(Écrit dédié au baobab de l’art dramatique national, feu Abdelkader Ababou, à l’occasion de la journée mondiale du théâtre)
Sur quel pied dansait la trouvaille théâtrale de feu Abdelkader Ababou, quelques temps, avant de tirer sa révérence ? « Hadda oua zermoumiat », fut baptisée cette prodigieuse création de l’illustre dramaturge qui ne vivait que pour le théâtre, plus de cinq décennies durant. Sans nul doute, ce chef-d’oeuvre qui a crevé l’écran, dès sa présentation sur scène, de par sa sublimité et sa magnificence, à la salle de l’hôtel de ville d’Agadir, à l’occasion de la journée mondiale de théâtre. Toujours fidèle à ce choix artistique d’une finesse éclatante, l’instigateur apôtre de cette école théorique appelée : « le théâtre dialectique » égrène une panoplie d’ingrédients cohérents dont le fil conducteur demeure infaillible, tout au long du spectacle. Cette harmonie subtile entre toutes les substances vivifiantes du spectacle, imbues de cérémonial interpellant, secrète, en fin de compte un seul message composite par le biais duquel le récepteur, dans sa complexité, épouse avec fluidité et hilarité l’enseignement suprême. L’éloquent répertoire de Abdelkader Ababou, puise dans le classique universel tels que Heiner Moller et Bertold Brecht, ou encore dans le brassage patrimonial national de Meskini S’ghir et Abdelkrim Berrechid, peut paraître, à priori, une ritournelle au niveau du mouvement, des effets visuel et sonore, de l’espace scénique et du message. Mais, sans risque de se tromper, il est convenu de toute évidence que les mobiles du montage de la pièce donnent bien cette impression de refrain répétitif. Or, on ne saurait être insensible à cette légendaire aptitude créative de donner, à chaque fois, un entrain fracassant à ses pièces sans nullement tomber dans la redondance, même si certains éléments clefs reviennent, à chaque fois. Notamment le fusil traditionnel, le cheval lunaire, le décor et le vestimentaire loufoque, l’accessoire disproportionné, l’instrument, le verbe et le propos du « bled »… Hadda ou Zermoumiat est une réelle illustration de tout ce qui précède. A première vue, la pièce fait référence à celles qui l’ont précédée. Toutefois, au fil du temps, elle révèle ces sécrétions intarissables de novations en termes d’esthétiques, de parures et tuniques, d’interprétations en constant mouvements et d’enseignements profonds. Aura-t-on donc la latitude de taxer ces créativités de monocordes ? Absolument pas. Car, à mesure que l’intrigue avance, dans le temps et l’espace, on est livré à une pléthore de tirades et thématiques complexes les unes que les autres, mais terriblement liées à une ligne de conduite ahurissante. Au cours de ces saccadées attractives, l’intrépidité du traitement est de mise, notamment ces réquisitoires affichées contre le dogmatisme intégriste, le despotisme militariste et le totalitarisme nationaliste. Des thèmes ambivalents qui référent à de grabuges et de dysfonctionnements exécrables de la société. Tous ces leitmotivs grossièrement mis en relief sont traités, à travers des métaphores et litotes savamment et habilement mis sur scène, par l’intermédiaire des artistes de talent. Hadda ou Zermoumiat constituent, en effet, le prototype d’un maillage raffiné de plusieurs substances, formant, en fin d’un compte, un conglomérat compact autour d’une conception théâtrale dont tout précepte, aussi infime qu’il soit, vaut son pesant d’or dans un ensemble parfaitement accolé. De ce fait, Abdelkader Ababou qui relève de ces praticiens de théâtre les plus chevronnés, donne encore la preuve que le spectacle c’est avant tout, l’art de plaire et de complaire, dans ses dimensions les plus nobles au service de l’humanité.