Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
«L’Etat de droit doit protéger ses citoyens d’un gouvernement tout puissant. Cela a échoué d’une manière horrible» a déclaré, ce vendredi le Premier ministre néerlandais Mark Rutte au cours de la conférence de presse qu’il a donné après avoir remis, au roi Willem-Alexander, la démission de son gouvernement.
Ce dernier qui dirige, depuis Octobre 2017, une coalition formé de quatre partis; à savoir, le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD, libéral), l’Appel chrétien-démocrate (CDA), l’Union chrétienne (CU) et Démocrates 66 (d66, centristes pro-européens) était sous pression depuis plusieurs semaines à la suite d’un invraisemblable scandale administratif dans lequel des milliers de familles furent accusées de fraude aux allocations familiales.
Une commission parlementaire instituée à l’effet d’enquêter sur cette malheureuse affaire a conclu que quelques 26.000 familles ont été victimes, ces dix dernières années, d’«injustices sans précédent», en somme de graves atteintes aux principes de l’Etat de droit.
Le rapport publié par ladite commission en décembre dernier avait révélé qu’après avoir été traqués par les services fiscaux qui enquêtaient sur des fraudes présumées aux allocations et aux indemnités pour frais de garde d’enfants qui seraient survenus entre 2013 et 2019, certaines familles avaient vu leurs droits supprimés. Parmi celles-ci certaines auraient même été contraintes de rembourser, à l’administration fiscale, des sommes très importantes. Or, après enquête, il est apparu que l’administration qui s’était, très souvent, appuyée sur des données erronées avait refusé de livrer des informations aux victimes desdits abus.
Après avoir pris connaissance de ce grave dysfonctionnement, le gouvernement, soucieux d’étouffer le scandale, avait fait part de son intention de verser, au cours des quatre mois suivants et à chaque parent concerné, la somme de 30.000 euros. Mais, rien n’y fit et cette proposition n’a pas permis d’éteindre l’incendie quand bien même l’opinion publique soutient largement la gestion de la pandémie par le parti libéral-conservateur (VDD) de Mark Rutte qui, après avoir dirigé, successivement depuis 2010, trois gouvernements de coalition, a encore de très fortes chances de rafler la majorité des suffrages à l’issue des nouvelles élections législatives.
Aussi, après s’être fermement opposé à toute démission de son équipe gouvernementale en invoquant le fait que le pays a besoin d’un gouvernement « décisionnaire » pour pouvoir lutter contre la pandémie du coronavirus, Mark Rutte s’est trouvé confronté au risque de devoir faire face, la semaine prochaine, à un vote de défiance du Parlement. Mais, en s’amplifiant jeudi à la suite de la démission de Lodewijk Asscher, le chef du Parti Travailliste néerlandais (PvdA) qui, sous la précédente coalition gouvernementale, avait été en charge du ministère des Affaires sociales de 2012 à 2017, la pression exercée sur l’actuel gouvernement a précipité son départ.
Mais il convient de préciser, par ailleurs, que si la démission de ce vendredi permet à Mark Rutte d’échapper à la «défiance», le «timing» lui est également favorable car en intervenant au moment où le pays traverse la phase la plus aigüe de la crise sanitaire du Covid-19 et à deux mois des élections législatives qui doivent se tenir le 17 mars prochain, elle ne va pas empêcher le «gouvernement démissionnaire» de continuer à gérer les affaires courantes dans l’attente de la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale ou de la tenue des élections législatives. Ces dernières se tiendront-elles à la date convenue ou auront-elles lieu avant terme ? Attendons, pour voir…