alors que la Chambre des représentants a limité son premier rapport d’évaluation à l’accès à l’eau et à l’électricité, la seconde Chambre a passé au peigne fin la contribution de cinq stratégies sectorielles dans la production de richesses. Des recommandations ont été émises pour combler les lacunes constatées. Encore faut-il qu’elles soient prises en considération. Les parlementaires ont en tout cas de quoi être fiers. Le Maroc et le Madagascar sont les seuls pays de l’Afrique à avoir investi le Parlement d’une mission capitale en lui confiant l’évaluation des politiques publiques.

Hajar Benezha

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