La commémoration de la «Journée Internationale de lutte pour les droits de la Femme», dite par contraction «journée de la femme», a pris cette année un tournant plus politique que d’ordinaire dans plusieurs pays.
Aux Etats-Unis, ce 8 Mars a été rebaptisé «journée sans les femmes». Aussi, à New York et à Wahington, ces dernières ont-elles défilé, par milliers en portant ces fameux bonnets roses appelés «pussyhats» lancés à l’occasion de la grande marche anti-Trump du 21 Janvier dernier.
Dans la capitale espagnole ce sont plus de 40.000 personnes qui ont marché jusqu’à l’emblématique Plaza de Espana arborant des pancartes où l’on pouvait lire «Justice» ou «Quand tu te tais, tu n’es pas belle». Barcelone, Alicante, Grenade ou Bilbao ainsi que d’autres villes du Royaume ibère n’ont pas été en reste.
En Uruguay, plusieurs dizaines de milliers de manifestantes ont défilé le long de la principale avenue de Montévidéo pour dénoncer les violences domestiques en constante augmentation dans le pays alors qu’à Buenos-Aires, en Argentine, elles se sont dirigés vers le siège du Gouvernernent se trouvant à proximité de la célèbre Plaza de Mayo pour réclamer l’égalité des droits et dénoncer la violence machiste.
Au Brésil, c’est l’aéroport international de Rio de Janeiro qui, cette année, a symboliquement changé de nom en prenant, pour dix jours, celui d’une militante contre la violence domestique, Maria de Penha.
A Istanbul, ce sont plus de 10.000 personnes – en majorité des femmes – qui ont battu le pavé pour dénoncer à la fois «la violence des hommes» et le référendum du 16 Avril prochain prévu au titre du renforcement des pouvoirs du président.
A Dacca, au Bangladesh une quinzaine de survivantes des fameuses “attaques à l’acide” ont participé à un défilé de mode pour rappeler à la fois leur existence et les souffrances qu’elles endurent du fait du machisme.
Mais la palme revient encore cette année aux mexicaines … «Pas une de plus»… tel était le slogan que scandaient des milliers d’entre elles en grève à l’occasion de cette journée du 8 Mars à Mexico et dans une vingtaines d’autres villes pour dénoncer la vague de meurtres sexistes qui a profondément ébranlé le pays ces derniers temps.
Brandissant des drapeaux mauves – la couleur des féministes – et arborant des affiches sur lesquelles est inscrit « si nos vies et nos corps n’ont pas de valeur produisez sans nous » elles manifestaient pour dénoncer les crimes de genre ou féminicides qui ont augmenté de 85% en quinze ans. Ainsi, d’après un rapport élaboré par le Réseau pour les Droits de l’Enfance au Mexique (REDIM) ce seraient quelques 6725 adolescentes qui auraient disparu, dans le pays, entre 2006 et 2014.
Les seins nus et portant une écharpe enroulée autour de la tête, «pour des raisons de sécurité», Lucrecia, une jeune fille de 21 ans, étudiante en Sociologie, qui confie qu’elle a été plusieurs fois victime d’attouchements dans le métro de Mexico signale que, d’après la Commission d’Attention aux Victimes (CEAV) les deux tiers des mexicaines âgées de plus de 15 ans ont été victimes d’agressions sexuelles mais que seuls 2% des délits sont jugés dans la mesure où la plupart des victimes ne portent pas plainte dès lors que, comme le dénonce Tania Reneaum, la directrice d’Amnesty International au Mexique « même les policiers violent, en toute impunité, des délinquantes présumées».
Ainsi, en cette année 2016, les droits des femmes sont toujours bafoués dans la plupart des pays du monde et au Mexique où 80% de la population est catholique, l’interruption volontaire de grossesse est même passible d’emprisonnement dans 17 Etats.
Soucieux de tempérer la grogne des mexicaines, le Président Enrique PenaNieto a saisi l’occasion de ce 8 Mars pour appeler ses concitoyens «à combattre le machisme et les violences contre les femmes» ; ce qui a fait dire, de manière ironique, à l’une des manifestantes, professeur d’université, qu’il ne s’agit-là que d’une «récupération politique» faite en marge des élections locales dont la tenue est prévue en juin prochain et du scrutin présidentiel qui aura lieu en 2018. Aussi, souhaiterait-elle voir les mexicaines, qui constituent 52% de l’électorat, sanctionner par les urnes «les responsables politiques machistes».
Nabil El Bousaadi